Micaël Pichet est mort hier. Pour beaucoup, cette nouvelle n’aura aucune importance, le nom même de cet homme n’évoquant rien. Mais pour beaucoup d’autres, c’est plus qu’un simple musicien qui est parti ce lundi funeste, c’est une légende. Amusant de constater que celui qu’on présentait sous le pseudo de Mickey Maouss aurait certainement détesté ce mot, ne s’estimant pas au-dessus des autres, et ne s’imaginant certainement pas icône intouchable de la scène française. Pourtant mon cher Mickey, aussi humble étais-tu, c’est bien ce que tu incarnais pour nous autres, qui avons eu la chance de te connaître, ne serait-ce que pour quelques instants. Je t’avais rencontré plusieurs fois à l’occasion d’expositions à la Cantada, et tu m’avais toujours accueilli de la même façon, avec le sourire, ce sourire malicieux qui illuminait ton visage trompant si facilement le poids des années et de l’expérience, qu’on ne pouvait qu’être jaloux. Et pour cause, tu n’avais pas vécu comme tout le monde, et tu avais vécu cent vies. Tu avais connu la scène Punk française, fait partie des BERU avant qu’ils ne le soient dans les faits, puis monté un autre groupe dont je vais parler, avant de devenir acteur fondamental de la scène live parisienne avec tes assos Paris-Bars-Rock et Warhead Productions. Tu étais le type même de passionné qui n’avait cure des glorioles à deux sous, tu n’étais pas le genre de héros à se gargariser d’hagiographies qu’il avait lui-même commandité, ou à plastronner en affichant un t-shirt « meilleur interprète de Ziggy selon Michel Berger lui-même et pionnier visionnaire de la scène Hard française » comme d’autres mirliflores qui n’ont de palmes académiques que celles qu’ils s’attribuent eux-mêmes. Non, toi ce qui t’intéressait, c’était le partage, l’amitié, le soutien, cet esprit qui t’avait animé dans les années 80 et qui avait fait de toi ce que tu étais. Un pote, un ami, un homme aussi érudit qu’humble, et toujours prêt à trinquer en l’honneur du Rock.
En apprenant cette triste nouvelle hier, j’ai fait ce que beaucoup de mes amis et relations ont fait, immédiatement et sans réfléchir. Je suis allé fouiller dans mes étagères pour en ressortir ce petit chef d’œuvre que tu avais eu la bonne idée de graver avec tes potes en 1991, 38'48" Regeneration. A l’époque hurleur en chef de M.S.T, tu t’étais permis avec ta bande d’enregistrer l’un des meilleurs albums de Thrash/Crossover de la fin des années 80, même si le LP en question ne vit le jour qu’en 1991 via Jungle Hop. Après tout, le répertoire était déjà là, les démos nombreuses, le parcours conséquent, et c’est par centaines que nous avions acheté il y a presque trente ans ce pamphlet virulent et insurpassable, qui aussi étrange que ça puisse paraître, n’a absolument pas vieilli. Alors que beaucoup de vos homologues à l’époque s’orientaient déjà vers un Death plus à la mode, M.S.T gardait le cap sur un Metal teinté de Punk et de Hardcore, et se rapprochait des potes de NOMED, un autre groupe de passionnés qui nous a terriblement manqué après la débâcle des nineties. Cher lecteur, ne t’y trompe pas. Mes mots ne sont pas guidés par l’émotion, même si celle-ci est indéniable et palpable. Si j’avais du rédiger cette même chronique en temps et en heure, l’impression eut-été la même, et pour cause, puisque cet unique album longue-durée est une petite bombe parvenant à conjuguer plusieurs univers en même temps. Il synthétisait en effet l’effervescence d’une scène française découvrant depuis la seconde moitié des eighties cette brutalité venue des USA et d’Allemagne, l’esprit libertaire de la vague alternative et de l’éthique DIY, mais aussi tout le décorum américain de New-York et Boston, le tout en moins de quarante minutes, avec une énergie à décoiffer tous les moshers de la terre.
D’ailleurs, la pochette de l’album en question jouait franc jeu, avec ce semi-remorque de l’enfer rappelant les post-ap des années 80. Une machine infernale roulant pleine bourre, et illustration parfaite d’une musique ne supportant aucune baisse de régime ni d’intensité. Doté d’un son gigantesque et inspiré des efforts les plus métalliques de SUICIDAL TENDENCIES ou LEEWAY, magiquement produit et enregistré par Stephan Grujic au Masterplan studio, 38'48" Regeneration était et est toujours une bombe à fragmentation dévastant tout sur son passage, et l’osmose ressentie par quatre musiciens à un moment T de leur carrière. Je parle évidemment de Mickey dont la voix rauque proche de celle de Tanguy de NO RETURN et les mots acérés sont le centre de mes propres débats, mais un album de cette trempe n’est pas que le talent d’un chanteur, il est aussi celui d’instrumentistes au sommet de leurs capacités. Avec une rythmique nucléaire en duo Amédée/Edgar qui envoie du bois mais sait aussi aménager des espaces de percussion plus posés, et J.P à la guitare qui tronçonne ses riffs comme si sa vie en dépendait, M.S.T balance la sauce pendant un peu plus de trente-huit minutes, comme l’indique le titre même de l’album. Un disque équilibré, la plupart du temps constitué de ruades crossover unissant la rage des CARNIVORE et la fluidité fun des S.O.D, pour produire un mélange explosif et toujours d’actualité, à l’heure où la vague nostalgique n’a de cesse de piller les coffres des aînés pour remplir ses propres portefeuilles. Justement, cet album est une mine de plans à repiquer pour les refourguer à peine modifiés, tant les originaux sont imbattables. Et dès « Think About It » et son riff pachydermique accélérant à la WEHRMACHT de Shark Attack, tout est dit ou presque, et la messe sera raide entre les fesses. Pourtant, ce premier morceau n’est pas le plus virulent de la troupe. La palme revient sans doute au lapidaire « Misanthropy », pur produit de l’école Thrashcore US, qui enrage sur à peine une minute et une seconde sa haine de la normalité.
Difficile de piocher dans cet album un morceau plutôt qu’un autre, puisque c’est l’archétype du LP qui se mange comme une mandale, d’un coup sec derrière les oreilles. Il n’est pas difficile en l’écoutant, même aujourd’hui, d’imaginer la boucherie live qu’était le groupe sur scène, spécialement lorsqu’on digère « Ultime Cadeau », au texte français d’une précision redoutable. Quelques surprises constellaient quand même l’effort, témoignant de l’esprit d’ouverture des musiciens. Ainsi, le très chaloupé « Discorde » osait une intro funky avant de tout débourrer façon Thrash/Hardcore, « Get Out » tentait une intro noisy avant de rentrer dans le lard Hardcore avec une franchise à la MINOR THREAT, mais en tout cas, tout sentait la spontanéité et la joie de jouer une musique viscérale mais joyeuse, à l’image de ce final enthousiaste et brutal « Highway Danger », parfaite conclusion d’une séance de slam endiablée. Trente ans plus tard, cet album n’a pas pris une ride. Evidemment, l’accent anglais de Mickey était assez frenchy, et ceux ayant connu cette scène émergente à l’époque n’y trouveront que leur bonheur, alors que la génération actuelle pensera sans doute que la nostalgie des quinquas joue un rôle important dans la subjectivité du jugement. Mais franchement, aujourd’hui, je me cogne des querelles de clocher, et cette chronique n’a qu’un seul but. Remercier un musicien unique, dire au-revoir à un homme qui nous a tant apporté, et souligner une dernière fois ses propres mots : « S’il faut mourir, vaut mieux d’une main amie, que d’un bourreau étranger ». Mickey, je ne sais rien de ta mort et ça ne me regarde pas. Mais je ne doute pas qu’en ce dernier instant, tu étais entouré de gens qui t’aimaient.
Adieu l’ami.
Titres de l’album :
01. Think About It
02. Ultime Cadeau
03. Indifférence
04. Parasites
05. Misanthropy
06. Place Your Order
07. Les Encéphalophages
08. Get Out
09. Maximum Extermination
10. Discorde
11. Claustrophobie
12. Highway Danger
Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)
16/09/2020, 22:12
16/09/2020, 21:49
15/09/2020, 22:30
15/09/2020, 22:06
gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)
11/09/2020, 12:32
Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???
11/09/2020, 10:59
Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)
11/09/2020, 08:04
Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...
11/09/2020, 07:25
Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)
10/09/2020, 21:27
Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)
10/09/2020, 11:22
J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)
10/09/2020, 11:18
L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.
10/09/2020, 09:45