Titans Of Creation

Testament

03/04/2020

Nuclear Blast

Chroniquer le treizième album d’un groupe qui m’a tant fait vibrer lors de ses débuts devrait être un plaisir en soi. Je me souviens très bien de l’impression que j’ai ressentie lorsque j’ai posé The Legacy sur ma platine, il y a quelques années de ça…Oh, une paille, 1987, j’avais seize ans à l’époque, des goûts musicaux pas encore assez affûtés, mais je savais déjà que ce groupe allait beaucoup compter pour moi. Sauf que cette sorte de précognition s’est vite avérée faussée tant le groupe n’a eu de cesse de me décevoir par la suite. Certes, j’en conviens, The New Order, malgré un ralentissement global méritait encore des louanges, tout comme Practice What You Preach, qui lorgnait déjà méchamment vers un Heavy Metal plus standard, mais joué par des esthètes de la basse qui claque et du riff qui marque. Mais ce que j’ignorais en 1987, c’est qu’il me faudrait attendre plus de vingt ans pour retrouver cette sensation unique, en glissant l’impeccable et monstrueux The Gathering dans ma platine CD. Et encore presque vingt ans pour en approcher les effets grâce au miraculeux et inattendu Brotherhood of the Snake, le dernier effort de la troupe, il y a quatre ans. TESTAMENT et moi, c’est donc l’archétype d’une histoire de non-amour née d’une passion déclenchée inopinément par des musiciens qui auraient pu écraser la concurrence, mais qui ont préféré se standardiser avec les années, sans jamais vraiment décevoir, mais sans enthousiasmer réellement non plus. D’ailleurs, c’est à reculons que j’ai fini par m’attaquer au cas de leur treizième album, ce Titans Of Creation à la pochette si belle que le contenu ne pouvait qu’être en adéquation. Et puis, quelques déclarations mettaient l’eau à la bouche, celle de Peterson notamment, l’année dernière à la conf’ de presse du Hellfest, qui affirmait que ce nouvel album serait plus Thrash, tout en mentionnant le nom magique de MERCYFUL FATE pour localiser l’inspiration. Mais il faut se méfier des déclarations promotionnelles qui souvent, abusent de métaphores et d’images trompeuses pour mieux vendre la soupe. Et sans être de la soupe - loin de là - Titans Of Creation n’a pas la majesté de sa pochette, malgré une envie qu’on sent grouillante, et une technique d’enregistrement et de composition qui a quelque peu bravé les méthodes modernes.

Sur le papier, une fois encore, ce nouvel album avait tout du massacre annoncé. D’abord, ce putain de line-up résistant depuis 2014, avec un quintet de légende aux commandes. Le trio d’origine Eric Peterson, Chuck Billy et Alex Skolnick, complété de deux monstres de technique à la rythmique, avec l’alpha Gene Hoglan au kit et l’oméga Steve DiGiorgio à la basse, de quoi donner des suées depuis longtemps aux fans de DEATH, SADUS, STRAPPING YOUNG LAD, DARK ANGEL et tant d’autres combos qui ont marqué l’histoire. Ensuite, cette fameuse pochette que Chuck n’hésite pas à taxer de « renaissance », signée par l’artiste Eliran Kantor, ayant déjà honoré de son trait les œuvres de SODOM, ICED EARTH, HATEBREED, SOULFLY ou encore THY ART OF MURDER. Et puis cette production in extenso peaufinée par Juan Urteaga et ce mixage confié au nouveau guitariste de JUDAS PRIEST en tournée mais gourou des consoles et ex-SABBAT Andy Sneap. Avec tant d’éléments probants en tête, aucun doute n’était permis, TESTAMENT allait nous refaire le coup de Brotherhood of the Snake et The Gathering, se souvenir de la légende qu’il fut à une époque, et mettre tout le monde d’accord. Les musiciens eux-mêmes en étaient persuadés, mais il y avait quand même quelque chose qui clochait…Car en lâchant « Children Of The Next Level » sur la toile, le groupe avait provoqué un entre-deux assez gênant dans les faits, scindant les fans en deux factions, ceux adoubant sans hésiter et les autres, plus mesurés et pondérés, ne voyant rien de particulièrement révolutionnaire dans ce morceau. J’étais moi-même resté sur mes gardes, trouvant la production trop standard (le reproche que je formule à l’encontre des réalisations modernes qui cherchent toutes la perfection mais laissent de côté la personnalité), l’inspiration pas forcément galvanisante, et le propos si commun et middle of the road qu’il en devenait irritant. Et après avoir écouté plusieurs fois in extenso ce Titans Of Creation, mon avis n’a pas changé, pis, il s’en est trouvé renforcé. Et il permet de pointer du doigt une problématique universelle et typique de notre époque, la normalisation excessive. Car en dépit de l’identité plus qu’affirmée de ce groupe et d’une poignée d’autres, on a souvent le sentiment qu’ils ne font plus qu’un, en tant qu’arrière-garde qui refuse de mourir mais qui va finir par se rendre.

Un exemple simple pour étayer cette thèse, le titre « Symptoms ». Modèle de technique précise et de brutalité maîtrisée, ce morceau est pourtant l’épicentre de la problématique. En l’écoutant, et malgré le merveilleux solo d’Alex et cette superbe partie en tierce, j’ai eu le sentiment d’écouter un nouveau titre d’EXODUS, de DESTRUCTION, d’OVERKILL, ou de tout autre ancien de la cause Thrash, tant les riffs utilisés par toutes ces références sont classiques, éprouvés, et similaires dans le fond et la forme. Cette sensation de gêne ressentie dès les premières notes de l’album a perduré, alors même que le jeu des protagonistes impliqués m’a toujours fait trembler de plaisir et rendu vert de jalousie et de désir. Alors oui, la basse de Steve claque toujours autant, mais même le jeu d’ordinaire si extraordinaire de Gene sonne ici convenu, spécialement lorsque le tempo croit. A ce moment-là, on pense clairement à EXODUS, et « False Prophet », malgré son enthousiasme et son énergie de tomber à plat, un peu comme « Into the Pit » dégonflait comme une baudruche sur The New Order. C’est évidemment et sans conteste possible excellemment bien fait, méchamment bien produit, mais la voix de Chuck, les parties rythmiques, et les guitares sonnent comme programmées par un logiciel ayant compilé les meilleurs plans du Thrash des années 80 pour les restituer genre machine midi qui recrache du thème au kilomètre, sans âme…Vous me pensez perdu pour la cause, trop vieux pour admettre que les temps changent et qu’il convient de s’y adapter ? Alors pensez que je chronique en moyenne trois ou quatre albums de Thrash par quinzaine et que j’ai suivi l’extrême depuis son émergence dans les eighties. Mes mots sont mesurés, et non pas guidés par une nostalgie du « c’était mieux avant », même si dans le cas de TESTAMENT

Il y a de bonnes choses sur cet album, de très bonne mêmes. La tonitruante mise en bouche de « Dream Deceiver » et son groove digne du meilleur MEGADETH, le parfum passéiste et subtilement occulte de « Night Of The Witch », assombri et composé par Eric. La basse traitée de Steve et l’allant général et générique de « Code Of Hammurabi », mais le tout est si calibré, millimétré, qu’on en vient à se dire que tout ça est un peu vain. Impossible évidemment de ranger Titans Of Creation dans la catégorie des plantades achevées sous peine de passer pour un crétin, mais je le concède et l’écris sans honte ni remords. Titans Of Creation m’a laissé de marbre, la première fois, la seconde fois, la dixième fois. Trop gonflé aux stéroïdes, trop long, trop prévisible, trop dans son époque. Trop, mais pas assez à la fois. Un bien drôle d’héritage…

                                   

Titres de l’album :

                        01. Children Of The Next Level

                        02. WWII

                        03. Dream Deceiver

                        04. Night Of The Witch

                        05. City Of Angels

                        06. Ishtars Gate

                        07. Symptoms

                        08. False Prophet

                        09. The Healers

                        10. Code Of Hammurabi

                        11. Curse Of Osiris

                        12. Catacombs

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 03/04/2020 à 17:58
75 %    773

Commentaires (4) | Ajouter un commentaire


Arioch91
membre enregistré
03/04/2020, 19:26:22
Les 3 précédents albums ne m'ayant pas laissé des souvenirs impérissables, je passe mon tour pour celui-ci.

Testament restera pour moi le groupe qui a pondu de belles références comme The Legacy, The New Order et Practice what you Preach et ça s'arrêtera là.

NecroKosmos
@90.32.158.13
04/04/2020, 07:44:04
TESTAMENT, c'est 'The legacy' et 'The new order'. Point final.

Wildben
@91.160.49.225
04/04/2020, 12:43:53
Et The Gathering, non?

Simony
membre enregistré
04/04/2020, 13:49:51
Ah pour moi, si ! The Gathering et Demonic même !

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45