Damnation Is My Salvation

Witches Hammer

07/04/2020

Nuclear War Now! Productions

Les blancs reliefs du Canada, panorama qu’on imagine plus propice à l’introspection, à la contemplation, qu’à la défonce sonore au fond d’une cave humide aux murs suintant. Pourtant, au Canada sont nés certains des groupes extrêmes les plus révérés de leur temps, les EXCITER, RAZOR, ANNIHILATOR, VOÏVOD, j’en passe, des moins connus, et de bien plus dispensables. Le Canada, à l’image de son grand frère des Etats-Unis, a été l’un des premiers pays à laisser ses gosses s’épanouir dans le barouf de guitares en fusion, et n’a pas vraiment regretté ses principes d’éducation. A tel point que la scène nationale est devenue une référence mondiale avec les années, années qui parfois sont plus longues pour certains que pour d’autres. Parfois en effet, sous le patrimoine national protégé, on trouve quelques vieux coffres, remplis d’artefacts bizarres, témoignages d’un temps ou la créativité des musiciens du pays était bouillonnante. Et derrière les têtes pensantes et les têtes de file, derrière les leaders et les invités de compiles, on pouvait aussi faire la connaissance, il y a fort longtemps, d’acteurs de l’underground, aux pseudos bien étudiés et à l’attitude contractée, qui s’ils n’ont jamais gravé leur nom pour la postérité sur la statue érigée en l’honneur d’un Thrash célébré, ont pu le faire sur quelques arbres moins exposés, mais sur lesquels les connaisseurs venaient s’appuyer en pèlerinage. Ainsi, le nom de WITCHES HAMMER n’a jamais fait partie des encyclopédies, mais certains doivent s’en souvenir avec affection. Formé en 1984 à North Delta, Colombie Britannique, le groupe a attendu un an avant de proposer sa première démo, sobrement éponyme, avant d’en publier deux autres coup sur coup en 86 et 87, parvenant même à oser un EP la même année. D’ailleurs, Witches Hammer ne manqua pas de frapper l’underground de plein fouet de son attitude bravache et de son Speed/Thrash sans concession, mais las, il marqua aussi la fin de la carrière des canadiens.

Il fallut attendre le début des années 2000 pour retrouver leur nom au générique de productions, mais à chaque fois, ces compilations (Canadian Speed Metal, Complete Discography (1985-1988), Stretching into Infinity, Dead Forever) ne servaient que de bouche-trou, ou de simple annotation historique de bas de page. Mais les liens unissant les canadiens à leur label américain de Nuclear War Now! restèrent solides mais détendus toutes ces années, et c’est ainsi que lorsque le groupe décida de remettre sérieusement le couvert, leur maison de disque en fut extrêmement ravie. C’est ainsi qu’en 2020, trente-six ans après sa naissance WITCHES HAMMER peut enfin s’offrir ce premier long dont il rêvait dans les eighties, un premier long assez étrange d’ailleurs, car d’une brièveté rare et un peu bancal dans l’originalité. Trente-et-une minutes pour huit morceaux, c’est assez chiche dans les faits, et ça ressemble un peu au timing d’un EP. Qui plus est, plusieurs de ces morceaux sont tout sauf des inédits, puisque trois d’entre eux figuraient déjà sur des démos de l’époque, « Frozen God, » « Deadly Mantis, » et « Witches Hammer », mais retrouvent ici une seconde jeunesse en profitant d’une réinterprétation a posteriori, et avec un line-up légèrement différent. Cinq vrais inédits, trois réappropriations tardives, voici donc le bilan de ce Damnation Is My Salvation qui ne cache en rien la bestialité de son inspiration. Si certains fanzines se plaisent encore à classer le groupe dans le créneau du Speed Metal, je leur conseille de régler le volume de leur sonotone pour pouvoir apprécier l’approche totalement Thrash d’un quintet fatal (Marco Banco - guitare et seul membre d’origine, Rayy Crude - chant, AJ Kovar - basse, Steve Shaw - batterie et Jesse James Jardine - guitare), qui du début à la fin de ce premier LP nous persuade du bienfondé de sa philosophie, élaborée dans les années 80, mais qui n’a pas vraiment dévié depuis.

Rappelons pour la bonne bouche et pour une meilleure compréhension que Marco Banco, suite à la déroute de son groupe d’origine, décida de rejoindre les rangs des cultissimes BLASPHEMY, pour enregistrer ce qui restera l’un des LPs les plus honorés par l’underground de son époque, Fallen Angel of Doom. Ce qui permet à Marco de bénéficier d’une aura rayonnante dans les ténèbres de l’extrême canadien, et qui explique cette passion pour un Thrash sans concessions, plus proche de la sauvagerie brute d’un mélange RAZOR/BLASPHEMY que d’une association de précision diabolique entre EXCITER et ANNIHILATOR. Et cette approche bestiale, on la retrouve tout au long d’un LP qui reste prévisible évidemment, usant de rythmiques nucléaires et de riffs maculés de boue, mais qui sait à intervalles réguliers faire preuve d’un peu plus de finesse sans s’essuyer la basse crottée sur le paillasson. En continuant le travail entrepris dans les années 80, qui consistait à proposer un jumelage entre la bestialité Sud-américaine et la puissance canadienne, WITCHES HAMMER reste fidèle à son éthique, et ose un Thrash légèrement BM sur les bords, constamment surexcité, frisant souvent le chaos, mais restant tout de même entre des balises acceptables. Rien de bien neuf sous le soleil noir, d’autant que le groupe ne cherche pas à s’éloigner de ses débuts. Tout au plus profite-t-il d’une expérience acquise avec les années, mais en découvrant « Across Azeroth », on sent que Marco en bonne tête pensante est toujours ce barbare qu’on a connu, ne concevant le Thrash que sous son aspect le moins édulcoré ou corrompu. La production brouillonne rappelle les exactions Cogumelo des eighties, le ton général aussi, les attaques franches et brutes des guitares ne donnent pas dans la dentelle, mais le tout exhale un délicat parfum de brutalité ouverte qui nous ramène aux plus grandes heures d’apprentissage des SEPULTURA, VULCANO, et évidemment, BLASPHEMY, le plus lusophone des groupes canadiens.

Les premiers morceaux font preuve d’une linéarité de circonstance, et certains seront tentés de jeter l’éponge pour ne pas avoir à subir ce chaos plus longtemps. Mais heureusement, la seconde partie de l’album, sans être versatile, propose des choses un peu différentes. Les trois anciennes compositions remises au goût du jour bénéficient d’une énergie contemporaine ne trahissant pas la foi d’origine, et rappellent la meilleure série B de l’époque, les INDESTROY, RIGOR MORTIS, tandis que l’évolutif et progressif « Nine Pillars » offre une conclusion plus ambitieuse à un premier véritable album qui aura mis le temps à voir le jour. Bien sûr, le quintet ne peut s’empêcher d’emballer les débats, mais en se basant sur ces capacités dévoilées en fin de parcours, WITCHES HAMMER s’ouvre des perspectives fiables, et peut envisager un vrai début de carrière professionnelle sur la durée. C’est tout le mal qu’on peut souhaiter à ce groupe symptomatique, qui fait depuis longtemps partie du patrimoine régional extrême d’un pays qui n’a jamais été avare en têtes de file.       

                                                                                                        

Titres de l’album :

                         01.Across Azeroth

                         02.Solar Winds

                         03.Damnation Is My Salvation

                         04.Within the Halls

                         05.Frozen God

                         06.Witches Hammer

                         07.Deadly Mantis

                         08. Nine Pillars

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par mortne2001 le 28/09/2020 à 17:29
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