Bereavement

Jupiter Hollow

12/06/2020

Autoproduction

En tant que musicien, je suis toujours impressionné par le talent de certains de mes contemporains, capables d’accoucher d’œuvres admirables sans avoir besoin d’une armada de gimmicks ou de studios couteux. Ainsi, en écoutant le second LP des canadiens de JUPITER HOLLOW, je ne peux qu’être admiratif de la somme de travail accompli, en réalisant que cette musique sublime n’a été couchée sur bande que par deux hommes. C’est en effet Grant MacKenzie (guitare/basse/synthés) et Kenny Parry (chant/batterie/synthés/piano) qu’on retrouve une fois encore derrière la réalisation de cette ode poétique qu’est Bereavement, seconde réalisation longue durée en quelques années, après avoir enregistré un premier EP intitulé Odyssey. Et c’est encore une fois sous la forme d’un concept que s’articule ce nouveau chapitre, qui comme son aîné développe une histoire de science-fiction traitée comme une épopée musicale. Ici, c’est l’histoire d’un homme aux pouvoirs incroyables qui envoie les membres de sa famille et de son environnement direct sur une planète habitable hors de notre système solaire, pour sauver ce qui reste de l’humanité. Mais ce combat résultera en une instabilité mentale, et l’homme finira par laisser ce qui reste d’hommes mourir, avant de s’exiler dans un vaisseau pour mettre fin à ses jours. Il s’écrasera finalement sur la planète qui a accueilli les siens, et s’éveillera en prenant conscience de ce fait, et c’est à ce point de l’histoire que l’album commence…Chacun jugera de l’intérêt de ce concept en son âme et conscience, mais même en mettant les aspirations littéraires de côté, Bereavement est un travail largement assez intéressant du point de vue musical pour attirer votre attention. Composé de neuf morceaux de durées variables, il incarne la digne suite d’Ahdomn, prolonge encore plus les pistes musicales, pour au final former un puzzle aux pièces empruntées à tous les styles musicaux, du Progressif des années 70 au Djent des années 2000, en passant par une Pop intemporelle et un Rock universel. Et le talent des deux musiciens est d’avoir assemblé toutes ces références de façon cohérente et passionnante.

On le sait, il n’est rien de plus pénible qu’un Progressif démonstratif et stérile. Tout autant qu’un Progressif trop complexe et inextricable. D’un autre côté, le Progressif vulgarisé ne se montre pas très enrichissant non plus, et il n’est pas incongru de placer les canadiens de JUPITER HOLLOW au juste milieu d’un écart entre capacité et émotion. Conscient qu’il ne faut pas trahir le public attaché au style, ni se mettre à dos ses réfractaires, le duo a élaboré des pistes riches, construites, évolutives évidemment, mais aux motifs mémorisables, et aux performances individuelles et collectives admirables. On a parfois le sentiment d’écouter une union entre MARILLION et PERIPHERY, parfois l’impression s’assister à une ébauche libre de Devin TOWNSEND, et de temps à autres, le vague frisson d’une union entre KARNIVOOL, WASTEFALL et LEPROUS. Pas vraiment avant-gardiste et plutôt fondamentalement musical et Metal, le duo ne refuse toutefois pas la douceur d’harmonies délicates pour introduire son nouvel effort, et « L’Eau du Papineau » et son étrange intitulé de planter le décor en toute quiétude d’arrangements, d’effets sonores, de volutes harmoniques précieuses et précises, nous surprenant de sa douceur. Et alors que l’auditeur le plus aguerri est en droit de s’attendre à une soudaine démonstration de puissance, ce sont les notes pures d’un piano qui prennent le relais sur « Scarden Valley », et qui durent pendant quelques minutes, habilement soutenues par la voix magique de Kenny Parry, jusqu’à ce qu’un break Floydien ne rompe l’équilibre d’un solo fantastique. En quelques minutes à peine, les canadiens démontrent s’il le fallait leur singularité, en refusant de rentrer dans le vif Heavy de débats Metal, et en juxtaposant avec beaucoup d’instinct la puissance et l’émotion. Mais évidemment, « The Rosedale » ne tarde pas à revenir vers des rivages plus amplifiés, et nous rassure de sa syncope rythmique et de sa guitare distordue, mais polie. On pense évidemment au DREAM THEATER des concept-albums les plus connus, mais il y a quelques chose de plus qu’un un simple démarquage dans ce second LP, quelque chose qui nous entraine dans une histoire aux confins des mondes, comme si les deux musiciens avaient trouvé le vocable musical idoine pour illustrer leur scénario.

Doté d’un son parfait pour une autoproduction, Grant et Kenny s’en donnent à cœur joie chacun dans leurs domaines, et les pistes de batterie font montre d’un flair certain pour les contretemps et autres fills équilibristes, tandis que la guitare alterne entre riffs modernes et arpèges traditionnels, le chant osant lui aussi des variations plus qu’intrigantes. S’offrant parfois des pics d’intensité, le groupe joue avec la puissance et la redondance et parvient à deux à atteindre les niveaux frôlés par un quintet, ce qui en dit long sur le calibrage du mixage qui a dû être effectué au biseau. Sans développer d’idées trop complexes ou absconses, les morceaux se montrent évolutifs sur un ou deux thèmes, ce qui permet d’apprécier les mélodies pour ce qu’elles sont. « Kipling Forest » appuie même sur la pédale du volume pour se rapprocher d’un Metalcore souple, avant que le groupe n’accepte les règles du jeu Djent, avant de les briser d’une acoustique plus épurée et d’un plan plus éthéré. Parvenant parfaitement à retranscrire les émotions ressenties par leur héros, les deux instrumentistes trouvent toujours la bonne approche, n’abusent pas des effets de studio, et s’en remettent la plupart du temps à leur propre créativité instrumentale pour suggérer les situations. Ainsi, « The Mill » évoque du Steve Vaï de début de carrière passé au prisme délirant d’un MAGMA synthétique, alors que la coupure magnifique de « Mandating our Perception » ose les couches vocales sur fond de synthé calme. « Sawbreaker » reprend la charge Heavy, sans copier les segments précédents, et c’est encore la voix fantastique de Kenny Parry qui prend aux tripes, et si les riffs adoptent la plénitude Djent, le background ose des choses moins systématiques, et surtout, des soli absolument envoutants.

Comme tout bon album de Progressif qui se respecte, Bereavement se termine sur un épilogue de plus de dix minutes, et « Solar Gift » d’achever le périple en utilisant des percussions ludiques, des arythmies hypnotiques, et en passant par toutes les sensations, des plus fortes au plus subtiles. Alors oui, je suis admiratif du talent incroyable de ces deux musiciens qui permettent au Progressif de continuer à écrire ses lettres de noblesse, sans esbroufe, sans astuces fallacieuses, sans ambitions démesurées. Et sans savoir à priori si Bereavement sera l’album de Progressif de l’année, JUPITER HOLLOW n’en restera pas moins un groupe unique dont tout le monde se souvient une fois connu.          

          

                                                

Titres de l’album :

01. L’Eau du Papineau

02. Scarden Valley

03. The Rosedale

04. Kipling Forest

05. The Mill

06. Mandating our Perception

07. Sawbreaker

08. Extensive Knowledge

09. Solar Gift


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par mortne2001 le 03/02/2021 à 18:03
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