Accept Your Fate

Beyond Deth

13/06/2020

Vargheist Records

Il y a Blackened Thrash et Blackened Thrash. D’un côté l’école sud-américaine des années 80, jouant le Thrash comme des rustres primaires ayant appris à manier leur instrument comme les ours apprennent à grogner, et de l’autre, l’école Nord-Américaine, qu’on désignait à la même époque comme fer de lance de la philosophie Thrash/Death, sans vraiment savoir distinguer avec précision les limites. Nous avons l’habitude à notre époque de concevoir le Blackened Thrash comme un Thrash très diffus, sourd, joué sur un matériel de fortune et enregistré sur des consoles bricolées, mais il existe une autre forme de Blackened Thrash, plus solide, très proche du Thrash très épais des années 90, limite groove dans l’esprit, mais farouchement brutal dans les faits. Et les américains de BEYOND DETH sont justement des spécialistes du genre, eux qui le pratiquent depuis 2013 de leur Chicago natal. Après deux démos consécutives en 2013 et 2014, le combo a mis un coup d’accélérateur après quatre ans de silence pour enfin publier son premier long, The Age of Darkness, qui définissait avec acuité les contours de sa démarche. Rythmiques brutales, riffs conséquents, chant caverneux empestant le Death de son haleine, et puissance globale à décorner les fans de KRISIUN et 1349. Et c’est deux ans plus tard que la horde revient nous en conter conquête et dévastation, avec ce second LP, aussi énervé que le premier, mais encore plus professionnel et effectif. Et une fois encaissé le choc, ne vous étonnez pas d’y laisser quelques dents, des bouts de mâchoire et des illusions, car la violence dégagée par l’effort en question est proportionnelle à une grosse baston de hooligans dans les hauts-fourneaux d’une fonderie encore en activité.

Accept Your Fate est une sorte d’aveu en soi. Celui de l’inéluctabilité de notre destin, et de la brutalité de la fin de l’espèce humaine, dans le chaos, la désillusion, et l’écho infernal des « je vous avais prévenus » raisonnant dans nos oreilles comme épitaphe ultime. Enregistré, mixé et masterisé par Spenser Morris aux Bricktop Recording Studios de Chicago, produit par le même Spenser et le groupe lui-même, ce second chapitre est une bête de foire dans la compétition à la bande-son de l’apocalypse à venir. Aussi Thrash qu’il n’est Death, aussi Death Thrash qu’il n’est Blackened Thrash, ce mur du son moulé en disque compact est une tuerie sans nom, qui rappelle tout autant la scène Death Thrash ricaine des INCUBUS et consorts que la vague Néo-Death suédoise des années 80, les mélodies lénifiantes en moins. Ici, pas de place aux concessions ni aux aménagements, le côté abrupt et massif est à prendre en l’état, et les compositions étouffantes ne font rien pour être plus abordables. Le trio diabolique (Jon Corston - chant/guitare/basse, John Bravo III - guitares et Rob Halloran - batterie), dont certains membres s’échinent aussi à l’extérieur au sein de GOD DEMENTIA, MORDATORIUM, ACT OF DESTRUCTION ou DEVIL LAND, a mis le paquet sur la solidité générale, et a évité les gimmicks trop faciles, laissant l’instrumentation faire office d’arrangements, et tablant sur l’argument le plus efficace de ce genre de réalisation, et le plus important aussi : les riffs. Toujours très efficaces, et usant de saccades entraînantes, ces mêmes riffs évitent la bestialité à outrance, et proposent un mélange de recettes Death et Thrash, osant même placer quelques sifflantes et harmoniques plus symptomatiques du Black Metal, pour produire un effet maximal, comme on peut le constater sur le monstrueux hit de l’enfer « Endless Repent ». Mid tempo infernal, ce morceau est en quelque sorte l’épitomé de la recette des trois américains, avec son riff classique et redondant, ses vocaux monolithiques et graves, et son groove hypnotique. Pas d’accélérations en coup fourré, un solo plus que propre, des breaks épars mais justifiés, le massacre est classique, mais terriblement efficient.

De la méchanceté concentrée en tube, un genre de moutarde forte qui fait prendre la mayonnaise, et qui envoie salement la sauce. On se retrouve donc avec les tympans en feu, et ce, dès « Live Again », qui a de faux airs d’Antéchrist se réveillant d’un long sommeil pour mettre la terre à feu et à sang. Le bilan est lourd, comme ces blasts épisodiques qui rapprochent le tout d’un BM sans le décorum fantoche, comme ces compressions en duo guitare/batterie pour concasser les os, et ces grognements vindicatifs qui préviennent l’égaré qu’il aurait mieux fait d’emprunter une route différente. Evidemment, rien de très subtil, rien de très novateur, mais une efficacité de tous les diables, une envie d’en découdre manifeste, et un son gigantesque qui semble imprimer les guitares en 3D. Et malgré un timing large de cinq minutes par compo, le groupe parvient toujours à trouver une accroche qui relance la dynamique, comme le riff dantesque et cyclique de « Infernal Dreams », qui rapproche encore un peu plus le projet d’un concept Thrash contemporain. On pense parfois à AURA NOIR quand l’ambiance s’obscurcit, à certains riffs du FROST le plus historique, celui de Monotheist, à BLOODTHRONE, mais en deux albums seulement, les originaires de Chicago ont réussi à se faire un nom et à graver leur empreinte sur le walk of fame des exactions brutales. Malgré des thématiques qui prennent leur temps pour développer leurs gimmicks, l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez, grâce à des montées en puissance totalement Thrash, ou à des breaks pesant comme un Death lugubre et oppressant.

Alors on moshe, on invoque ses potes les démons, on ouvre les portes de l’enfer, et la fournaise monte dans les degrés. Rois de l’intro qui tâche et écrase (« Astral Invasion »), les trois américains sont passés maître en l’art de flouter les bords et repousser les frontières, à tel point qu’on peine à vraiment labelliser leur musique. Dans ce melting-pot de Thrash, de Death et de Black léger, les étiquettes ne sont pas les bienvenues, et seule l’énergie déployée importe. Celle émanant d’Accept Your Fate est gigantesque, entre à-coups vraiment féroces mais fluides (« Macabre Delights »), et ambition agressive mais évolutive (« Kill the Weak », six minutes passant par tous les climats possibles). BEYOND DETH signe donc avec son second long une addition d’importance au chapitre de la brutalité plurielle mondiale, accouche d’une bordée de riffs qu’on n’oublie pas de sitôt, et nous convainc de ses arguments bestiaux. Il y a Blackened Thrash et Blackened Thrash. Et celui-là fait partie indubitablement du très haut du panier.                                                        

                                                          

Titres de l’album :

                     01. Open the Gates

                     02. Live Again

                     03. Infernal Dreams

                     04. Servants

                     05. Endless Repent

                     06. Astral Invasion

                     07. Macabre Delights

                     08. Kill the Weak

                     09. Accept Your Fate

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par mortne2001 le 08/02/2021 à 19:55
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