Abandonned

Pillärs

12/01/2018

Autoproduction

Tout ce qui monte finit par retomber. Ça n’est évidemment pas moi qui ai dit ce truc très profond, ni le pauvre et regretté Paul Bocuse en parlant d’un soufflé. Il s’agit évidemment de ce cher Isaac « Apple » Newton en parlant de la gravité, mais le principe peut aussi s’appliquer à d’autres champs d’actions physiques. Prenez le Metal et le Hardcore par exemple. Tout monte en intensité, mais finit par connaître une fatale baisse de régime, ou tout du moins, une fin. Mais la baisse de régime elle, peut être évitée, pour peu que les musiciens défient cette satanée gravité, et continuent de hisser le niveau pour s’accrocher aux branches dont ils ne risquent pas de tomber. Les branches de Cleveland elles, sont plutôt bien accrochées à l’arbre urbain, à tel point que l’Ohio a souvent été plus qu’un simple point de tournée sur la carte musicale US. Les exemples sont nombreux, et il faut avoir un peu de culture globale pour les citer, mais à la liste que vous pourriez dresser s’ajoutera un autre nom, presque une référence en somme au vu de l’intensité en développé-couché de ces trois maniaques de la vitesse et de la lourdeur, qui n’ont pourtant pas choisi le secteur le plus facile pour s’exprimer. Pensez-donc, beaucoup de Crust, pas mal de Sludge, un gros pied-de-nez Punk pour une attitude totalement Hardcore, genre « fuck-off » bien accentué lorsque le choix des armes est demandé, et il vrai que ces PILLÄRS font bien ce qu’ils veulent depuis leur création. Celle-ci remonte à 2015, lorsque Zach G (guitare/chant), Beth Anne (basse/chant) et John Alberty (batterie) ont décidé de s’unir autour d’une cause commune, célébrant l’absence de contraintes et de barrières de style, pour trouver LE son qui allait les fédérer, ainsi que le public qui allait les découvrir hébétés.

Une première démo fut enregistrée la même année, histoire d’entériner le début de l’aventure, puis des concerts furent bien évidemment donnés, sans relâche, dans la région de Cleveland et les alentours, avant que l’équipe ne se juge suffisamment prête pour enregistrer un véritable LP. Las, en octobre 2016, John Alberty se fit la malle et laissa le kit vacant, qui fut repris avec enthousiasme par Mike Burrows du groupe local/ami ALL DINOSAURS. La formation alors soudée se décida à capter l’essentiel de son répertoire sur CD et tape, et coucha huit morceaux pour la postérité, ces mêmes huit morceaux que l’on vous permet de déguster, chauds évidemment, mais aussi méchamment corsés, à cheval entre la lourdeur oppressive d’un Sludge bien tassé et d’un Crust salement percuté. Mais quid de l’antagonisme des genres adoptés ? La vitesse s’accommode-t-elle sans trop de mal de ces soudains accès de pesanteur qui font tomber les pommes, et la lourdeur se satisfait-elle de ces accélérations qui font tomber dans les pommes ? Oui, parce que le trio aborde les deux versants avec le même détachement, et avec cette morgue Punk qui a défini les grandes lignes des grands génies de son état (qu’on ne nommera toujours pas), ce qui leur permet de sauter du léopard à l’éléphant sans paraître incongru ou malséant. Ce sont donc les fans des deux bords qui sont sollicités par cet Abandonned qui pourtant ne laissera personne esseulé, et que les amateurs de NEUROSIS ou TRAGEDY, comme les amoureux de CROWBAR et les fondus de SKITSYSTEM pourront trouver à leur goût, se retrouvant unis dans le même désir de violence, qu’elle s’exprime par des riffs lourds et un rythme pesant, ou par des saccades hystériques et des frappes galopantes. Ça va tellement vite parfois qu’on titille même la corde sensible Grind, ce qui en dit long sur l’affranchissement du trio, qui ne s’embarrasse pas de principe pourvu que les décibels participent. Alors, quoi de neuf sous le soleil de l’Ohio ? Pas mal de violence, mais aussi, du neuf avec du vieux.

Car on retrouve sur ce premier LP une bonne moitié de morceaux datés, que l’on pouvait déjà écouter sur la première démo du groupe, et qui sont devenus des chevaux de bataille live depuis. Ainsi, les fans reconnaîtront sans forcer les nouvelles versions en densité augmentée de “Last Rites,” “Nothing Left,” “Walking Ghost” et “Behind the Wall”, qui sans trahir le trait d’origine, ont tendance à l’appuyer, pour trouver une nouvelle efficacité, et une oppression exponentielle. Il suffit par exemple de se jeter à oreilles perdues dans le diptyque de départ pour comprendre que les PILLÄRS n’ont pas franchement décidé de se laisser amadouer, puisqu’en sept minutes fondues, tous les éléments sont plantés, de cette batterie au son mat et à la frappe décuplée, à ce chant écorché semblé capté d’une pièce à l’écart vidée, en passant par cette basse quasiment sacrifiée que seules des ouïes expérimentées sauront remarquer. La voix de Zach a gagné en gravité, tout comme son jeu a pris en maturité, et la cohésion d’ensemble nous frappe de plein fouet, comme si le groupe avait toujours existé. Mais il est certain que cette rage contrôlée marque toutes les pistes au fer rouge, que la lenteur soit privilégiée, ou que la vitesse parviennent à émerger, ce qui fait du trio une machine de guerre redoutable, au rendement impressionnant, et à l’assurance rassurante. Ondulant entre courtes interventions à rendre les suédois et les anglais fous de jalousie (« Pale Horse », nouveauté qui corse les relations entre les pays, et qui ose un mid tempo strié de hurlements costauds), et longueurs acides qui retiennent la sueur entre les cils (« Behind The Wall »), Abandonned joue la carte de la brutalité maîtrisée, dans un effort constant de créativité, qui leur permet d’éviter les plans les plus éculés, sans pour autant paraître opportunistes ou déplacés.

De là, Crust, Sludge, Doom, Thrash, c’est comme vous voulez, le style n’ayant que peu d’importance quand on a l’attitude. Et les trois américains l’ont, que ce soit en tissant des canevas de destruction, ou en jouant la douceur d’une voix féminine tamisée dans la douleur (« When Towers Fall », modèle d’écrasement sensuel qui pourrait prodiguer quelques conseils au NEUROSIS le plus campé). Ils assument leur tendance à la mouvance, et utilisent toutes les armes à leur portée pour signifier, suggérer, imposer, et finalement, se faire une place à la lune de genres qui d’ordinaire, ne supportent que très mal le métissage. On sent même des envies mélodiques sorties de nulle part (« When Towers Fall », encore, à la résignation magnifique de Némésis), qui pourraient dessiner un avenir à la lumière un peu moins filtrée. Mais le présent lui, est bien là, et ce premier LP des PILLÄRS offre une belle jonction entre les tons, et s’avère être la sortie la plus probante et la plus surprenante de ce début d’année, dans un registre modulé. La seule chose qui reste figée, est cette violence sourde, assumée ou sous-jacente qui transforme la moindre de leurs interventions en geste de pardon, envers ceux qui ne croient toujours pas que de Cleveland à Chicago, il n’y a qu’un pas.


Titres de l'album:

  1. Last Rites  
  2. Nothing Left
  3. Through the Storm
  4. Pale Horse
  5. Walking Ghost
  6. Beneath The Ice
  7. When Towers Fall
  8. Behind The Wall

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 02/02/2018 à 14:37
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