The Prophecy of Blight

Soul Grinder

05/07/2019

Autoproduction

J’aime SOUL GRINDER, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour les artistes évoluant dans le mauvais goût avec bon goût. Comprenez cette assertion comme vous le souhaitez, mais les John Waters, les Costes, et tant d’autres que je ne prendrai pas la peine de nommer ici m’ont toujours fasciné pour parvenir à transcender leurs plus bas instincts par un talent indéniable et une tendresse remarquable dans la provocation. Et puis, j’aime les SOUL GRINDER parce qu’ils me rappellent un paquet de groupes que j’ai adorés durant ma prime adolescence. Ces groupes au look improbable, à la musique grasse et bien méchante, à l’attitude bravache qui jouaient le jeu d’un Heavy Metal en rébellion de jeunesse, avec des revendications à la hauteur de leur apparence. La liberté, la violence jouée, et tout un décorum de barnum qui avait de quoi enflammer notre imagination. Venant de la célèbre Portland, Oregon, ces trois acolytes de l’enfer assument à trois une coalition assez récente, puisque leur association ne remonte qu’à 2016, et que ce The Prophecy of Blight est leur premier effort longue-durée. Ils nous ont déjà jeté en pâture un EP (Terraflesh en 2017), et une doublette de singles, mais ces trente-quatre minutes de Heavy Metal non édulcoré sont bien leur véritable point de départ professionnel, bien que ce premier LP soit entièrement autoproduit. Oui, les trois américains font partie de cet underground qui se débrouille tout seul dans l’ombre pour gagner sa part de lumière, et les produits proposés par la bande sont disponibles sur leur site, t-shirts, vinyles, badges, qu’ils vendent durant leurs concerts que je pressens assez denses et sauvages.

Sauvages comme le reflet offert par la frontwoman April Dimmick, bassiste-chanteuse dans la grande tradition, aux cheveux d’un jaune douteux, et au maquillage à mi-chemin d’un film Post-ap et d’un Black Metal nippon des années 90. April est de ces musiciennes à la foi indéfectible, à la passion indiscutable, qui mène la barque de son groupe d’une voix grave et de graves qui suivent leur voie. Derrière elle, deux autres membres, Alex Avery à la guitare et Kevin Ross à la batterie, plus en retrait, presque dans l’ombre, et d’un choix vestimentaire plus consensuel et sobre. Mais une fois la machine en branle, l’osmose du trio se fait ressentir dans le timbre des enceintes comme un tremblement de terre déchirant la croute terrestre, entre Heavy vraiment dur et cru, et inclinaisons Thrash pas totalement débridées. Mais tout est assumé, et si d’aventure cette pochette hideuse vous rebutait, dites-vous qu’elle cache une musique plus solide et intelligente qu’il n’y parait, même si animée par des desseins rétrogrades qui nous renvoient des décennies en arrière. Heavy Thrash, le terme est lâché, et renvoie à de grandes figures, comme ICED EARTH, le JUDAS PRIEST de Painkiller, éventuellement à METAL CHURCH et une poignée d’autres, qui durcissaient le ton sans sombrer dans la parade du paon énervé que sa queue ne suscite pas plus d’admiration. Mais musicalement, les SOUL GRINDER ramènent à la surface d’autres images musicales, celles de ZNÖWHITE, de KAT, de HELLION, en version plus ou moins renforcée, et évoquent même par moments l’écurie New Renaissance de dame Ann Boleyn, lorsque l’amateurisme était un gage de qualité, et non une approximation douteuse.

Avec seulement neuf titres pour moins de quarante minutes, The Prophecy of Blight joue l’économie, mais la pluralité. Car le trio aime aborder sa passion pour le Metal sous tous les angles, et flirte avec le Doom, le Sludge, le Thrash évidemment, échappant à une datation trop facile en se plaçant hors du temps. S’il est assez facile de reconnaître que les glorieuses eighties les ont marqués à vie, ils n’en ont pas pour autant décroché en 1991 lorsque le Grunge a déferlé, et ont suivi les pérégrinations extrêmes, teintant même leur musique d’une légère touche BM en arrière-plan, histoire de durcir le ton. Mais leur facilité déconcertante à produire de petits hymnes à la noirceur est admirable, et tangible dès « Hunting The Prophecy », qui entame les hostilités avec une emphase lourde et dramatique. Un peu cheap dans les arrangements, mais fier dans le rendu, le groupe se tient la tête haute et martèle une rythmique qui cavale à la MAIDEN/PRIEST, pour l’épaissir d’un riff redondant et mordant, le tout étant magnifiquement mis en valeur par le timbre sardonique et sadique d’une chanteuse qui donne tout ce qu’elle a, et interprète avec le lyrisme idoine ses personnages qu’on devine animés de mauvaises intentions. C’est probablement ce morceau qui évoque avec le plus d’acuité les tendances violentes de ZNÖWHITE, le grain d’April se rapprochant assez de celui de Nicole Lee. Mais si rythmiquement parlant, le Metal des SOUL GRINDER se montre raisonnable et évite les cavalcades sauvages, il n’en est pas moins aussi efficient en termes de puissance, comme le démontre l’hymne ultime « Kill Maim Burn », occulte comme du MERCYFUL FATE joué par un groupe de Bestial Thrash brésilien fan de THE GREAT KAT. Simple dans le fond, performant dans la forme, ce Heavy solide et traditionnel convainc grâce à une énergie et une foi indéfectibles, et surtout, à un sens de la composition moins grossier qu’il n’en a l’air.

Certes, pas de solo pointu à se mettre entre les oreilles, pas de prouesses techniques, mais un art de l’agencement faisant preuve non de finesse, mais au moins de propreté artistique. Le but du jeu n’était pas de servir un bouillon bouillant dont personne n’aurait pu distinguer les ingrédients, mais bien un pur album de Heavy Metal à tendance Thrash. Et comme je le soulignais plus en amont, toutes les tendances y passent, noircies bien sûr, et résonnent en apothéose sur le plutôt troublant « Apotheosis », d’une rage presque Death Sludge, et à l’épaisseur conséquente. Mixé et masterisé par Joel Grind, The Prophecy of Blight a donc le gros son nécessaire à l’exagération des gimmicks et figures imposées, mais ne nous prend pas pour des idiots en nous refilant des plans usés jusqu’à la corde. En assimilant ses influences et en les restituant à sa façon, SOUL GRINDER torche des morceaux tout à fait convaincants et performants, tels « Blighted Land », efficace comme du WASP reprenant du SUICIDAL TENDENCIES, ou « The Rift », qui replace le Doom traditionnel sous les feux du Sabbat. Et j’espère qu’au bout de ces trente-quatre minutes, vous craquerez vous aussi pour ce trio improbable, à la culture musicale indéniable, et au très bon goût dans le mauvais goût, qui a le talent nécessaire pour nous faire oublier cette pochette au graphisme impardonnable.   

   


Titres de l’album :

                         1. Gathering

                         2. Hunting the Prophecy

                         3. Kill Maim Burn

                         4. Lost and Damned

                         5. Blighted Land

                         6. Beasts of Chaos

                         7. Apotheosis

                         8. Thrall

                         9. The Rift

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par mortne2001 le 21/02/2020 à 17:59
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