Caligura

Gura

26/01/2018

Consouling Sounds

Mero, Calimero, c’est trop injuste, GURA, CaliGura, c’est trop abrupt. Vous n’avez rien compris, mais c’est normal, rythmiquement, les vocables sonnaient et puis je trouvais ça intéressant comme entrée en matière. Ceci n’est pas la dernière blague belge à la mode, mais elle pourrait l’être, puisque les habitants du plat pays ne sont jamais les derniers à proposer une incongruité linguistique ou…musicale. Tiens, prenez les GURA justement, puisqu’on en parle. Ils agitent l’underground depuis 2004 environ, se contentant pendant des années d’une ossature en duo basse/batterie et s’épanchant au travers d’une sorte de Doom/Sludge expérimental avec plus de bonheur que moins. Sauf qu’en plus, faire du bruit ne leur était pas suffisant, il fallait en faire un différent. Alors quitte à ajouter au cocasse de la chose, les mecs sont allés chercher un saxophoniste (puisque visiblement, c‘est à la mode aussi), histoire de transformer leur lourdeur en allégresse pleine du charme déviant des John ZORN, Ornette COLEMAN, et toute la clique des fugueurs chromatiques en furie qui n’acceptent aucune autre digression que l’improvisation. Et l’improvisation, c’est justement ce qui sied le mieux à ces animaux qui rejettent en bloc le conformisme de compositions trop figées. Mais attention, parce qu’ici, si on fait ce qu’on veut, on le fait quand même super bien. Et depuis longtemps. D’ailleurs, les affranchis de Consouling Sound ne s’y sont pas trompés en les signant, et en proposant par-dessus et sur le marché, ce CaliGura au calembour tortueux bien senti. Et pour info, non, les belges ne se sont pas calmés, loin de là. Leur barouf est toujours aussi précieux qu’un cri de Pierre Barouh lorsqu’il se coince les cha-ba-da-ba-da dans la porte. Mais comment aborder ce nouvel album sans passer par la face nord ? Telle est la question qui reste sans réponse, mais contentez-vous donc de le prendre comme il vient, et surtout, comme il joue. Ce qui ne sera déjà pas mal.

Peut-on décemment ne pas aimer un groupe qui vous joue « La Pêche aux Chats » ? Non, pas plus qu’on ne peut détester PRIMUS lorsqu’il nous embarque dans ses chroniques de pécheur ou des histoires de chat qui s’appelle Tommy. Vous me sentez bien venir, mais si vous connaissez déjà les GURA, vous savez qu’ils ne copient pas plus la bande à Les Claypool que les ZEUS, malgré des points de dissonance en concordance. Ou du moins, qu’ils les fréquentent à peu près autant que les SUISHOU NO FUNE, avec lesquels ils ne partagent pas plus de détails malgré une liberté de globalité affichée. Et tel est donc le concept de ce projet qui avec le temps sait de plus en plus ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, cette liberté de ton et de gestion des mouvements, qui aboutit à un nouveau disque presque clairement scindé en deux, avec - osons-le terme - les parties les plus « accessibles » au front, et les planqués de la digression derrière. Pas facile de se dire que les premiers morceaux sont ceux qui parlent les premiers et le plus clairement, et pourtant, c’est la vérité. Jamais je ne vous mens. Eux non plus d’ailleurs, trop occupés à combler les vides laissés par le Doom pour les remplir d’un énorme Jazz à tendance Free Sludge qui fait très mal aux oreilles, mais du bien au cœur. Mais repartons un peu en arrière, car je sens les connaissances les plus nébuleuses néfastes aux réfractaires qui n’ont pas appris d’un passé fier. En gros, les GURA, ça a commencé non dans le Jura, mais dans la région de Gand, par un duo en amour non feint pour les considérations lourdes et distordues. Mais loin de se contenter d’un Doom vulgaire ou d’un Sludge ordinaire pour exprimer leur point de vue, Leetje (basse) et David (batterie) ont préféré opter pour un mélange explosif de Heavy, de Fusion, de Noise et de passion, qui permit à leur démo de 2005 de se faire un public. Et alors que The Un in Fun continua en 2008 les mêmes avancées, purGURAtory en 2011 les fit avancer. Bien que toujours officiellement en couple, on sentait les deux musiciens avides de nouveauté, ce qui fut formalisé quelques années plus tard, en 2015, par l’adjonction du bécoteur de anches Ludo, fondu de saxo. Une fois le duo devenu trio, la folie devint triviale, et le Noise Rock s’accommoda parfaitement du Doom/Sludge branque du passé, pour se tourner vers un Heavy Jazz bordélique, apte à réconcilier les amateurs des deux mondes. Et le meilleur ? Assurément, bien que souvent, on se demande s’ils n’ont pas plutôt déclaré la guerre.

Alors pour la forme, et parce qu’il faut bien se montrer plus explicite que la moyenne (mais pas trop sinon on en dit…trop), Galigura est donc agencé autour de six morceaux, et inclairement scindé en deux parties presque séparées. La première privilégie les saillies « brèves », et la folie ambiante qui permet de se rapprocher d’un PAINKILLER (version moins SM et plus familiale), ou d’une énième exaction de Zorn en bonne compagnie (celle d’un MORPHINE qui en aurait abusé par exemple, en compagnie des MASTODON). On retrouve donc presque au hasard un « Het Orenlied » en autocitation d’un vieux disque personnel, qui retrouve ici une seconde jeunesse, pas forcément plus avenante, un « Come On, François ! » qui n’est ni dédié à Claude ni dédicacé à la Hollande en scooter, mais qui opte pour une version déjantée du Hardcore underground régional et européen, genre COILGUNS ou KRUGER en goguette dans les quartiers interlopes, un fameux et délicieux « La Pêche aux Chats » qui ne fait pas plus dans la nuance, et un terminal « CaliGura » qui conforte les positions en déclinant les tranchées tout en niant le blitzkrieg. Puis soudain, la donne change avec « Eternal Black Gurgle », lorsque David ralentit drastiquement le rythme, et que la distorsion de Leetje frise l’indécence. On pense à un FANTOMAS perdu dans les limbes d’une B.O obscure, à base de film noir à l’intrigue mince mais au suspens qui dure, et surtout, à une forme de Sludge/Doom progressif, qui ne cracherait pas sur un brin de Jazz on the spot pour agrémenter sa lourdeur. C’est évidemment long, très même, mais même avec douze minutes et treize secondes au compteur, ça reste suffisamment hypnotique pour ne pas vous perdre en route, d’autant plus que quelques lignes de chant bien vilaines viennent déranger le tout de leurs invectives fécondes. Féconde, mais pas faconde, car la morgue instrumentale des GURA s’accompagne toujours d’une grande créativité dans l’appuyé, et que ce duo basse/batterie est décidément toujours aussi versatile…

« Kanka » en final homérique, propose un peu plus de douceur, et ose même une intro toute en délicatesse, qui nous laisse même à penser qu’on se rapproche de la nuit. C’est toujours aussi lent, bien vite de plus en plus, et de plus en plus gras et tremblant, mais une fois encore, la lassitude pèche au lac des abonnés absents, à cause de ce chant, et de ce sax qui s’époumone comme un diablotin, semblant se faire l’écho malin des précédents textes hilarants hurlés dans un français chancelant. Et sans vraiment changer, mais en variant, le trio nous attire dans ses filets, et nous laisse avec une impression d’avant-garde qui n’en est pas vraiment, mais de musique novatrice qui elle, en est. Une façon de continuer sa route sans en dévier, mais en empruntant des chemins de traverse, pour arriver au milieu de nulle part, en sachant très bien pointer l’endroit sur une carte. Mais que vous aimiez le Free Jazz, le Sludge, le Doom, le Metal ou tout autre chose, il vous suffit d’aimer les risques et la non-conformité pour apprécier ce nouveau jet. Ça gicle certes, mais ça laisse les oreilles et la peau lisse, après le passage de la police. Du mauvais goût évidemment, qui garantit toujours un confort artistique dément.


Titres de l'album:

  1. Het Orenlied
  2. Come on, François!
  3. La Pêche aux Chats
  4. CaliGura
  5. Eternal Black Gurgle
  6. Kanka

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 23/03/2018 à 17:51
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