Unhuman

Tankist

09/11/2017

Autoproduction

L’Estonie, on connaît surtout parce qu’on peut éventuellement la placer sur une carte (en gros au nord de la Lettonie et au sud de la Finlande), et parce qu’on aperçoit certains de ses artistes sur le plateau de l’Eurovision depuis 1994. Pourtant, le site de référence Encyclopedia Metallum recense pas moins de cent-quatre-vingt-quinze groupes nationaux, dont deux bons tiers encore en activité, ce qui en fait quand même un pays un minimum productif en matière de Heavy Metal incisif. Quelle est la tendance d’ailleurs, sous les frimas de la rigueur d’un climat plutôt froid ? En me basant sur mes propres connaissances en la matière, aucune idée, mais en jugeant du premier LP des locaux de TANKIST, il semblerait que le Thrash old-school ait encore de très belles nuits devant lui. Mais est-ce que celles de ce quatuor (Kevin Marks – guitare/chant, Ivo Laanelind – guitare, Henry Torm – basse, Simo Atso – batterie) sont plus belles que vos jours, passés à glander sur Internet ou à headbanguer à tue-tête en réécoutant pour la millième fois les chefs d’œuvre du cru ? Bonne question, et après quarante-deux minutes de réflexion, j’en arrive à cette implacable conclusion. Oui, les idées nocturnes de nos amis du jour sont très productives, et surtout, diablement intrigantes. Pour quelle(s) raison(s) ? La plus simple étant la meilleure, leur approche du Thrash puriste infaillible, qui transforme des compositions alambiquées en pamphlets à la gloire de la saccade et de la complexité, tout en gardant une crudité de ton et de son rappelant méchamment les précurseurs de POSSESSED et CORONER. Simple, en blindfold, une fois la galette enfournée, faites le test et essayez de vous rappeler. De vous souvenir en extrapolant de l’imputrescible Seven Churches, joué par des suisses encore au stade de l’apprentissage Death Cult, et dites m’en des nouvelles. Les similitudes ne vous troublent pas ?

Pas plus que celles partagées avec les vues psychédéliquement nuancées des BLIND ILLUSION, dont les TANKIST semblent avoir un tantinet abusé. Dans le bon sens du terme et du papier. Et celui que je m’apprête à écrire sur eux est excellent, forcément.

Mais comment les principaux intéressés voient-ils la chose ? Ainsi :

« Neuf violents morceaux de Thrash guidés par un esprit old-school, soulignant sans complaisance les travers du monde moderne, d’une violence aventureuse et rempli de pensées misérables. Ce voyage aux cent riffs marche sur la corde, restant fidèle au principe séculaire de « chansons en coup de poing dans ta gueule ». Dit comme ça, c’est assez simple, mais si la musique proposée est d’une indéniable brutalité, sa franchise reste encore à démontrer. Car les estoniens sont plutôt du genre à jouer les mouches du coche, et à éviter les débats un peu trop directs, sans pour autant tomber dans le piège de l’abstraction un peu trop cryptique. Et si les parallèles avec les groupes susmentionnés sont tous ou presque avérés, Unhuman n’en est pas pour autant le nouveau The Principle Of Doubt ou une démarcation à peine déguisée de Control And Resistance, loin de là. Les analogies sont frappantes, spécialement lorsque les instrumentistes se lâchent avec férocité, mais pour autant, les syncopes essentielles et les breaks référentiels ne pointent pas aux cartouchières absentes. Privilégiant une optique en mid qui confère à leurs morceaux une puissance diabolique, les TANKIST sont aussi adeptes de la partition chargée en triples croches et cassures de rythmes atypiques, de celles qu’on trouvait sur les LP les plus échevelés d’une décennie qui souhaitait prouver que les thrasheurs savaient jouer. Du moins, aussi bien que leurs contemporains plus portés sur le Heavy serein. Tout ceci nous donne de grands moments de densité technique et mélodique, comme le démontre assez vite l’impressionnant «The Plastic Age » qui outre des soli en flocons de neige, propose des agrémentations en équilibre assez foisonnantes et luxuriantes, dans une mouvance Thrash germain de la fin des années 80. Et pour un premier album, le ton est donné et les fauves sont lâchés. Sauf qu’avant de planter leurs griffes sous votre nez, ils calculent la vitesse de pénétration dans l’air sans l’avoir.

Mais ce qui reste le plus remarquable dans cette entreprise de démolissage, c’est ce cachet « vintage » qui pour une fois, ne donne pas seulement l’impression, mais aussi le son. On a vraiment le sentiment d’être tombé sur un LP enregistré il y a trente bonnes années, sans que des artifices de production ne viennent nous donner le change. Tout, des riffs un peu gauches au chant rauque en ébauche, en passant par les quelques approximations de placement, sonne casher, comme cette batterie matte qui agonise de ne pas bénéficier d’une profondeur plus adaptée, et qui frappe ses toms comme Ringo punissait ses peaux en veau. Il faut dire que ces quatre-là ont largement eu le temps de se faire la main, puisque si leur création ne remonte qu’à 2013, ils ont quand même pris la peine de nous proposer une démo (Mortuary, 2014) et un EP (Be Offended, 2015) avant de se lancer. Leur feeling a donc eu largement l’occasion de s’affiner, à tel point qu’il titille même le VOÏVOD des noueuses années, celles de Dimension Hätross, ce dont on se rend compte en tendant l’oreille sur le planant et lysergique « Suffo6tion », qui de son rythme lourd et de ses brisures en sortie de four nous aiguille sur la direction d’un Rock libre, rendu Thrash par sa violence en fibres. C’est sans doute aussi ça qui m’a fait rapprocher ces nordistes d’un BLIND ILLUSION de tradition, celui qui adaptait les seventies rockantes dans un cadre 80’s de Thrash en bacchantes, comme si les hippies d’hier se retrouvaient avides de bière. En fût bien évidemment, ceux que Simo Atso frappe avec véhémence, et qui s’en prennent plein le cuir lorsque les baguettes commencent à cuire (« Waste Of Bones »).

Il est franchement difficile de résister à un album en pied de nez, qui se fout complètement de la tendance, et qui joue crânement son indépendance, en adaptant la brutalité à une progression d’ambiance. Thrash progressif, l’appellation n’est pas usurpée, spécialement lorsque le chrono tourne sans s’arrêter. Ainsi, le final « I Know What You Are ! » et ses six minutes et quelques sans hasard, frappe à la porte de Kill Em’All pour voir si Dave Mustaine est encore en rogne, tout en vantant les mérites d’un Death Metal à venir. Gras et fait main comme du HEXX des nineties, méchant et vilain comme du POSSESSED pas certain de son avenir, c’est une tranche de vie qu’on prend dans la face, sans être vraiment certain de pouvoir y retrouver son latin. Accélérations plus nostalgiques qu’un solo de Larry Lalonde avant PRIMUS, sextolets qui s’acharnent sur le cadavre de SATAN/BLIND FURY, tout en louchant sur la dépouille encore chaude de LIVING DEATH, pour un Heavy Thrash bancal et tout sauf binaire qui nous envoie en l’air. Agressif mais musical, brutal mais allusif, la tendance est au rétro que l’on scrute sans repos, et qui nous conseille de choisir la mort, plutôt qu’un combat mené à tort (« Choose Death », encore un truc léger, le cul entre deux chaises et qui laisse ses déjections Psycho-Thrash sur le plancher). Un OVNI ? Oui, mais pas que, et plutôt un truc frais entre deux révérences un peu rances. Inutile de douter de la passion et de la bonne foi de musiciens sans loi, puisque Unhuman, tout en restant largement perfectible, à ce je-ne-sais-quoi d’imprévisible et hors du temps qui met en émoi. Un premier album qui sent le nord, mais aussi l’Allemagne et les USA, et qui de sa naïveté mâtinée d’ambition et de complexité nous laisse hébété. Mais une réussite, pour le moins, et l’occasion de se souvenir que l’Estonie, c’est pas si loin…


Titres de l'album:

  1. Just Another Union
  2. Choose Death
  3. Miserytomb
  4. The Plastic age
  5. Suffo6ion
  6. Waste of Bones
  7. Godspear
  8. Conveyor Care
  9. I Know What You Are!

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par mortne2001 le 28/11/2017 à 17:35
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