Colony Collapse

Wvrm

03/04/2020

Prosthetic Records

Souvent, je me demande pourquoi je me complique la vie en chroniquant des albums de vingt minutes en deux pages alors que mes confrères évacuent la tâche en deux paragraphes concis. Tiens, en l’occurrence aujourd’hui, je pourrais expédier la rédaction de ma prose concernant le troisième album des américains de WVRM en deux ou trois formules lapidaires pour la forme. Cette forme étant d’ailleurs celle d’un Death Grind classique et épais comme un glaviot lâché du troisième étage, inutile d’en prendre pour exécuter la sentence littéraire. Avec Colony Collapse, les originaires de Caroline du Sud repoussent encore les limites de l’indécence musicale en prenant appui sur leurs deux premiers efforts, mais aussi sur NAILS, NAPALM DEATH, THE KILL, PRIMITIVE MAN, ROTTEN SOUND, DEAD IN THE DIRT et des dizaines d’autres, sans chercher à révolutionner le genre. Je pourrais me permettre ça, d’autant que j’ai abondamment glosé à l’occasion de la publication de Heartache il y a quatre ans, et comme les différences entre les deux jets de bile n’est pas flagrante, je pourrais me contenter de reprendre mon laïus en changeant deux ou trois mots, tout le monde n’y verrait que du feu. Désormais signés par l’écurie de bourrins Prosthetic Records, les originaires de Greenville jouent donc sur du velours passé et griffé, et nous offrent avec Colony Collapse un concept intéressant en forme de fin de non-recevoir de progression, tout en traitant de thématiques d’usage, la décadence de la société moderne, la religion, les martyrs, et autres obsessions de fin du monde dont on parle depuis des décennies maintenant. Mais nonobstant la logique d’une telle démarche de concision en rédaction, je ne peux m’empêcher d’en dire un peu plus sur ces olibrius qui depuis 2013 explorent les tréfonds d’un extrême sale, trouble, vilain et profond à grands coups de EP’s, de splits, et autres formats pour feignasses qu’ils alternent avec des œuvres plus ambitieuses.

WVRM en 2020 est toujours un quatuor (Ian Nix – chant, Brett Terrapin – batterie, Dylan Walker – basse et Derick Caperton – guitare), mais se professionnalise de plus en plus, et démontre avec son troisième album que la violence la plus crue et la brutalité la plus drue ont encore une petite marge de progression, pourvu que la qualité soit au rendez-vous et que les personnes impliquées ne fassent pas les choses à moitié. Produit maison par le guitariste Derick Caperton aux DSC Recordings, mixé et masterisé par Phil Pluskota aux Sonic Assault Studios et flanqué d’un artwork signé Wes Brooks, Colony Collapse tire son nom du phénomène d’exode des abeilles hors de la ruche, entraînant sa fin. Parallèle intéressant à l’heure ou notre planète agonise et risque de nous envoyer chercher de l’air sur Mars ou dans une autre galaxie, ce troisième LP après Heartache en 2016 et Swarm Sound en 2014 est évidemment le plus abouti du groupe, sans trahir les convictions d’origine ; le quatuor est toujours aussi porté sur la violence crue qu’il accentue de dissonances et de feedback à outrance, et aligne les torgnoles non-stop, en prenant grand soin de combiner vélocité sans bornes et oppression hors-normes. On retrouve donc tous les tics inhérents à la scène Death/Grind US moderne, cette capacité à rendre le Grind encore plus féroce en l’emballant de Death et de sons Indus, cette dualité vocale entre graves compréhensibles et médiums répréhensibles, et surtout, cette façon de traiter la rythmique comme une illustration constante du chaos sociétal ambiant.

Comme d’habitude, détailler une telle « œuvre » est d’une inconséquence crasse. Le groupe, toujours très en forme lorsqu’il s’agit de nous bousiller les tympans alterne les morceaux conséquents et les saillies impulsives, mais il est toutefois assez difficile de différencier les deux approches. Car les titres les plus conséquents ne sont la plupart du temps qu’une accumulation de plans violents et véhéments, presque tous calqués sur le modèle de « Walled Slum City », placé très judicieusement en intro. Entre acrobaties rythmiques et soudaines cassures aussi lourdes que l’humour de Bigard, ces constructions presque en gigogne font l’apologie des sons les plus perturbants, des riffs les plus pesants, des strates vocales les plus irritantes, le tout copieusement assaisonné de feedback comme le veut la tradition. Ce qui ne nous empêche nullement d’apprécier des coups du lapin comme « War Promise//Secessionville », « Hands That Bear The Hive », « Violet Nuclear » ou « Black Flags Toward Sodom (Me Ne Frego) », caractéristiques d’un Grind ricain qui ne rigole pas avec les figures imposées. On sent évidemment du NASUM là-dedans, mais aussi du NAILS, du THE KILL en beaucoup moins joyeux, mais le tout passe à une telle vitesse qu’on n’a pas vraiment le temps ni l’envie de multiplier les comparaisons. Avec en cadeau bonus des intros assourdissantes, des stridences sadiques omniprésentes, et des crises de folie en schizophrénie (« Thorn Palace »), ce troisième album continue son travail de sape des fondations de la civilisation moderne, prône des changements immédiats, des constats inévitables, et perpétue l’esprit d’un Grind de qualité qui ne se contente pas de torcher des blasts comme les usines crachent leurs fumées mortifères.

La qualité est donc encore au rendez-vous, l’oppression de plus en plus palpable (le final Indus suffocant et très NAPALM de « Angel Of Assassination »), l’imagination dans la perversion toujours bien efficace (« Colony Collapse », que les FULL OF HELL auraient pu composer un dimanche matin très badin), le tout empaqueté dans une production énorme qui fait vrombir les graves et assomme les aigus sans nuire à la précision. Quelques riffs notables, un chant toujours aussi dément, et une fuite en avant pour l’un des groupes les plus symptomatiques de sa scène (son label se plaît pourtant à le présenter comme « le seul groupe de Grind de Caroline du Sud), et un troisième album qui négocie à merveille le virage d’une fin du monde beaucoup plus proche qu’il n’y paraît. D’ailleurs, vous en voyez toujours des abeilles vous ? Non ?

Moi non plus.     

                                                                                                    

Titres de l’album :

01. Walled Slum City

02. War Promise//Secessionville

03. Shining Path

04. Anti-Democracy//Locust Breath

05. Black Flags Toward Sodom (Me Ne Frego)

06. Tank Reaper

07. Hands That Bear The Hive

08. Thorn Palace

09. My Fucking Dixie (The New South)

10. Years Of Lead

11. Violet Nuclear

12. Furious Movement//The Burning Tower

13. Colony Collapse

14. Angel Of Assassination


Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 31/08/2020 à 16:38
80 %    385

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45