Wolves at the Door

Nequient

18/05/2018

Nefarious Industries

Tout comme n’importe quel style musical extrême actuel, le Hardcore subit une mutation depuis quelques années. Exit les accolades simples et autre complicité de pit, exit les riffs bien rock n’roll pour faire bouger les foules, et bonjour le métissage, symbole d’ouverture, mais aussi de densification du propos. Sans parler de Crossover, bien que le principe soit au centre des débats, on peut résolument affirmer que les excroissances classiques de la dégénérescence violente se sont fait une place au cœur des attitudes, et représentent maintenant des composantes essentielles de la brutalité underground. En témoigne des albums qui sortent de semaine en semaine et qui brouillent de plus en plus les pistes, un peu comme si un docteur Frankenstein de l’horreur musicale se livrait à des exactions encore plus condamnables sur les cadavres putrides des idées préconçues d’hier. On parle de Crust, de D-beat, de Mathcore, de Sludge et Sludgecore, de Grind, et le tout est tellement amalgamé dans un creuset d’idées qu’on a beaucoup de mal à faire la différence entre un groupe de Hardcore classique, et un groupe de Metal extrême dans le sens le plus large du terme. Et le premier album de ces originaires de Chicago, Illinois ne nous aidera certainement pas à cloisonner les genres et les approches, puisqu’il utilise lui aussi tous les codes à sa portée pour se montrer plus disert que la moyenne. De là, les questions d’affiliation n’ont plus vraiment d’importance, lorsque la musique parle d’elle-même un langage pluriel, ne menant qu’à une communication possible. La brutalité, la liberté, et la possibilité de s’extirper d’une condition un peu trop figée.

Quatuor typiquement américain qui pourrait se vouloir européen, les NEQUIENT jettent un nouveau pavé dans la mare avec leur premier long Wolves at the Door, qui doit certainement envisager ces mêmes loups comme autant de prédateurs affamés par une crédulité globale leur permettant d’imposer leur esprit de meute. Affichant un palmarès fameux alors même que le plus grand dénominateur commun n’a probablement jamais entendu parler d’eux, les NEQUIENT n’en capitalisent pas pour autant sur quelques noms célèbres pour se faire une place à l’ombre, même si l’aspect technique de leur premier long a de quoi laisser rêveur. Enregistré par Pete Grossmann au Bricktop Recording (WEEKEND NACHOS, IMMORTAL BIRD, DISROTTED) masterisé par le wizard Brad Boatright aux Audiosiege (INTEGRITY, ALL PIGS MUST DIE, FULL OF HELL), et orné d’une pochette signée par M.G. Miller (BONGRIPPER, LORD MANTIS, SICK/TIRED), Wolves at the Door utilise une base de Mathcore et de D-beat pour tisser un canevas de brutalité sonore sans pitié, et signe par la même occasion l’un des manifestes les plus brûlants de cette fin de premier semestre 2018. Chris (batterie), Jason (chant), Keenan (basse) et Pat (guitare) se reposent donc sur une technique instrumentale rodée à l’effort, et leur look d’étudiants en lettres se préparant pour un festival quelconque joue en leur faveur, et accentue l’effet de surprise causé par un LP qui sans vraiment sortir des sentiers battus actuels, nous prend à revers de ses pulsions les plus immédiates. Et si chacun affiche une belle santé à son poste, il convient d’admettre que l’un des quatre acteurs de cette première poussée a de quoi donner des sueurs froides à tous ses compatriotes qui confondent encore percussions et utilisation d’un métronome à tabouret.

Chris Avgerin est le genre de batteur qui permet à ses acolytes de laisser divaguer leur inspiration. Son pouvoir tentaculaire et son souffle sans limite autorisent toutes les figures les plus acrobatiques, les breaks les plus impromptus, les accélérations les moins abordables, et les cassures les plus nettes. Sur certains morceaux, on se demande même si l’improvisation n’est pas de mise, tant les fills semblent remplacer le beat habituellement figé et solide, sans pour autant faire sombrer le navire dans un chaos de raz-de-marée à inonder les côtes Hardcore. Car c’est bien de Hardcore dont il est question ici, mais d’un Hardcore moderne, glauque, surpuissant, sans gêne ni frontières, et qui peut prendre la forme d’un Sludge vraiment maladif ou d’un Grind typiquement névralgique, le tout au sein d’un même contexte sombre et pourtant enivrant (« On The Day Of Execution », l’un des titres les plus progressifs du lot). En partageant son timing entre interventions courtes, lapidaires et parfaitement bruyantes, les NEQUIENT nous font le coup célèbre de la centrifugeuse pour pilotes d’élite, balançant les G pour mieux éprouver notre système nerveux et notre physique lors d’embardées une fois encore menées tambour battant par un Chris Avgerin en totale roue libre sur son kit (« Roi »). Pas étonnant dès lors de trouver le temps très court en leur compagnie, tout en admettant que cette brièveté est justement l’un des atouts les plus remarqués.

Et pour bien marquer cette différence, pour bien prouver qu’ils sont une autre engeance, beaucoup plus véhémente et aux intentions certainement moins complaisantes, les musiciens de l’Illinois nous brossent un portrait d’influences disparates, mais qui gardent en commun ce goût de la provocation extrême. CONVERGE, NAPALM DEATH, AMEBIX, DISFEAR, PIG DESTROYER, DISRUPT, BOTCH, VICTIMS, MELVINS, OBITUARY, EYEHATEGOD, DOOM, SKITSYSTEM, DARKTHRONE, ENTOMBED, BLACK BREATH, NAILS, METALLICA, BECK, autant de noms qui je vous l’assure ne sont pas cités au hasard, et qui couvrent un spectre global d’inspiration concrète. Le Math des DILLINGER en plus, mais en filigrane, la tendance des CONVERGE à manier les nuances avec insistance, la grossièreté brutale des NAILS, l’endémie de la scène Crust/D-beat suédoise, et puis finalement, tous les aspects les plus bruyants et choquants utilisés dans un contexte pas si facile à baliser qu’il n’en a l’air. Alors, on utilise mais on n’abuse pas du feedback, on plombe soudain le climat d’une décélération dantesque et glauque (« Screaming Across The Sky »), on met un joli coup de rein pour s’approcher de la fin (« Blast Beats and Cocaïne »), et on découpe la partition pour mieux la recoller dans un drôle d’unisson dissonant (« Coins For The Ferryman »). Et les loups finalement, finissent par franchir la porte, et rentrer dans une cour intérieure de folie ambiante qui leur fera peur. A moins que nous ne soyons les loups, nous fans d’un Hardcore qui ose piétiner les frontières pour imposer sa liberté. A moins que les loups finalement soient les NEQUIENT. Mais il m’étonnerait beaucoup que ces jeunes gens prennent la peine de frapper à une porte quelconque. Non, ils préfèrent les enfoncer, comme les idées reçues.   

                                       

Titres de l’album:

                      1.Scorcher

                      2.ROI

                      3.Cult of Ignorance

                      4.Screaming Across the Sky

                      5.Mammon and Moloch

                      6.Cat’s Cradle

                      7.On the Day of Execution

                      8.Kakistocracy

                      9.Blast Beats and Cocaine

                     10.Coins for the Ferryman

                     11.The Devil’s Party

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 13/06/2018 à 18:05
85 %    620

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45