Lorsque je tombe sur le terme « expérimental », mon cœur surchauffe, ma raison s’éclipse, et je m’engouffre dans le passage pour tenter de découvrir une voie alternative. Oui, souvent, la manière classique à ses limites et l’envie de renouveau est plus forte que la torpeur tranquille de la connaissance, de ces chroniques qu’on écrit presque les yeux fermés tant on connaît d’avance tous les mots qu’on va employer. Sauf que parfois, les sites ont la main lourde, ou l’esprit joueur, et nous collent des étiquettes qui n’ont pas lieu d’être. Ainsi, affubler ces pauvres SHADOW LIMB du label « Avant-garde » n’est pas vraiment un service à leur rendre…Peut-être l’étaient-ils plus ou moins du temps de leur premier baptême, mais depuis qu’ils ont opté pour ce nom, ils en ont abandonné toute forme d’originalité un peu trop marquée. Car voyez-vous, SHADOW LIMB émergea un jour des cendres de LA FIN DU MONDE, assemblée de Stoner instrumental qui sillonna l’Amérique au nouveau siècle. Non pour y trouver un filon d’or, mais pour propager la bonne parole d’un Rock évolutif, subtilement desert, mais finalement peu à même de satisfaire les ambitions de ses membres. Désireux d’élargir leur son et de le durcir, les quatre californiens ont donc choisi de repasser par l’état civil, et de proposer une sorte de Sludge/Post Hardcore beaucoup plus Heavy, mais toujours aussi progressif dans les faits. Et c’est ainsi qu’après quelques EP et des splits, les originaires de Paradise, Californie se lancent dans l’effort longue-durée, avec ce Burn Scar su titre prophétique. Pourquoi ? Parce que cette région du monde fut ravagée l’année dernière par de gigantesques incendies, laissant des cendres et des ruines sur quatre-vingt-dix pour cent du territoire, et que celui restant avait des allures d’enfer sur terre, bien que les membres du groupe aient eu la chance d’en réchapper sans déplorer la moindre perte matérielle.
Il serait donc facile de voir en ce premier LP un concept sur la puissance dévastatrice de la nature et les tableaux de désolation qu’elle laisse après ses crises de colère. Sauf que comme le précise Mike Crew, le bassiste, tout le répertoire fut écrit bien avant que cette catastrophe n’arrive, ce qui donne donc à l’œuvre une valeur d’oracle d’infortune…Mais en dépit de cette connotation intrigante, il convient de juger Burn Scar en dehors de son contexte conceptuel, et de s’attarder sur la musique qu’il propose. Et sans surprise une fois encore, il se veut le prolongement des travaux antérieurs des californiens, allant juste assez loin pour mériter son statut de première étape, sans pour autant découvrir de nouveaux mondes. On retrouve donc l’attirance du quatuor (inchangé depuis LA FIN DU MONDE, Mike Crew - basse, Dan Elsen - batterie, Chris Roberts - guitare/chant et Adam Scarborough - guitare/chant) pour ce Rock violent et âpre, hérité de la scène de l’orée des années 90 et le leadership des KYUSS, le tout transposé dans un univers à la violence beaucoup plus palpable. L’observateur lapidaire saurait résumer toute cette affaire à un triumvirat NEUROSIS/MASTODON/SLEEP, mais en écoutant d’un peu plus près, on trouve dans ces longs morceaux des traces de mélodies maladives, des évolutions beaucoup plus subtiles, et même parfois, une lourdeur crade qui n’est pas sans évoquer les efforts les plus biaisés des MELVINS, le tout sous couvert d’une expérience sensorielle progressive, mais assez factuelle. NEUROSIS est en tout cas la borne la plus fiable en cas de perte des sens, puisque le chant, les riffs, et l’énorme basse rappellent l’art de la bande à Scott Kelly de traficoter un thème jusqu’à la lie. Mais là où les californiens se démarquent, c’est par cette capacité de changer d’atmosphère en une seule impulsion, ce qui leur permet de se dégager de cette tutelle un peu encombrante (« Cleanse Of Ire »).
L’accumulation de plans, le choc des cultures, les allusions à des genres via leur approche la plus pure, tout ça contribue à faire de SHADOW LIMB un outsider sérieux dans le petit monde du Stoner/Sludge/Post Hardcore aux accointances multiples. Les deux premiers morceaux de l’album étalent donc toutes les qualités intrinsèques du groupe, ces mélodies héritées des seventies, ces guitares grasses qui sinuent et virent, cette basse fuzzy qui alourdit encore plus une batterie déjà bien emphatique, et la dualité vocale raclée et écorchée totalement héritée du Post-Hardcore. Quelques silences parfois viennent aérer la pièce aux murs légèrement décrépis, mais ils sont la plupart du temps annonciateurs d’une reprise encore plus chaotique qui nous renvoie aux pulsions les plus sombres d’ISIS ou NEUROSIS. Beaucoup de conventions donc, spécialement lorsque l’entame cherche dans le Hardcore initial la crasse pour entacher des harmonies déjà rachitiques et maltraitées (« Maelstroms Rebirth »), mais l’aisance des musiciens, leur flair pour se sortir de situations en impasse, et cette envie d’avancer coute que coute permettent au quatuor de se démarquer, sans chambouler l’ordre établi, mais en y laissant sa trace. Loin de se contenter d’un riff qu’ils tordent et remodèlent à l’infini, les deux frontman Adam Scarborough et Chris Roberts titillent quelques notes éparses avant de les muer en arpèges, tandis que le duo rythmique pulse, cogne, pour propulser les morceaux vers un ailleurs sinon fascinant, du moins assez troublant. Le principal reproche à formuler, et pas des moindres, pointe la difficulté du groupe à maintenir l’attention en éveil, la plupart de leurs digressions étant assez similaires, même sur le final « Line of Descent » qui évoque pourtant un IRON MAIDEN primitif découvrant le feu sacré au sortir de sa grotte.
Des défauts, ce qui est inévitable sur un premier effort, mais beaucoup de points forts. L’équilibre n’est donc pas rompu et penche du bon côté, aidé en cela par un son un peu cotonneux mettant le chant terriblement en arrière. On se laisse donc entraîner par cette sarabande naturelle, célébrant les joies du Stoner de façon plus concrète et puissante, et on attend de savoir quelle nouvelle catastrophe déclenchera l’inspiration de SHADOW LIMB, qui je l’espère aura une influence plus favorable sur son environnement la prochaine fois.
Titres de l’album :
1. Asger Arisen
2. Maelstroms Rebirth
3. Watered Down Alby
4. You Blew It
5. Cry Off
6. Cleanse Of Ire
7. Rudiger, his name is not important
8. Line of Descent
Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)
16/09/2020, 22:12
16/09/2020, 21:49
15/09/2020, 22:30
15/09/2020, 22:06
gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)
11/09/2020, 12:32
Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???
11/09/2020, 10:59
Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)
11/09/2020, 08:04
Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...
11/09/2020, 07:25
Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)
10/09/2020, 21:27
Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)
10/09/2020, 11:22
J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)
10/09/2020, 11:18
L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.
10/09/2020, 09:45