Il Nuovo Mare

Buioingola

31/03/2017

Sentient Ruin Laboratories

L’Italie, parent pauvre du Metal dans les années 80, au même titre que la France, à salement rattrapé son retard en termes d’inspiration depuis une dizaine d’années. A tel point que les groupes locaux font aujourd’hui figure de chefs de file de mouvances qu’il est relativement ardu d’identifier…

Fini les copier/coller et autres succédanés de succès Européens et Américains, l’heure est à la création nationale, et le talent dont font preuve nos amis musiciens transalpins est tout simplement bluffant. Une nouvelle évidence nous en est donnée aujourd’hui via le second LP des originaires de Viareggio, BUIOINGOLA, qui avec Il Nuovo Mare mélangent tellement de courants différents qu’ils parviennent à nous noyer dans un nouvel océan, pas encore décelable sur les cartes musicales classiques.

Cet album fait suite à l’introductif et intrigant Dopo L’Apnea, paru en 2013, qui versait déjà les cendres du conformisme dans une mer d’originalité instrumentale, et pousse le concept de l’inconnu encore plus loin, nous laissant dériver sur un radeau de la Méduse extrême qui nous mène sur des rivages inconnus, peuplés de créatures étranges, rêvant en monochrome d’une mort certaine, qui pourtant nous font sentir plus vivant que jamais.

Dans les faits, et selon l’argumentaire de son label Sentient Ruin, le trio Italien (Diego Chuhan – guitare/chant, Thomas Gianardi – batterie et samples, Omar Bovenzi – basse/chant) pratique un genre d’amalgame entre Néo Crust acide, Darkcore ombrageux et Post BM nuageux, et il faut admettre que ces indices sont les bons, et qu’ils mènent sur une piste de Post Metal ténébreux qui n’a que très peu d’équivalent sur la scène Européenne actuelle.

Si Dopo L’Apnea privilégiait parfois les longues ambiances délétères (on se souvient d’un traumatique « Oceano » qui déboitait le quart d’heure sans complexes), Il Nuovo Mare adapte son optique et son format, sans pour autant modifier sa philosophie de base.

Les fondements sont toujours les mêmes, de longs passages contemplatifs et sombres, de soudaines et fulgurantes montées de violence et une orchestration dramatique qui transforment cet album en progression opératique effrayante, dont le libretto est maculé d’images saisissantes, de paysages désolés, et de grandes étendues aquatiques vertigineuses.

En substance, et pour être prosaïque, la musique distillée sur les sept interventions de ce second album évolue comme les scènes d’un film pour les oreilles qui nous entraîne dans un monde onirique pas vraiment rassurant, mais captivant de pessimisme et enterrant les dérives artistiques de la renaissance Italienne sous une chape de plomb d’eau dont on ne s’extirpe qu’au prix d’un essoufflement presque fatal.

On trouve sur ce disque de quoi alimenter nos fantasmes suicidaires les plus sombres. Mise en abime d’éléments Post Punk rigides et froids comme le corps d’un noyé repêché sur la grève (« Attesa », à la limite d’un Dark Ambient vraiment terrifiant, suggérant une hybridation entre la folie schizophrénique des VIRGIN PRUNES et un LUSTMORD plus volontiers obsédé par les grandes étendues marines que par l’espace ou les cavernes), adaptation libre d’un Darkwave rugueux aux impératifs d’un Post BM vraiment viscéral (« Polvere »), Crust impitoyable noyé dans un maelstrom d’idées Black comme autant d’écueils susceptibles de fissurer la coque du navire de fortune («Latenza », pas vraiment de latences mais une polyrythmie épuisante qui se coupe les croches sur des riffs acides et un chant de sirène), ou inclinaisons Doom/Sludge écrasantes comme un soleil noir ne réchauffant pas un hiver de désespoir («Eclisse »).

Pas de longue homélie cette fois-ci, mais une succession d’idées en format court ou médian formant un tout aussi violent que troublant, comme une tempête déchainant les éléments pour mieux provoquer le silence.

Les BUIOINGOLA n’ont pourtant pas choisi la voie la plus facile pour parvenir à leurs fins. Les fans d’extrême risquent d’être déstabilisés par cet ouragan d’influences qui se télescopent dans des courants ascendants et descendants, et dont certaines ne font clairement pas partie de la galaxie Metal.

Ainsi, « Silencio » évoque plus volontiers la vague Darkwave/Post Punk des 80’s, avec quelques citations obscures et autres clins d’œil au CURE le plus nihiliste, aux JESUS AND MARY CHAIN, et même aux SISTERS OF MERCY les plus ombrageux, ce qui risque de faire se hérisser quelques poils de froid. Mais avec un peu d’ouverture d’esprit, il n’est pas difficile de concevoir que Il Nuovo Mare se veut justement point de liaison entre ces vagues glacées d’il y a trente ans, et la lame de fond Post Black du vingt-et-unième siècle, comme un pont chancelant qui menace de s’écrouler sous chacun de vos pas.

Ce deuxième effort se termine même dans des murmures soutenus par des cordes électriques pas vraiment caressantes, mais symbolisant un petit ilot d’harmonies qui peuvent se concevoir comme une oasis de terre perdue en pleine mer de doutes.

Puzzle étrange, aux pièces de taille raisonnable, Il Nuovo Mare s’autorise quand même une digression plus ample, incarnée par le fulgurant et insondable « Irriconoscibile », qui synthétise les terreurs nocturnes de TERRA TENEBROSA et les colères diurnes de WOLVES IN THE THRONE ROOM, usant sans abuser d’arrangements percutants et sifflants, et de thèmes abrasifs venant rompre la fausse tranquillité de surface.

 

Difficile d’accès, veillant jalousement sur ses mystères marins, BUIOINGOLA continue son travail d’exploration multiple et accumulant les références, tout en affinant son style personnel qui devient facilement reconnaissable de son refus des convenances.

En se frottant aux limites de la Darkwave, du Darkcore, du Crust lunaire et des cycles de vie/mort du Post Black le plus libre, le trio Italien parvient à créer une nouvelle mouvance, assez tétanisante, mais cathartique pour peu que l’affrontement de vos peurs les plus intimes ne soit pas un combat perdu d’avance.

 Mais en attendant une analyse définitive qui ne viendra sans doute jamais, Il Nuovo Mare se pose en nouvelle pierre jetée à la mer de l’audace instrumentale Italienne, qui n’en finit plus de nous ensevelir sous les vagues de sa frondeur. 


Titres de l'album:

  1. Polvere
  2. Latenza
  3. Irriconoscibile
  4. Attesa
  5. Eclisse
  6. Silenzio
  7. Il Giorno Dopo

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 31/03/2017 à 14:00
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