Operation Misdirection

Ultra-violence

27/07/2018

Candlelight Records

Le Thrash, c'est la bête. Une bête tapie dans l'ombre, qu'on a parfois crue étendue pour le compte, lardée de banderilles et baignant dans son sang, mais toujours prompte à se relever pour porter l'estocade finale. Facile d'enterrer un style que le Death et le Nu Metal ont rendu obsolète de leurs recherches sonores, et pourtant, il a su rester le parangon d'un extrême qui finalement, a eu beaucoup de mal à se renouveler. Le Thrash, aussi statique fut-il au travers des années n'a lui au contraire jamais déçu, jamais vraiment surpris non plus, mais il reste en 2018 cet exutoire fabuleux qu'il a toujours été. Comment en effet ne pas se faire avoir à chaque fois par ces riffs biseautés, par ces rythmiques sauvages mais millimétrées, et par cette façon de jouer un jeu de cache-cache avec le Heavy Metal et le Hardcore sans trahir ses dogmes d'origine ? Certes, depuis 1983 et la naissance du genre, peu de combos sont parvenus à le faire avancer un peu plus loin que le bout de ses syncopes, mais à défaut d'audace et de clairvoyance, célébrons donc la constance et l'exigence, deux vertus qui sont assez symptomatiques de la démarche. De là, First Wave of Californian/German Thrash, Second Wave of Swedish Thrash, ou New Wave of European Thrash, peu importe la localisation et l'appellation, puisque le ressenti est toujours le même. Et après tout, avec des références qui sont inamovibles depuis trente ans, difficile d'échapper aux comparaisons...C'est certainement ce que les italiens d'ULTRA-VIOLENCE doivent se dire depuis le début de leur carrière, eux qui n'ont eu de cesse de piocher dans leurs influences pour tracer leur propre route. Et cette route, bien que rectiligne, semble mener à une sorte de Valhalla Thrash, puisque le troisième album des originaires de Turin n'est rien de moins qu'un modèle du genre, qui risque fort de laisser son empreinte solidement ancrée dans l'inconscient collectif des fans d'hier et aujourd'hui...


Pour couper court à toute méprise, non, Operation Misdirection n'est pas le Operation Mindcrime du genre. Bien qu'ambitieux, il sait rester de dimension humaine et raisonnable, et se contenter de reprendre des recettes déjà éprouvées pour perfectionner son optique globale. Il est certain que les turinois que nous avons connus en 2012 avec le EP Wildcrash ont bien changé, et ont gommé toute imperfection de leur méthode de composition. Adieu donc les réflexes conditionnés de chiens fous, gommées donc les tendances Punk qui gardaient cet éthique sauvage sous le coude, aujourd'hui, le quatuor (Loris Castiglia (chant/guitares); Andrea Vacchiotti (guitares); Andrea Lorenti (basse) et Francesco "Frullo" La Rosa (batterie)) se veut méthodique, appliqué, sans pour autant perdre de sa spontanéité. Gageure difficile à relever que de rester en terrain chaotique en donnant le sentiment de complètement maîtriser sa conduite, et c'est pourtant le pari ardu qu'ont relevé avec brio les italiens,qui franchissent donc crânement le cap du troisième album. De la morgue bien sûr, de la confiance, à outrance, mais pas de condescendance pour autant. Si le son a été poli, si les compositions ont été peaufinées, l'esprit originel anime toujours de sa rage sauvage les compositions présentes sur cet Operation Misdirection,qui loin de se tromper de route trace la sienne vers une complétude qui pourra en frustrer certains, et beaucoup amuser les gardiens du temple qui reconnaîtront la patte des maîtres au travers de tous les riffs employés, avec dextérité, finesse, ou rudesse. 


Ne le cachons pas, si ce troisième longue durée des ULTRA-VIOLENCE n'est pas l'épiphanie que nous étions en droit d'attendre, il s'inscrit à merveille dans la trajectoire ascendante d'un quatuor qui commence à méchamment faire parler de lui. En mettant l'accent sur une impeccable inspiration, les transalpins nous ramènent aux grandes heures du style, tout en lui insufflant une humeur parfaitement contemporaine. Il est évident que l'ombre des enseignements d'EXODUS, KREATOR, WARHAMMER, et autres CEREBRAL FIX (plus pour le timbre de Loris que pour des questions de déviance) plane bas au-dessus du ciel italien, mais le panorama est beaucoup plus désolé que désolant, et la plupart des morceaux passent admirablement bien la rampe, même s'ils semblent bâtis sur le même moule. En choisissant de franchir la limite, le quatuor a donc agrémenté sa puissance de quelques nuances, mélodiques et rythmiques, et les analogies avec les canadiens d'ANNIHILATOR est plus que patente sur quelques passages aux harmonies très marquées. Mais qui irait se plaindre d'un excès d'ambition de la part d'un groupe qui refuse de stagner et de se contenter d'aligner huit brûlots joués à la vitesse du son ? Pas les plus pointilleux des fans de furieux, qui se verront traités avec le plus grand des respects par un groupe qui ne se limite pas à étaler un catalogue de figures imposées...Et avec une ouverture dantesque de l'ampleur de « Cadaver Decomposition Island », pas de doute possible, l'heure est à l'élaboration, à la prospection, et à la projection. En semant les graines de l'accord, les italiens se pavent une voie royale vers les références les moins discutables, et rejoignent le peloton de tête des leaders actuels du secteur. 


D'aucuns diraient même que la production, parfaite en tout point, sonne un peu trop calibrée. Que l'album justement souffre d'un manque de démence juvénile que l'on a remisée au profit d'une immaculée régurgitation, aux aspérités gommées, et aux défauts masqués. En alternant les longues suites presque progressives, les quatre musiciens ont pris le risque de s'aliéner la frange la plus radicale, mais c'est un choix qui paie, puisqu'ils parviennent en un même élan à réconcilier les philosophies de Jeff Waters, de Mike Muir, de Ron Royce et de Dave Mustaine en prônant une ouverture vers la mélodie, sans renier une mise en place méchamment épaisse (« My Fragmented Self », avec ses soudaines crises de colère en blasts découlant sur des harmonies dignes de la seconde vague scandinave du style). Beaucoup (pour ne pas dire tout le monde), s'accordera sur le fait que le hit imparable « Nomophobia » représente en quelque sorte la quintessence d'une vision trahissant son désir de perfection, tant les couplets, le refrain et les breaks s'enchaînent à une vitesse et une précision folles, réunissant le souvenir du KREATOR le plus agressif et la mémoire d'un MEGADETH obnubilé par le succès mainstream qu'un ANNIHILATOR avait osé viser à une certaine époque. C'est carré comme la quadrature du cercle, chaque arrangement à été pesé, chaque accélération tombe pile au bon moment, et pourtant, l'ensemble garde cette fraîcheur indispensable à tout exercice de nostalgie en saccade majeure. On ne pourra pourtant s'empêcher de regretter légèrement les agacements épidermiques des premières années, tout comme on déplorera le foirage en règle de la reprise de DIRE STRAITS, dont le « Money For Nothing » se voit défiguré pour rien, et réduit à une parodie Thrash bien indigne du talent des italiens. Heureusement, cette plantade excessive se voit excusée par des morceaux originaux qui relèvent le niveau, et un final orgiaque (« Shining Perpetuity »), qui nous rassure quant au caractère immortel d'un style qui sans renaître pour n'être jamais mort, continue de nous faire vibrer, tout en acceptant de s'ancrer dans son époque. ULTRA-VIOLENCE ne redistribue donc pas les cartes avec Operation Misdirection,mais s'assure une main suffisamment solide pour remporter le tapis. 


Titresde l'album:

                          1.Cadaver Decomposition Island

                          2.Welcome to the Freakshow

                          3.My Fragmented Self

                          4.The Acrobat

                          5.Nomophobia

                          6.Money for Nothing (Dire Straits cover)

                          7.The Stain on My Soul Remains

                          8.Shining Perpetuity

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par mortne2001 le 09/08/2018 à 15:33
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