Il n’est jamais facile de voir le jour à une époque où tout était encore possible et envisageable, et de sortir son premier album à une époque où tout a déjà été fait et réalisé. C’est ce qui est arrivé aux espagnols d’OBSCURE, qui en 1988 n’auraient sans doute jamais imaginé devoir attendre plus de trente ans pour enfin pouvoir publier leur premier long. Tout avait pourtant bien commencé pour eux, avec une première démo célébré dans l’underground des fanzines (Disgusting Reality), et parfaitement en phase avec son temps. S’ensuivirent des efforts pour singulariser leur son, en accordant leurs guitares quelques tons plus bas, et accoucher d’une seconde maquette, plus professionnelle (Curse the Course, 1991, leur achèvement semble-t-il), avant d’en proposer une dernière plus technique et peaufinée l’année suivante (Non Existendi Cultus, 1992). Et alors que leur voie semblait toute pavée vers les abysses d’un Death Metal vraiment torride et passionné, le destin décidément chafouin décida de les rappeler à leur simple condition d’êtres humains soumis aux aléas d’une vie trop prosaïque. Entre des problèmes de local de répétition, et les exigences d’un boulot alimentaire inévitable, le groupe sombra, jetant les armes avec haine, certainement fort déçu de ne pas pouvoir continuer une aventure si bien entamée. Dès lors, entre d’autres conceptions, des tentatives de reformation avec un line-up différent, et une certaine lassitude, les musiciens retournèrent dans une ombre qu’ils n’avaient pas méritée, sans toutefois renoncer à leurs rêves putrides. Et c’est ainsi qu’en rappelant dans le giron les formateurs, et en leur associant de nouveaux visages, OBSCURE put enfin rattraper son histoire et nous offrir ce premier album qui aurait dû voir le jour quelques décennies plus tôt, mais qui en 2019 nous réjouit de sa philosophie nostalgique et de son approche caverneuse…
Ce sont donc les nationaux d’Xtreem Music qui s’occupent aujourd’hui du cas des originaires de Valence, permettant à ce Darkness Must Prevail de bénéficier d’une exposition non négligeable. Et sous une pochette superbe se cache donc l’un des LP revival les plus crédibles de cette année, qui non seulement se paie le luxe de ne pas trahir les dogmes d’origine, mais qui en sus profite de l’allant d’une vague old-school qui à n’en point douter, saura charrier dans son sillage cette vague de violence non édulcorée apte à inonder les côtes européennes, et surtout, suédoises. En connaissant légèrement les débuts du groupe, on reconnaît immédiatement ce son si grave qui conférait à leurs deux dernières démos cette patine si démoniaque. Ce son hérité des maîtres à penser suédois et nordiques, les GRAVE, ENTOMBED, DISMEMBER, et qui lorsqu’il ralentit la course se rapproche aussi d’INCANTATION. D’ailleurs, ce sont des influences que le groupe admet partiellement, citant dans sa liste BOLT THROWER, CARCASS, DEMIGOD, mais aussi les rois de l’Indus Metal GODFLESH, histoire de ne pas se retrouver prisonniers d’une étiquette trop bien collée. Un peu de tout donc dans cette musique aussi sérieuse qu’elle n’est ludique, mais surtout, et par-dessus tout, du Death Metal, tel qu’on le pratiquait à l’orée des nineties et durant toute la décennie. On en retrouve ici les codes, et plus que tout l’épaisseur de la production, qui sur Darkness Must Prevail se veut aussi caverneuse et épaisse que claire et précise. Tout ça nous permet d’apprécier une technique instrumentale rodée, et l’acuité de musiciens (Guitare : Rafa C., Batterie: Enri Sanchis, Basse : Anselmo Roca, Guitare : Voris Ortiz et Chant : Xavier Beleth) qui connaissent par cœur les figures imposées. Et pour cause, puisqu’ils étaient là en même temps que les autres, contemporains des PESTILENCE, NIHILIST, OBITUARY et MORBID ANGEL. Certes, ils n’ont pas bénéficié de la même aura, n’ont pas joui du même écho de gloire, mais la qualité de leur musique aujourd’hui leur permettra de se faire une place à la lune des abimes infernaux d’un Death vraiment profond, solide, qui se montre aussi incorruptible qu’il n’est catchy.
Pour faire simple, OBSCURE a signé avec ce premier album une sorte d’archétype, un symbole, et mieux, la quintessence d’un Death Metal d’antan qui a toujours sa place aujourd’hui. On retrouve dans leur approche tout ce que l’on a toujours adoré dans ce style, cette ambiance glauque et macabre, ces guitares d’outre-tombe, ce chant si caractéristiquement grave et scandé, et cette rythmique évolutive mais puissante. Osant mélanger toutes les composantes d’un sous-genre, les espagnols nous livrent huit compositions sans compromis, qui valsent entre la lourdeur la plus pesante d’un Doom Death suintant et empestant les caves (« Through Self-Repulsion »), et la vélocité raisonnable des premiers DEATH/ENTOMBED (« Darkness Must Prevail »). Mais c’est évidemment du côté de la Suède qu’il faut chercher l’influence la plus marquante, même si l’atmosphère générale n’est pas sans rappeler le nihilisme et la misanthropie de la scène Hollandaise de la fin des années 80. Les plus pointus argueront du manque de précision si particulier de l’école US, ce qui ternit un peu la vision d’ensemble que cherche à atteindre Darkness Must Prevail, mais ce manque se verra vite comblé par une perfection indéniable qui permet à chaque titre d’atteindre une véritable apogée de violence. Sourd mais intelligible, massif mais détaillé, ce premier album vient enfin couronner un parcours erratique, et offre aux espagnols une revanche bien méritée. Il n’y a formellement rien à reprocher à ce premier effort qui cherche même la variété en aérant ses riffs et sa rythmique (« After Life »), et qui termine sa course par un sprint en boulet de canon (« Blessing of Malignancy »). Une vraie révélation venue du passé et trouvant écho dans un présent friand de nostalgie, qui se repaîtra d’une bonne pièce d’histoire en carpaccio de bestialité froide. OBSCURE risque donc de contredire son nom et de se retrouver exposé à la lumière d’une scène Death Metal old-school qui ne rechigne jamais à braquer les projecteurs de la mort sur ses représentants les plus vivaces et vivants.
Titres de l’album :
Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)
16/09/2020, 22:12
16/09/2020, 21:49
15/09/2020, 22:30
15/09/2020, 22:06
gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)
11/09/2020, 12:32
Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???
11/09/2020, 10:59
Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)
11/09/2020, 08:04
Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...
11/09/2020, 07:25
Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)
10/09/2020, 21:27
Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)
10/09/2020, 11:22
J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)
10/09/2020, 11:18
L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.
10/09/2020, 09:45