The Studio Experience #3

Benighted

Batiskaf, Nantes (France)

du 06/10/2018 au 07/10/2018

TSE, The Studio Experience ! Pour sa 3ème édition, Metalnews y était... On a appris plein de trucs, passé un super moment avec pleins de passionnés et comme c'était bien cool, ben on vous le raconte...

Samedi 6 octobre. 5h, le réveil interrompt mes rêves et me jette dans la réalité sombre d'une journée qui n'a pas encore réellement commencée. Je rince sous la douche les excès anisés d'une 3ème mi-temps achevée quelques heures auparavant, j'avale un café, prends mon sac et zou direction la gare. J'ai rendez vous dans quelques heures au Batiskaf, le studio nantais pour couvrir le 3ème Studio Experience avec les furieux Benighted.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore, the Studio Experience est l'occasion de passer 2 jours dans un studio professionnel avec un ingé son aux manettes et un groupe qui enregistre un morceau. 

Perso, je fais partie de cette génération qui a connu le metal fin 80 / début 90. J'ai (mal) joué de la 6 cordes dans quelques groupes jusqu'au début des années 2000 et j'ai en tout et pour tout enregistré 3 démos. Notre niveau très... amateur et notre méconnaissance des choses de l'enregistrement nous fermait de fait les portes des studios les plus rudimentaires. Le top était donc pour nous d'enregistrer sur un Fostex ( ou Tascam) à cassettes 8 pistes drivé par une connaissance démarrant ses études d'ingé son et qui, en échange d'un casse dalle et d'un paquet de clopes, acceptait de perdre son dimanche après midi dans une cave sombre et humide pour graver sur la bande nos éructations électriques malhabiles qui pointaient derrière un mur de souffle (celui des amplis, des micros, des câbles et plus généralement des tous les intermédiaires situés entre l'instrument et la cassette)... 

J'ai, il y a quelques années, investi dans une petite carte son et récupéré un Cubase (v5, c'est dire si ça date !), mais le manque de temps et d'opportunités ne m'ont pas permis d'ôter définitivement la couche de poussière qui trône avec gloire sur ma Scarlett Focusrite. Et autant te dire que j'allais rentrer pour la première fois dans un vrai studio, la cours de grand, accomplissant un Graal (c'est pas faux !), des années après le split de mon dernier groupe...

Après 2 heures de somnolences à 300km/h, le TGV m'expulse au centre de Nantes. J'effectue en tram les derniers kilomètres qui me séparent de la Terre promise qui se présente sous la forme d'un hangar situé dans une zone industrielle déserte et balayée des embruns du proche océan... Fuck la bouteille pourvu qu'on ait la bière, j'y suis... au Batiskaf. Benighted vient d'arriver, la quinzaine de participants se découvre autour d'un café et de quelques viennoiseries. Je me présente au maître de cérémonie, HK, également propriétaire du Vamacara et qui a accroché à son tableau de chasse Otargos, Joey Jordison, Les Tambours du Bronx, Loudblast, Dagoba, Bliss of flesh, Flayed, Khaos Dei, Antropofago,  Vorkreist... pour ne citer que ceux qui me parlent le plus...

Dans l'attente du démarrage de la journée, je glandouille en sirotant un café dans la pièce où les Benight' et Sylvain d'Exocrine palabrent, notamment sur la 70 000 tons of metal sur laquelle nos furieux Stéphanois ont pu jouer à la croisière s'amuse sous les caméras de M6. S'ensuivent les souvenirs à propos du chauffeur allemand de leur dernière tournée, chauffeur qui ne dormait jamais et buvait beaucoup (et non l'inverse). Sylvain (Exocrine), pas en reste, nous conte, vidéo à l'appui, son expérience des hôtels capsules japonais, glauque repaire d'ivrognes trop saouls pour rentrer chez eux, où la "chambre" est une alvéole à peine plus grande qu'un cercueil, mais avec la télé. Amis claustrophobes, je vous salue !

Je "visite" également le studio, composé principalement de 2 pièces séparées par une vitre. Dans l'une, les instruments, dans l'autre la console et les racks avec pleins de boutons et de lumières, des écrans... On se croirait dans un simulateur de vol...

Il est temps de faire les présentations. Lionel Rigaudy (le créateur du Batiskaf et accessoirement ingé son de Tagada Jones, Pony pony run run et autres Bal des enragés) en est le maître de lieux. On fait un tour de table afin que chacun puisse s'exprimer et dire ce qu'il attend de la formation du week end. Pas d'erreur sur la marchandise ici, tous sont musiciens et/ou travaillent dans les métiers du spectacle vivant, du son. La majorité a déjà une bonne expérience de l'enregistrement et est là pour découvrir la partie pro de la chose ! Je me dis qu'avec mes histoires de Fostex 8 pistes cassette, je pars de loin... Tant pis, je vais m'accrocher... 

A son tour, HK se présente, annonce le déroulement du week end et spoile la formation : "Quels que soient les conseils qui seront donnés durant le week end, il ne s'agit que d'une façon de faire et il n'y a pas de règles. Le plus important est que l'enregistrement sonne tel que le veulent la personne qui l'enregistre et le groupe. Chacun sa technique". En clair, si c'est le son de "A blaze in the northern sky" que tu veux, libre à toi, fais le (et en plus tu ne te ruineras pas en matos !). C'est parti. On nous fait rentrer sur le plateau, la grande pièce dans laquelle la batterie de Kevin Paradis, batteur de Benighted, attend, inquiète du prochain matraquage dont elle va faire l'objet...

Cette batterie est scrutée par une nuée de micros (24 de mémoire) et HK nous explique les micros qu'il a choisi et comment il les place. Globalement, j'en retiens que les micros servent à récupérer de l'information (un son de caisse claire, de tom, de grosse caisse...) et que l'objectif est de positionner le micro afin qu'il prenne le maximum d'informations de sa cible en minimisant les perturbations des autres composants de la batterie. En effet, si tu donnes un coup sur une cymbale, il y a des chances pour que les autres micros l'entendent. Mais il existe des techniques permettant d'atténuer, de minimiser ces perturbations.

HK nous explique ensuite les micros "d'ambiance", situés devant et au dessus de la batterie mais également dans les coins de la pièce.

La grosse caisse a droit a un traitement de faveur : 3 micros à elle seule la coquine ! Le premier pour récupérer la frappe, le second lesgraves et le 3ème les subs. Ce troisième micro est en fait un ancien boomer de HP reconverti en micro. Pour les profanes et les néophytes, petit rappel des lointains cours de physiques : 

- Le son est une onde qui se propage dans l'air.

- Un boomer par ses vibrations provoquent ces ondes

- Le boomer vibre parce qu'il est accroché à un aimant et que cette aimant est situé dans une bobine dans laquelle on fait passer de l’électricité. Cela crée donc un champ magnétique qui fait bouger l'aimant. Fin du cours. Semaine prochaine y'a interro !

HK précise que Benighted est un groupe qui joue très très, mais alors très vite et que de cette vitesse découle beaucoup d'informations. Une préparation précise des micros est dans ce cas importante pour disposer d'une prise son propre (sauf si tu t'appelles DarkThrone), sachant que sans une prise de son propre, impossible d'avoir un mix propre et donc un produit fini propre. Outre les capacités du musicien, la prise de son est une étape déterminante dans la réussite d'un enregistrement. L'adaptation au type de musicien est également importante.

HK insiste sur la nécessité de tester le rendu de divers micros, diverses positions pour essayer les différents sons qui en sortent et déterminer, en fonction de la pièce, du matériel, du musicien, du temps qu'il fait et de l'âge du capitaine, la meilleure combinaison par rapport au résultat attendu. Là encore, pas de règles définies, uniquement de la pratique, des essais... du taff quoi...

Après toute cette partie théorique, l'heure est à la pratique. Nous nous rendons dans la partie cockpit et nous laissons Kevin s'installer derrière sa batterie. Un première question intervient concernant l'horloge. Je suis à deux doigts de répondre qu'il est 10h45 mais je me sauve du ridicule en comprenant qu'on parle de la fréquence d'échantillonnage. 

Note technique : le son analogique (quand tu joues de la guitare par exemple) est vibration de l'air qu'on matérialise par une onde sinusoïdale. Transformer cette onde analogique en signal numérique nécessite, pour une carte de son, d'aller, à intervalle régulier chercher la valeur de l'onde analogique, donc de prendre des... échantillons. En théorie, plus la fréquence d'échantillonnage est grande, plus la carte son ira chercher la valeur de l'onde, meilleure la conversion sera... D'ailleurs, lorsque j'étudiais les cartes son en vue d'un futur achat, on m'avait dit que plus la fréquence est haute plus la qualité est bonne et qu'un 192khz était une bonne base... Ok, le Batiskaf, studio pro est à 44,100 Khz, parce que la différence avec des fréquences plus hautes n'en vaut pas la peine, parce que les CDs sont encodés à 44.100Khz et parce que le poids des fichiers est démultiplié en augmentant la fréquence. Fin de la parenthèse technique, retour à la batterie et à Kevin Paradis qui attend tranquillement qu'on lui dise de tout broyer (ce qu'il ferra bien volontiers). 

Alors, non pas que les batteurs avec lesquels j'ai pu joué étaient mauvais, non, mais là on est dans une autre catégorie... Voir un vrai batteur évoluer sous ses yeux, enchaîner les parties de double supersoniques, du blast millimétré mais également du gravity blast... humm, je dois avouer que j'avais le kiki un peu dur ! C'est juste magique. Et pendant qu'il se déchaîne, l'enregistrement se fait, les séquences numériques défilent sur les écrans de contrôle... Kevin enregistrera 3 fois le morceaux, à priori le premier était bien en place, le second plus pêchu mais moins bien en place et le troisième, la bonne, réunissait les qualités des deux premiers. Autant vous dire que je n'ai pas réellement vu la différence et que ce fut le même plaisir renouvelé que d’assister à ces performances !

Après ces 3 prises et une petite pause clope / café, nous retournons dans le cockpit pour l'une des 2 étapes qui m'a le plus perturbée : le sampling de la batterie.

Cette technique, que je ne connaissais pas, à pour but d'enregistrer les toms et la caisse claire séparément à raison de 8 fois 1 coup. Imaginez donc, Kevin Paradis, qui vient de faire 3 fois le morceaux avec 2 ou 3 passages de gravity, de la double dans tous les sens, prendre sa baguette et taper 1 coup (OUI ! 1 COUP) sur son premier tom, attendre que le son se soit propagé et recommencer 7 autres fois. Puis recommencer l'opération avec les autres éléments de sa batterie. L'objectif est de disposer d'un certains nombres de coups différents (l'intensité n'est pas la même à chaque frappe) pour qu'un logiciel puisse détecter dans la partie de batterie les coups afin de superposer sur ces coups "réels", les coups samplés. L'objectif est, selon HK, de rehausser la pèche de la batterie et de disposer d'éléments permettant d'ajuster le niveau de chaque composant par rapport aux autres... Là je suis sur le cul ! Je vais pas vous refaire l'histoire de mon Fostex 4 pistes à cassette, mais de là à ce qu'on puisse automatiquement venir positionner un sample sur chaque coup de la prise du batteur, c'est juste extraordinaire... et dérangeant à la fois... En effet, si, certes, le but est de proposer à l'auditeur un son le plus propre possible, dans lequel le niveau de chaque élément aura été positionné à la bonne hauteur par rapport aux autres, on est très loin de la sauvagerie et de l'approximation d'une prise naturelle qui, mais cela reste un avis personnel, donne le charme, l'imperfection et l'humanité d'un morceau ! Mais peut être que les groupes que j'écoute en boucle depuis 30 ans utilisaient déjà cette technique à l'époque. Cela me laisse en tous cas très perplexe ! Mais bref, techniquement, savoir qu'on peut aller aussi loin est très intéressant. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises... qui viendront après la prise de basse.

Pierre, bassiste de Benighted, s'installe à côté de HK, sans autre pression que 15 personnes derrière lui (donc 30 yeux puisque je n'ai pas détecté de borgne dans l'assistance) et commence à jouer. Normalement, là y'a pas de mystère ! HK va lui balancer la batterie, Pierre va  jouer le morceau, 2 ou 3 fois selon sa forme du moment, rectifiera 2 ou 3 trucs en réenregistrant les petits bouts qui ne lui vont pas et c'est torché ! Que nenni ma bonne dame ! Les prises autres que la batterie se font riff par riff ! Alors oui, toi ça va pas t'étonner parce que t'as déjà enregistré les 3 premiers albums de ton groupe, que t'es incollable sur pro tools et que quand tu vas pisser, tu sors des octets par la bit ! mais moi... moi qui... fostex 8 pistes tout ça.... On m'aurait menti ? Et oui, fini (et apparemment depuis un bon moment), les prises complètes avec impossibilité de se planter sans quoi tu prenais des canettes de Valstar dans la tronche par les autres membres du groupe ! Fini la concentration sur la durée totale du morceau que tu finis avec les doigts en sang et tétanisés... ça c'était l'bon temps ! Maintenant, on enregistre par prises successives riff par riff... Humm, seconde claque. J'ai donc 1000 ans de retard. Ok, comme pour le sampling de la batterie, je reste un peu perplexe sur cette technique qui privilégie la précision chirurgicale au naturel ! Mais passons, peut être que les groupes que j'écoute en boucle depuis 30 ans... oui, je sais j'ai déjà posé la question ! 

Suite à la prise de basse vient une séance de questions / réponses rapide pendant laquelle je vais prendre ma 3ème baffe technologique (après le sampling et l'enregistrement riff par riff). Les questions tournent autour de Joey Jordison que HK a eu le plaisir d'enregistrer pour, si je me rappelle bien, le prochain Sinsaenum, de IOWA qu'il considère comme l'album le mieux produit de tous les temps puis on dérive sur le clic et le calage des instruments. HK nous explique qu'il existe des programmes qui permettent, de recaler le morceau sur une grille de temps... Bon en écrivant ça, je suis a 2 doigts de dire des gros mots ! il est donc possible, via la détection des coups de batteries de "décaler" l'ensemble des éléments de l'enregistrement pour recaler une note qui ne serait pas pile poil dans le temps et ce, sans distorsion du son... C'est juste hallucinant ! Fostex 4 pistes priez pour eux ! Ah oui, pis j'aime le punk aussi... autant te dire que ces techniques et moi, on a besoin d'un temps pour s'apprivoiser ! Mais bon, les techniciens présents semblent boire du petit lait, et c'est bien ce qui compte ! Après tout nous n'avons pas la même approche ! Ils veulent savoir comment tout le racks avec des boutons fonctionnent et comment on fait pour enregistrer un groupe le mieux possible quand moi je suis là pour découvrir et vous raconter l'envers du décors avec mon vécu et ma perception de simple auditeur ! Le décalage est brutal mais c'est comme ça... L'enregistrement d'un morceau tient de l'assemblage de Lego technique, mais c'est comme ça que ça se passe... Faut vivre avec son temps mon bon monsieur. Et il semble que je soit coincé quelque part entre 1989 et 1994... Peu importe, on s'en fout ! On clôt la séance de questions réponse car les estomacs crient famine. 

Sous le barnum devant le studio, les bières sont fraîches et la paella fume... après tout elle aussi a été composée pièce par pièce... et j'en fais pas tout un fromage ! ok, parallèle foireux...

J'en profite pour discuter avec Ronan, photographe de cette session, dont les clichés illustrent ce récit, mais également Lienj, le gratteux de Witches, dont je porte aux nues le premier album 3.4.1 (je me le repasse d'ailleurs en écrivant ces mots) et qui me conseille d'écouter les derniers morceaux du groupe, bien plus agressifs que les successeurs du premier album (@Lienj, si tu me lis, j'ai écouté et effectivement, j'ai bien kiffé). Je croise également Thierry de When Reasons Collapse qui m'explique les difficultés de l'enregistrement maison (ou plutôt à la maison). Je taille le bout de gras avec HK que j'assomme de questions sur son parcours humain, sa perception de la musique de part son métier d'ingé son / producteur, ma perplexité concernant le processus d'enregistrement riff par riff, le sampling de batterie ou le recalage sur la grille. Éléments de réponses (évidemment, ce ne sont pas des transcriptions exactes) : 

- Son parcours de vie : "Il a travaillé à Paris avant de choisir sa vie et faire ce qu'il voulait vraiment faire, en arrêtant le paraître. Complet autodidacte, il a éclusé internet et les tutos youtube en guise de formation"

- L'enregistrement riff par riff : "Tous les guitaristes / bassistes font ça. Ça permet de maximiser le rapport temps / qualité. Le musicien est à fond sur chacun des riffs et la possibilité de coller les riffs minimise le temps passé (et donc les coûts de production), des plugins permettant d'assembler les morceaux en évitant le "clip" (le bruit qui marque le démarrage ou l'arrêt de l'enregistrement)."

- Sa perception de la musique qu'il a produite / Arrive-t-il encore à l'écouter juste pour le plaisir : "Oui, car l'écoute à des fins d'enregistrement et l'écoute plaisir ne sont pas le même processus."

- L'enregistrement de Joey Jordison (réalisé récemment pour le prochain album de Sinsaenum) : "Un honneur pour lui et une chance de pouvoir partager une telle expérience avec un musicien de cette qualité"

J'avais encore 1000 questions à lui poser sur sa relation à la musique en tant qu'activité professionnelle, sur l'argent dépensé par les groupes en studio, sur la nécessité d'avoir une organisation structurée pour pouvoir continuer à vivre de sa passion et donc se retrouver à 1000 lieux de la rebellitude prônée par notre cher Metâââââl etc etc, mais je n'ai pas voulu le monopoliser avec mes interrogations métaphysiques, ai préféré laisser la place à d'autres, armés de questions plus techniques (et probablement plus intéressantes) et choisit une autre victime en la personne de Kevin Paradis qui, en tant que batteur live de ce groupe, m'a "globalement" rassuré sur l'état mental des musiciens de Shining malgré la proximité du sieur Niklas, personnalité moins tranquille... J'ai en tous cas fortement apprécié l'ouverture, l'accessibilité et la disponibilité de tous, ce qui a contribué à enrichir mon expérience m'ayant permis de poser des questions que je ressassais depuis les années de ma lointaine adolescence. 

La paella est à marée basse, il est l'heure de s'atteler à la suite de l'enregistrement, parce que c'est pas tout ça, mais le morceau ne va pas se faire tout seul.

HK a pris le temps de nettoyer les samples de batterie et de les injecter dans la prise complète de Kevin. Nous ne nous attardons pas sur une étude différenciée du procédé ou sur le bien-fondé déontologique de l'utilisation de cette technique, parce que c'est l'heure de la prise de guitare, faut qu'ça chie bordel !

Fabien enregistre, comme Pierre, riff par riff devant mon incrédulité béotienne et l'attention passionnée des autres... Je mise désormais tous mes espoirs sur Julien, gruikeur en chef de la troupe d'enragés dont la maîtrise vocale n'a d'égal que la gentillesse. Impossible que les prises voix se déroulent de la même façon ! Sur un instrument pourquoi pas, mais sur un élément aussi organique et fluctuant que la voix, impossible, n'est-ce pas ?

Julien s'installe dos à la vitre. Son dos d'ancien 3ème ligne ayant écumé les boueux terrains à retourner de la viande ne trompe pas... Le sport ça développe. Et le monsieur s'est forgé un coffre de boeuf dont il va pouvoir faire étal... La musique démarre et Julien enchaîne, en une seule fois... toutes ses parties... du growl, du gruik à tout va... one shot, pas de place pour l'artifice, c'est du brutal en direct ! Bien mec, merci d'avoir sauvé mes illusions... pour mieux les défoncer lorsque j'entends dans les enceintes de monitoring : "Bon HK, je t'ai fait le plan, on reprend partie par partie ?" Bon ok, je m'avoue vaincu... C'est comme ça que ça se passe pour tout le monde... J'arrête avec mes lubies d'intégriste et me range derrière la modernité puisque qu'il faut vivre avec son temps... Julien reparcourt donc son morceau doublant, triplant les voix finissant d'assembler ce Frankenstein sonore qui ramone sauvagement les cages à miel ! Et voilà... Dans un cumul de temps effectif qui ne dépasse probablement pas la demi-journée, le morceau est dans la boîte, prêt à être mixé. Au final c'est impressionnant d'efficacité et, malgré ma perplexité de grabataire sur les méthodes employées, passionnant de voire le morceau prendre vie étape par étape, de suivre, comme les voyeurs acoustiques que nous sommes, son accouchement sonore.

Fin de cette première et fabuleuse journée. La récupération de mon Airbnb sous des trombes d'eau nantaises ne m'auront pas permis de partager avec les stagiaires et leurs formateurs une crêpe que j'imagine aussi grasse et moelleuse que le son produit cette après midi !

La journée du lendemain fut à nouveau pleine de surprises et également bien plus technique. Jordan l'électronicien maison nous détaille les éléments qui composent le studio mais surtout nous explique que la plupart des matériels, des racks qui entourent la console sont, initialement, des éléments produits dans les années 70 / 80, à l'époque à toutes les expériences ont été faites pour créer des éléments innovants en matière de traitement du son. Ce sont des éléments qui à la base coûts plusieurs milliers d'euros mais dont les schémas électroniques sont disponibles sur Internet... Ces punks du son ont donc retroussé leurs manche, dégainé leur fer à souder et ont tout simplement réalisé des copies de racks de compresseurs, sommateurs, équalizer et autres éléments dont je serai bien incapables de vous donner les fonctions. C'est juste magique ! OKLM, le mec t'explique que faute de maille, il a tout refait par lui même, du moins ce qui pouvait être cloné. C'est assez bluffant ! L'équipe du Studio Experience prévoit d'ailleurs d'ouvrir des formations pour expliquer comment reproduire de façon professionnelle certains équipements de studio comme ceux que Jordan tient entre ses mains, devant nous... Dans la foulée, HK nous annonce que le prochain groupe à venir participer à l'expérience sera Dagoba, encore du lourd qui vient nous dévoiler ses secrets !

Bien plus technique, tant sur le matériel que sur le mixage du morceau enregistré la veille, grogui de tant de révélations qui ont mis à nu sous mes yeux incrédules le process de fabrication d'un morceau, je ne glane que quelques explications centrales de la démonstration du maestro : la compression permet de gagner de l'attaque sur la caisse claire avec une release très rapide pour concentrer le son sur la frappe et une équalisation qui favorise les fréquences adaptées à cette frappe (donc plutôt aiguës si mon assiduité était encore consistante à ce moment, soit entre 6 et 7 Khz), d'abord faire les niveaux des pistes avant des les équaliser puisque l'ajout / retrait de certaines fréquences ajoutent / retirent du volume, mixer ensemble les descentes de toms...

A l'occasion d'une pause, j'ai pu apprendre de Lionel l'origine du Batiskaf. Cela fait maintenant un paquet d'années que ce passionné développe ce lieu qu'il voit comme un endroit transformable pour accueillir, certes des prises son et du mixage, mais également des résidences ou des live, potentiellement filmé lorsqu'il y a quelques années, il organisait des sessions Periskop où un groupe en fin de résidence accueillait son public pour présenter le résultat de ses heures de travail...

Je clos ce week end riche d'une expérience exceptionnelle faite de découvertes, de rencontre, d'échanges, d'apprentissage, de surprises, de désillusions aussi sur des techniques que mon esprit punk / crust / grind trouvent peut être trop artificielles mais après tout peu importe mon sentiment sur le sujet, il est bien loin des attentes que je pense comblées des amateurs éclairés / semi pro / pros qui participaient, voire renouvelaient pour certains, l'expérience... Je retiens la passion, l'envie de transmettre, d'expliquer, l'esprit d'ouverture au service de la musique, de la passion qui animent l'équipe que je remercie et félicite pour cette démarche innovante !

Merci à Lionel, HK, Ronan, Valentin, Jordan, Benighted, Thierry, Lienj, Alex et tous les participants du TSE 3 pour cette magnifique expérience !

par grinder92 le 08/11/2018 à 18:08
   1168

Commentaires (3) | Ajouter un commentaire


JTDP
@77.192.89.77
08/11/2018, 16:16:08
Wow !!! Merci à toi pour ce report complet, précis, bien écrit, personnel et accessible !! J'avoue qu'en te lisant je suis comme toi, je ne m'imaginais pas que cela pouvait se passer comme cela un enregistrement. D'autant plus que je pars de beaucoup plus loin, n'ayant jamais eu de groupe ni (encore moins) enregistré quoi que ce soit.
En tout cas ce fut vraiment très intéressant à lire. Merci encore !

RBD
membre enregistré
09/11/2018, 13:46:31
Merci pour ce récit très instructif, qui complète ce qu'on peut capter du processus en regardant les DVDs de studios-reports qui sont parfois joints aux albums. Effectivement une réactualisation s'imposait, tant l'évolution est allée vite.
On comprend comment le Metal extrême est devenu de plus en plus un milieu de techniciens compétents et de musiciens bosseurs, un peu au détriment de l'esprit des origines. Ceci dit, quand on lit "Extremity Retained" de Jason Netherton, tous les pères fondateurs du Death Metal rejettent la nostalgie et confessent leur respect pour les groupes et studios plus jeunes en raison de cette exigence technique.

Eliminator
@2.6.171.25
15/11/2018, 00:51:25
Excellent mec, merci !

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