Parad1gm

Parad1gm

08/02/2019

Season Of Mist

Il est relativement plaisant de temps en temps d’entendre quelque chose de différent. Alerté sur les réseaux sociaux de l’intégration de Betov (ADX) au sein d’un projet éloigné de ses obsessions purement métalliques habituelles, je jetais donc un regard attentif à l’évolution du concept PARAD1GM, sans savoir que j’allais bientôt en recevoir les fruits par voie postale. J’ai donc pu constater de facto que le groupe en question n’avait rien à voir avec le Metal mélodique et épique du gang de notre sympathique bassiste, et qu’il versait plutôt dans une sorte de Proto Electro-Metal aux riffs lourds mais aux rythmiques élastiques. Formé en 2015 sous l'impulsion de trois anciens membres de SPIRITED, AlukardX (guitare), Julien (batterie) et Farès (chant), PARAD1GM se présente aujourd’hui sous la forme d’un quintet, puisqu’en sus de Betov à la basse nous retrouvons Matthieu Marchand aux synthés et à la programmation, ce qui permet enfin aux musiciens de présenter leur premier longue-durée, qui ma foi a fière allure sous cette pochette imaginée par Fabien Jacques. Eponyme, comme pour bien asseoir une identité qui ne va pas tarder à s’affirmer, Parad1gm est de ces disques étranges, qu’on sent clairement sous influence multiple, mais qui parvient à tirer son épingle du jeu de ses ambitions et de ses envies d’ailleurs. Si évidemment, l’ambiance générale se veut légèrement sci-fi pour coller au thème choisi, le tout n’est pas sans une âpreté si chère au Metal électronique des années 90, qui combinait alors la souplesse de rythmiques distendues, à des guitares agressives, mais suffisamment traitées pour ne pas rebuter un public réfractaire aux sonorités trop viriles. En résulte un joli mélange, bien équilibré, qui se repaît d’Ambient, de Heavy classique détourné, mais aussi de Progressif, pour un trip aux confins d’une galaxie très personnelle.

Ce qui n’a pas échappé à Season of Mist qui assure la distribution de ce premier long. Enregistré et mixé par Alexandre Beucler et masterisé par Brett Caldas-Lima, Parad1gm est un OVNI qui traverse la production actuelle avec une indéniable grandiloquence, assumant ses atouts comme autant de différences sur la concurrence. Si l’on pense parfois à une version plus épurée et modeste des travaux les moins abscons de Devin Townsend, on pense aussi à la vague des CROSSBREED, à SENSER, en version moins rap, mais aussi à cette génération de groupes progressifs qui commençaient à concevoir le genre comme autre chose qu’un simple écrin à des égos démesurés. Ici, c’est bien la cohésion globale qui prime, et entre des samples intelligemment agencés, des couleurs travaillées, et des morceaux qui osent se distancier les uns des autres, le résultat est probant, même si pas forcément totalement maitrisé. On sent que le groupe a encore du boulot pour peaufiner les détails, mais des morceaux de la trempe d’un « Black Feather » prouvent qu’ils ont la carrure pour faire partie des valeurs sûres. Une puissance dramatique et presque lyrique qui donne à cet album la patine d’un conte post-ap avec espoir livré clefs en main, puisqu’au-delà de ce glaçage sombre, on sent la lumière pointer dans les interstices, notamment par l’entremise de fenêtres ouvertes sur des mélodies un peu nostalgiques, mais clairement positives. Dès lors, on pourrait presque parler d’un Electro-Metal progressif, si l’on ne sentait pas en filigrane ce background purement Metal qui nous laisse à penser que tout ça n’est pas grand-chose d’autre qu’un gros Heavy évolutif déguisé en musique électronique par l’adjonction de quelques effets de manche. Ceci dit sans aucune condescendance.

Mais la sensation est loin d’être désagréable, d’autant que les musiciens impliqués se sont donné à fond pour que ça fonctionne à plusieurs niveaux. Et si les deux premiers morceaux, parmi les plus longs, inquiètent de leur similitude d’agencement, « Qalbik » nous rassure rapidement, en choisissant de s’éloigner de ce schéma trop bien établi. Plaçant alors les sonorités les plus synthétiques au premier plan, et imposant un texte écrit en arabe, ce titre est le premier à vraiment marquer les mémoires, sombre comme une nuit sans les mille autres, mais dansant comme une centaine de Tombak frappés à l’unisson. Et ces trois minutes et quelques permettent aux PARAD1GM de s’imposer dans le paysage actuel, sans singer les groupes typés orientaux comme MYRATH, grâce à des claviers qui n’hésitent pas à bousculer les guitares sans bouffer leur espace. Farès se révèle sous un jour très flatteur, laissant son timbre grave et rauque s’envoler au-dessus de l’instrumental sans lâcher son emprise, et l’orient de nous enflammer de sa culture sans renier les fondements européens Electro-Metal les plus évidents. Véritable hit de l’impossible, ce morceau n’est pas le seul à se montrer compétitif dans le lot, bien au contraire, ce que démontre avec emphase le très lourd et compact « Buried », au riff presque Néo-Thrash, mais au background pur comme de la Pop détournée de ses obsessions les plus triviales. C’est dans ces instants plus modulés que le groupe se montre sous son jour le plus flatteur, lorsqu’il accepte de tamiser la violence sous un abat-jour d’harmonies acides, et qu’il démontre sa plus grande cohésion globale. Chacun connaît son boulot, et c’est avec plaisir que l’on constate que Betov s’est admirablement bien intégré à son nouveau projet, osant même une basse slappée sur le processionnel et déjà abordé « Black Feather ».

En tablant sur des progressions assez fascinantes de redondance, le groupe a pris des risques, mais ils s’avèrent presque tous payants. Ainsi, « Haunted » s’obstine pendant presque huit minutes à mériter son titre spectral, et nous envoute de ses itérations, préférant une fausse linéarité à une surabondance d’idées qui aurait pu mener à l’impasse. Sans en faire trop, mais en amenant les éléments petit à petit, PARAD1GM fait preuve d’une grande intelligence de composition, et pratique l’art du mantra, répété à l’envi pour atteindre un niveau de perception supérieur, et ainsi nous mener à un état contemplatif que la basse souple de Betov souligne de ses circonvolutions (« Haven », presque Pop sur les couplets, et encore plus sur le refrain, malgré une énorme guitare). Mais on pourrait dire bien des choses en analysant en profondeur ce premier album d’une très grande maturité, puisque les astuces fines et souvent discrètes permettent une lecture à plusieurs niveaux. Ainsi, impossible d’étiqueter les français avec un label trop catégorique, et de les cantonner à un Metal électronique trop restrictif. Il est même parfois pertinent de se dire que l’ensemble porte un costume Post-Grunge taillé sur mesure, spécialement lorsque les harmonies riches louchent vers des nineties qui décidément ne veulent pas se laisser enterrer (« Burden », qui semble toucher du doigt la frontière séparant de l’hyper-espace de sa guitare à la Satriani). De fil en aiguille, et sous une épaisse couche de cohérence, Parad1gm défie donc les fausses certitudes acquises après une première écoute un peu trop confiante, et déroule un tapis de compositions plus complexes qu’il n’y parait. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait, certaines tentatives un peu gauches, mais l’ensemble est de grande qualité, et largement assez intrigant pour se faire une place dans les playlists les plus pointues. Un disque à réserver aux amoureux d’une musique plurielle, et non aux simples amateurs de Metal, et un succès artistique mérité.   


Titres de l'album :

                          1.Scars of Life

                          2.Reason

                          3.Qalbik

                          4.Buried

                          5.From the Other Side

                          6.Black Feather

                          7.Host

                          8.Haunted

                          9.Haven

                         10.Burden

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 10/04/2019 à 16:56
82 %    578

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45