À Travers Les Lambeaux

Shezmu

29/07/2020

Krucyator Productions

Quelques nouvelles de nos cousins canadiens, et autant dire qu’elles sont aussi bonnes qu’effrayantes. On connaît le potentiel de nos amis depuis les années 80/90, leur scène BM faisant partie de la crème de la crème de l’underground, mais aussi leur capacité à amalgamer toutes les tendances pour faire tomber les barrières et brouiller les styles. Et à ce niveau-là, il semblerait que le pays ait trouvé un représentant hors-normes en SHEZMU, qui sous des atours de Death Metal joué Black, nous propose une première œuvre à la beauté macabre formelle et à la pluralité fascinante. Fondé en tant que duo à Montréal en 2016 par Marc-André Labonne (batterie) et Olivier Bérubé Emond (chant/guitare), SHEZMU a d’abord pris son temps pour mettre ses arguments sur la table, publiant patiemment quelques démos et EP, accueillant au passage en 2018 Yannick Tremblay-Simard à la basse. C’est ainsi que nous avons pu découvrir cette musique étrange aux textes ésotériques et fascinés par la mythologie égyptienne, au travers des pistes de The Scent of War et Breaching the Tomb, deux EP’s lâchés en 2018. Mais alors que nous étions sans nouvelles du trio depuis deux ans, À Travers Les Lambeaux et son baptême francophone nous heurte de plein fouet, prouvant que l’entité maléfique a encore beaucoup de choses à dire. En effet, dans les faits, ce premier album fait partie des plus maîtrisés d’un genre qui reste encore à définir, à cheval entre Blackened Death, Doom, Black pur et Death sombre et sourd, soit la quintessence de la violence la plus crue, aménagée avec une intelligence rare. Loin de charger comme des mules et d’ouvrir le sarcophage au pied de biche, les canadiens se proposent de nous inviter à un voyage aux confins du fantastique et de l’horreur, et de mixer en musique les influences de Lucio Fulci et Tobe Hooper. La comparaison peut sembler complexe à appliquer à une œuvre musicale, et pourtant, dès les premières mesures de « À Travers Les Lambeaux », on comprend que la cruauté instrumentale et la laideur vocale vont cohabiter dans un ballet de cruauté étourdissant.

Enregistré, mixé et masterisé entre la Californie de la Bay-Area et Montréal, avec l’aide de Simon Petit et Daniel Cornejo, flanqué de la peinture « La Tortura De Prometeo » de Salvator Rosa adaptée par Dan Yang, À Travers Les Lambeaux est un disque très riche, foncièrement brutal, entièrement viscéral, et totalement hypnotique. Sans vraiment bousculer leur formule, les canadiens l’ont adaptée au format longue-durée, proposant même un interlude acoustique de toute beauté, aux sonorités orientales et interprété par Matthew Clark. Loin de se vouloir simple démarquage des deux premiers formats moyens dans un métrage élargi, ce premier album étonne de sa maturité incroyable, et détonne clairement dans l’ambiance old-school de la production actuelle. Si le groupe n’hésite pas à invoquer quelques noms dans sa bio (INCANTATION, BOLZER, PSEUDOGOD), leur identité est si forte qu’elle se dispense aisément de comparaisons, même si l’on trouve évidemment de lourdes traces de l’héritage BM national dans les passages les plus appuyés, et de l’ADN canadien dans cette propension à l’expérimentation, qui ne se formalise pas au détriment de l’efficacité. Capables d’imposer un riff purement Thrash dans une atmosphère de Blackened Death, se rapprochant parfois des DARKTHRONE pour clamer leur fascination de MORBID ANGEL, défiant la lourdeur et l’oppression d’INCANTATION tout en acceptant l’aération d’un GORGUTS, SHEZMU est en quelque sorte une synthèse parfaite de tout ce que l’underground compte de plus agressif, violent, moite et maléfique, comme le démontre parfaitement le monstrueux « Les Secrets des Ziggourats ». L’alternance est la clé de ce premier album, une alternance qui joue avec le tempo, avec l’épaisseur des riffs, et bien sûr, avec la dualité vocale qui s’écarte des sentiers battus avec flair. Le chant d’Olivier Bérubé Emond n’est pas seulement grave et enterré dans le mix comme la voix d’un défunt errant dans les limbes, mais aussi hystérique dans les arrangements, ce qui confère une aura de folie patente à tous les morceaux, qui profitent aussi d’un nombre conséquent de plans instrumentaux.

Parvenant sans peine à unir dans un même souffle rauque les épures de l’écurie Iron Bonehead et les exactions de leur label français Krucyator Productions, SHEZMU se montre terriblement à l’aise avec son art multi-couches, et même les titres les plus brefs donnent le sentiment d’être l’addition d’une somme d’idées conséquente. Ainsi, le diptyque « Les Secrets des Ziggourats » / « L'Arrivée Des Temps Déchus », intelligemment placé en fin de parcours donne un sentiment d’unité alors que les deux morceaux ont des thèmes différents, et nous prépare à la dernière et longue attaque « Lex Talionis », loi du talion qui condamne les faiseurs, les copieurs et autres nostalgiques indécrottables à voir leur existence raccourcie par le jugement de trois artistes parfaitement en phase avec la créativité de leur époque. En choisissant de ne pas choisir, les canadiens nous offrent un festival de savoir-faire, utilisant les codes du Doom, du Sludge parfois, du Death bien sûr, et du Black pour construire une pyramide de démence musicale nous entraînant très loin dans l’espace-temps. Le leur est d’ailleurs différent, et les musiciens se jouent des époques et des modes, se montrant parfois allusifs aux créatives nineties, avant de revenir vers un nouveau siècle excusant l’underground de ses idées les plus folles et bruitistes. On en arrive à un point où tout classement, tout étiquetage est inutile, À Travers Les Lambeaux prenant des airs d’observation de la scène globale au travers du linceul déchiré du conformisme.

Poétique dans la violence, bouillonnant dans la véhémence, ce premier album est le parfait prolongement des deux premiers EP’s, et prouve que SHEZMU a parcouru un sacré chemin depuis ses débuts. Refus de la facilité, aisance dans la création d’espaces pour arrangements cauchemardesques, plénitude du son qui évite les interstices trop prononcés, et le bilan est logiquement positif pour une œuvre qui évite tous les pièges les plus faciles du métissage extrême. On regrette juste que le timing soit si serré, tant une longue progression de dix minutes aurait parfaitement complété le tableau. Mais on ne peut en vouloir à ces artistes d’avoir voulu aller à l’essentiel, et avec un tel premier pas dans la cour des grands, la seconde étape risque d’écraser la concurrence.

       

  

Titres de l’album:

01. À Travers Les Lambeaux

02. Cérémonie Magique pour la Bataille de Megiddo

03. Ode À Hathor

04. Interlude - La Rage

05. Les Secrets des Ziggourats

06. L'Arrivée Des Temps Déchus

07. Lex Talionis


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par mortne2001 le 23/03/2021 à 17:36
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