A Fleur de Peau

In Shadows And Dust

21/12/2017

Autoproduction

Il n’y a pas que les allemands, les sud-américains et les polonais qui soient des cadors en Black Death vintage et sans pitié. Nous avons aussi en notre beau pays des valeurs sûres du créneau, qui jouent crânement leur carte, sans se soucier des voisins, et qui depuis quelques années alignent les albums parfaits méritant largement une extraction des ténèbres dans lesquelles ils sont plongés. C’est le cas du one-man-band IN SHADOWS AND DUST, fondé en 2014 du côté de Saint-Germain-en-Laye, et mené de gant de fer par le multi-instrumentiste Stéphane Thirion. Influencé par une myriade de combos variés qu’il se plaît à citer sur sa page Facebook (GRAVE, DISMEMBER, ENTOMBED, NIGHT IN GALES, IN THY DREAMS, GATES OF ISHTAR, THE EVERDAWN, WITHERING SURFACE), ce musicien autodiscipliné fait preuve d’une extrême rigueur dans son travail, sanctionné jusqu’à lors de deux albums longue-durée (Soul Crusher en 2015 et Messe Noire en 2016), production aujourd’hui augmentée d’un troisième LP au titre assez évocateur et contradictoire d’A Fleur de Peau, qui d’un côté, hérisse les sens de son approche formellement classique, et qui de l’autre fait fi de toute émotion pour se vautrer dans un Black à tendance Death parfaitement barbare et cruel. Dualité intéressante donc que cette troisième voie, pas forcément diplomatique, mais salement épidermique qui a dû exiger de son auteur une somme de travail conséquente, tant ses pistes sont travaillées et léchées pour ne sonner ni propres ni trop modernes, sans tomber dans le passéisme vulgaire et sans intérêt.

Pourtant, l’homme partage des vues avec certains grands anciens, qui n’étaient pas non plus particulièrement portés sur l’empathie et l’euphorie musicale. On sent toujours dans sa musique des éléments inhérents au BATHORY le plus rudimentaire, ainsi que quelques allusions au IMPALED NAZARENE d’enfer, le tout dilué dans des mélodies éphémères qui permettent aux chansons se respirer, et de ne pas s’étouffer dans leur propre vomi de pénombre. Il n’est évidemment pas interdit non plus de noter des réminiscences de la monstrueuse scène Death scandinave, spécialement lorsque les riffs s’assombrissent et s’épaississent, ce qui aboutit à un mélange détonnant de puissance, suggérant un retour en grâce de l’ENTOMBED le plus disgracieux à la vilénie augmentée d’une rythmique nucléaire et Crust (« Slay »). En gros, un énorme melting-pot empruntant à divers courants leurs aspects les plus symptomatiques et nauséeux, pour provoquer un double sentiment d’attirance-rejet, fonctionnant à divers niveaux, mais atteignant son but sur chaque plan. La logique dans la continuité du travail est patente, et chaque nouveau témoignage d’IN SHADOWS AND DUST est un pas de plus vers la perfection de l’imperfection, l’homme ne cherchant surtout pas à fédérer, mais plutôt à attirer dans ses filets les plus déviants des fans de Metal extrême. Et il y parvient sans problème, en variant les tempi, en digressant sur des riffs classiques, ou en laissant la basse aux avant-postes pour soudainement exploser d’une tempête de blasts gelés (« Take My Soul », mais elle est déjà damnée). La voix de Stéphane est toujours aussi rauque et raclée, et nous remémore les débuts de la scène BM nordique, particulièrement lorsque l’instrumental se met au diapason de la violence et de la rigidité cadavérique des guitares (l’intro diabolique de « Hate », qui en effet persuade de sa misanthropie sans forcer), ou que le concepteur avoue des perspectives noyées dans les ténèbres les plus figées (« All Is Black », limite Techno-Death Black par instants, mais résolument méchant).

La force du projet réside toujours dans cette faculté de nous écraser les sens d’une attaque ininterrompue de brutalité, tout en modulant les thématiques pour ne pas lasser. Cette conception s’articule autour de changements de rythmes incessants, qui loin de handicaper l’écoute ont plutôt tendance à la dynamiser, alors que le tronçonnage infernal des guitares ne semble marquer aucun temps mort (« Empty World »). Il est certain que l’ambiance se dégageant de l’ensemble pourra laisser de marbre les plus exigeants, qui attendront plus qu’un simple déferlement de haine, et qui se montreront aussi agacés par des passages harmoniques qu’ils trouveront hors contexte, mais on ne peut qu’être admiratif face à la culture extrême d’un homme qui synthétise tout ce que le Metal à de plus noir et véhément pour créer un monde aux contours tranchants (« Falling Into Shadows », ou comment réconcilier MARDUK et PESTE NOIRE autour d’un banquet Death N’Roll). Aucune baisse d’intensité à noter, bien au contraire, l’album avançant à pas menaçants, se voulant de plus en plus lourds et concassants (« Mind War »), aucune baisse de régime non plus à craindre du côté de l’inspiration, qui profite d’un timing savamment mesuré pour éviter la redite et les citations lassées. Et lorsque l’homme se pare d’atours Heavy, on sent la peur s’immiscer dans les débats, avant qu’une fois encore, la batterie ne s’envole vers des enfers Black/Crust aux BPM multipliés (« Guillotine »). La profession de foi est si sincère que Stéphane termine sur un ultime aveu de noirceur, concédant que les abimes ont envahi son cœur (« Black Heart » et ses passages en double dignes d’un BEHEMOTH en rupture de haine).

Difficile à l’écoute d’A Fleur de Peau de croire qu’un seul homme soir responsable de tant de chaos, ce qui démontre qu’il vaut mieux l’être que mal accompagné. On imagine d’ailleurs assez mal quel besoin Stéphane aurait de s’entourer de comparses alors même qu’il gère tous les secteurs de jeu avec un brio indéniable, et qu’il poursuit sa course en solitaire sans jamais ramer. Un album aussi noir qu’une nuit sans lune, qui nous perd aux frontières des univers Death et Black, sans jamais choisir son camp, mais sans trahir non plus l’un ou l’autre. Abrasif, persuasif, brutal et pourtant façonné, ce troisième LP place le projet sur orbite, et surtout, au rang des plus grands créateurs d’un genre qui n’en est pas vraiment un, mais qui n’a pas besoin d’étiquettes pour exister hier comme demain. Belle réussite, qui laisse des stigmates sur la peau, pas de celles qui annoncent des miracles à venir, mais plutôt l’arrivée d’un nouveau fléau, contaminant l’humanité d’une peste sonore sans remède.


Titres de l'album:

  1. A Fleur de Peau
  2. Hate
  3. Betrayal
  4. All Is Black
  5. Falling Into Shadows
  6. Slay
  7. Take My Soul
  8. Empty World
  9. Storm of Revenge
  10. Mind War
  11. Guillotine
  12. Black Heart

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par mortne2001 le 11/01/2018 à 14:47
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