A Long Eternal Fall

Comity

26/05/2017

Throatruiner Records

« Notre plus grande gloire n’est point de tomber, mais de savoir nous relever à chaque fois que nous tombons »

(Confucius).

Admettons donc ce postulat comme règle de vie. Les blessures, les doutes, les heurts, les cris, les larmes, les problèmes, les réflexions, les équations insolubles, le manque de perspectives.

Et si l’existence s’apparente à un apprentissage de la conduite à vélo alors même que nous savons à peine marcher, alors assumons que même à un âge avancé, nous risquons encore et toujours de tomber, si nous avons un jour accepté d’enlever ces roulettes qui nous maintiennent en équilibre.

La chute, éternel recommencement, mais aussi, éternel malaise qui nous blesse, comme tout ce qui peut nous arriver entre notre naissance et notre mort, à partir du moment où nous avons choisi de ressentir.

Mais peut-on vivre sans ressentir ?

Et surtout, question essentielle. Peut-on vivre en acceptant cette irrémédiable vérité qui consiste à accepter que ce chemin tracé n’est qu’une longue descente vers la dégénérescence, la déliquescence, la vieillesse, et la perte des moyens ?

D’autres choisissent plus ou moins leur propre chemin et le dessinent avec des couleurs de richesse, mais leur finalité reste la même. Mourir, un jour ou l’autre, peut-être lorsqu’ils s’y attendent le moins. Mais vivre au moins, et faire le plus de bruit possible pour témoigner de notre passage.

Lorsque l’ombre COMITY a plané pour la première fois au-dessus de moi en 2006, j’ai tout de suite compris qu’elle était de celles qui assombrissent le paysage pour toujours. Que c’était une gigantesque forme cachant le soleil, mais pas sa chaleur intense.

Je m’en souviens, j’avais écouté leur As Everything Is Tragedy en me disant que finalement, même cruelle et assourdissante, la vie était la plus belle mélodie, même lacérée de dissonances et de coups de reins rythmiques indécents.

Je m’étais aussi dit, beaucoup plus prosaïquement que nous tenions là un groupe unique, métaphore de tout ce qui pouvait nous entourer et qui effectivement transformait la moindre petite impression en tragédie personnelle, un peu comme si cette putain de vie n’était qu’une pièce de Shakespeare. Et au fur et à mesure des années passées, au fur et à mesure de leurs absences, j’avais fini par comprendre que les Français n’étaient qu’une métaphore sur un oracle d’infortune revenant de temps à autres nous transmettre la parole prophétique d’un destin bruitiste que personne ne pouvait éviter, une fois confronté à lui et accepté son essence. Pourtant, loin d’une Pythie d’infortune, les Parisiens s’apparentaient plutôt à une figure fantomatique, celle des noëls passés, présents et à venir, que nous fêterions avec un unique cadeau, leur présence, et leurs albums. Et même si le mois de mai ne s’apparente en rien à celui de décembre, il faut reconnaître qu’une fois de plus, COMITY nous fait un sacré présent avec ce A Long Eternal Fall qui ridiculise tous les autres cadeaux qu’on a pu déposer sous le sapin de notre critique bienveillante.

Enregistré live par Fred Rochette aux P.N.F studios, mixé et masterisé par lui-même et le groupe, qui s’est aussi chargé de l’artwork, sur des idées graphiques de Francis Passini et des dessins de Peggy Le Guern, A Long Eternal Fall est la confirmation sonore ultime que les COMITY ne feront jamais rien comme tout le monde. C’est ce qu’ils s’ingénient à nous prouver depuis plus de vingt ans, mais admettons que cette fois encore, ils ont atteint une sorte de point de non-retour qu’ils seront les seuls à pouvoir dépasser…dans quelques années. Ces années justement, passées à se séparer, à se retrouver, dans des configurations différentes (Nico – batterie/chant, François – guitare, sitar, chœurs, Yann – guitare, saxo, chœurs et Thomas – basse, textures et chant principal), à arpenter les scènes aux côtés des CONVERGE, THE DILLINGER ESCAPE PLAN, CAVE IN, TODAY IS THE DAY, TERROR, DAUGHTERS, KEELHAUL, JARBOE, GOJIRA, DAGOBA, NOSTROMO, les ont formés, déformés, pour les transformer aujourd’hui en une entité unique, sorte de Golem façonné de mains d’hommes qui refusent la mort comme fin d’une vie musicale qui n’a de toute façon pas d’autre raison d’être que de repousser sans cesse les limites.

On pensait qu’ils en avaient pourtant atteint quelques-unes lors de leur dernier effort il y a six ans, ce qu’ils semblaient affirmer avec ce titre en faux clin d’œil, The Journey Is Over Now.

Sauf que le voyage n’est jamais fini, il continue simplement sous une autre forme, toujours plus effrayante, toujours plus bruitiste, toujours plus inclassable.

Je plains d’avance le malheureux qui tentera de mettre des mots sur la science de déconstruction des Parisiens. J’ai moi-même essayé, en parlant de Post Mathcore, d’Extreme Metal, mais aucun de ces labels n’est assez précis ou honnête pour baliser le terrain découvert par les huit pistes chaotiques de ce A Long Eternal Fall. Il aurait pu à la rigueur s’appeler A Long Eternal Nightmare, tant ses accents chaotiques nous font rentrer dans une autre dimension, celle ou la cohérence prend un autre sens, et où la puissance est sans cesse démultipliée pour atteindre des sommets jamais tutoyés par les PRIMITIVE MAN, par CONVERGE, NAILS, ou autres GAZA.

Jamais approchés non plus par les DILLINGER, trop précieux dans la violence, ni par les THROES, encore moins par les COILGUNS ou les TOMBS, trop radicaux.

A vrai dire, seuls les COMITY sont encore capables de respirer à de telles hauteurs vertigineuses, qui la plupart du temps, annoncent une descente inévitable, en forme de rappel, ou de…chute.

Comme d’habitude décomposé en chapitres sans titre, ce quatrième album se détache de la masse en accentuant la vilénie de rythmiques instables qui frappent et frappent sans cesse, la puissance malsaine de guitares dont le manche brule à chaque stagnation sur un thème, et l’exhortation d’un chant qui n’a plus rien d’humain depuis très longtemps. Les harmonies sont quasiment bannies, à l’exception de celles que l’on trouve sur la longue suite « VII », rachitiques et anémiés, mais se battant pour continuer de respirer sous les coups de boutoir d’un ensemble terrifiant de violence.

Mais quoiqu’il en soit, des power-chords suintant de « I » au déchaînement d’outrance final et presque Post Black de « VIII », COMITY est toujours COMITY, ce comité inclassable d’arythmiques anonymes et d’atonaux associés, qui ont un jour décidé de repousser toutes les barrières, au risque de tomber dans la complaisance ou dans le ridicule, qui comme on le sait rend plus fort s’il ne tue pas.

Et de fait, A Long Eternal Fall ne s’expliquera pas plus que ses prédécesseurs en une simple chronique lénifiante de vague, laconique dans les termes, et faussement elliptique dans le fond. Puisque le quatuor parisien est tout sauf elliptique. Il montre la réalité dans toute sa cruauté. A vous de savoir si vous pouvez y faire face ou non.

Le voyage glisse, les perspectives s’amoindrissent, le futur est encore plus incertain aujourd’hui qu’en ce beau jour de 2006, lorsque j’avais fait leur connaissance, presque par hasard. Nous avons tous pris dix ans depuis. Mais que voulez-vous…

« Une petite impatience ruine un grand projet » (Confucius).

Et les COMITY prennent leur temps pour dessiner le leur…Entre deux urgences fulgurantes.


Titres de l'album:

  1. I
  2. II
  3. III
  4. IV
  5. V
  6. VI
  7. VII
  8. VIII

Site officiel


par mortne2001 le 25/05/2017 à 14:24
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