Deuxième album pour l’isolé londonien italien de Void, l’originaire de Gênes nous livrant encore une fois ses vues sur le Metal extrême de son Londres d’adoption. Pour ceux n’ayant pas suivi l’affaire, Void est un énigmatique musicien connu pour avoir un jour ébruité ses vues brûlantes au sein du combo Death ANTROPOFAGUS, et depuis quelques temps responsable de plusieurs projets aussi différents qu’incorruptibles. On le retrouve donc au sein de BUNE, de RISING BEAR FLOTTILLA, mais surtout, seul et omnipotent dans FEED THEM DEATH, son projet Death/Grind qu’il bichonne comme un ours son pot de miel. FEED THEM DEATH n’en est donc pas à son coup d’essai, puisqu’un premier LP publié en 2018 (No Solution / Dissolution, via Exalted Woe Records) nous avait permis de comprendre les traumas d’un musicien qui visiblement s’occupe très bien de son cas seul dans son coin, mais autant dire que Panopticism: Belong / Be Lost pousse les choses encore plus loin. Dans les faits, ce projet est une sorte d’exutoire total, et surtout, une autre façon d’envisager le Grind, sous un point de vue que l’auteur aime à penser avant-gardiste. Vu d’ici, le projet est sacrément viable, et surtout, de grande qualité. On sait les one-man-band assez complaisants parfois, mais la richesse instrumentale dispensée par ces onze nouveaux morceaux nous prouve que le « groupe » est tout sauf un caprice passager, et entre les bourrasques de blasts et les cris grognons, l’affaire tourne rond, mais pas en rond. En confiant ses thématiques à l’inspiration de Michel Foucault, philosophe français du Poitou, Void a donc placé Panopticism: Belong / Be Lost sous l’influence de deux ouvrages, Surveiller et punir et Maladie mentale et personnalité, pour le rattacher au concept du panoptique (projet architectural de prison inventé par Bentham et conçu pour que les prisonniers puissent tous être vus depuis une tour centrale). Cet album a donc du fond, et raisonne, se pose des questions, spécialement au niveau des libertés individuelles et de la façon dont la société traite ses propres « parias ».
Un album sur la différence donc, sur l’aliénation, sur l’isolement et la négation de l’individualité sous couvert de contrôle du bien-être et de l’ordre, pour une musique qui n’est pas moins intelligente que son propos littéraire. En avouant des influences d’origine que l’on sent assez vite (NAPALM DEATH, NASUM, BRUTAL TRUTH, TERRORIZER, PHOBIA), FEED THEM DEATH se rapproche dans le fond des TOTAL FUCKING DESTRUCTION, et de tous les défenseurs d’un Grind libre et affranchi de toute figure trop imposée. D’ailleurs, plus que de Grind, il convient ici de parler de Metal extrême, puisque Void utilise des composantes de Drone, d’Indus, de Death, de Thrash et même de Crust ou de Doom, et Panopticism: Belong / Be Lost en fin de compte ne ressemble à aucun autre album connu, puisqu’il s’éloigne constamment des schémas établis. Les morceaux, relativement conséquents, s’étirent de deux à six minutes, osent toutes les expérimentations, et naviguent parfois en eaux troubles. On pense à SCORN en écoutant « Evokism II », et certains passages méchamment brutaux suggèrent même des accointances avec la scène BM anglaise, ce qui confère au produit des allures de symphonie d’ultraviolence ouverte. L’artiste italien ne se gêne d’ailleurs pas pour utiliser aussi des composantes Noise, comme le démontre le long et traumatique « Prescience/Evokism III », sorte de Crossover entre LUSTMORD et la scène BM ultra lo-fi canadienne, entre le lavage de cerveau et l’expressionisme abstrait. Panopticism: Belong / Be Lost est donc bien plus qu’un pauvre album de Death/Grind vite emballé et pesé par un musicien qui a besoin de faire du bruit. Mais sa façon d’appréhender l’extrême de manière plus « cérébrale » ne l’empêche pas de nous lâcher quelques riffs méchamment efficaces, qu’il prend un malin plaisir à compliquer de rythmiques aux mouvements incessants (« Zoneless Confinement »). On se dit à ce moment-là que CARCASS et FULL OF HELL auraient pu collaborer sur un concept commun, d’autant que la dualité vocale aiguille sur différentes pistes.
Tout ça n’est donc pas simple, à l’image de ce splendide artwork travaillé par Guglielmo Rossi et Bandiera. Ce second LP suggère donc bien ses thèmes, et finit par provoquer une sensation de paranoïa, tant les sons se répercutant imitent les regards insistants d’une société sur les siens. Cette thématique d’aliénation et d’enfermement prend alors tout son sens, lorsque les couches sonores s’empilent les unes sur les autres, créant un magma oppressant (« Scar? »), à la manière d’un NASUM perdant tous ses repères et jouant deux morceaux en un. Bruyant, mais jamais gratuit, ce disque aménage aussi des espaces plus simplifiés, ou la colère devient plus palpable (« Apologue of Descent », Crust en diable), voire outrageusement amplifiée (« Black Bile Banquet », avec sa programmation en blasts qui donne le tournis). La force de Void est d’avoir collé à son idée complexe tout en offrant à son public des thèmes accrocheurs, et des licks faciles à retenir, sans renoncer à son élitisme de composition. Ce maelstrom sera donc difficile à supporter pour ceux qui préfèrent un Death/Grind immédiat et simple à assimiler, mais en forçant l’auditeur à multiplier les écoutes, FEED THEM DEATH signe une œuvre intelligente et bien dans son époque, consciente des abus et bien décidée à s’en affranchir. La production, claire et un peu sèche convient parfaitement, et certains morceaux au parfum ATROCITY des débuts (« Lotusbluthen III ») intègrent même des segments Doom/Sludge du plus bel effet. Les interludes Techno/Ambient seront jugés à leur juste valeur (« Lotusbluthen III »), mais ne sont jamais gratuits et faciles. Panopticism: Belong / Be Lost a donc tout à fait sa place dans l’écurie I, Voidhanger, et nous offre une analyse musicale pertinente sur cette ère trouble à la Orwell ou les autorités et gouvernements en place n’ont de cesse de réprimer les plus faibles et de s’isoler dans leur tour d’ivoire.
Titres de l’album :
01.Zoneless Confinement
02.Scar?
03.Apologue of Descent
04.For Our Insolent Dead
05.Anti-modernist Extradition
06.Prescience/Evokism III
07.Black Bile Banquet
08.Break The Infi/nite
09.Lotusbluthen III
10.Evokism II
11.Dead is Better
Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)
16/09/2020, 22:12
16/09/2020, 21:49
15/09/2020, 22:30
15/09/2020, 22:06
gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)
11/09/2020, 12:32
Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???
11/09/2020, 10:59
Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)
11/09/2020, 08:04
Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...
11/09/2020, 07:25
Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)
10/09/2020, 21:27
Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)
10/09/2020, 11:22
J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)
10/09/2020, 11:18
L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.
10/09/2020, 09:45