Det Framlidna Minnet

Bergraven

08/03/2019

Nordvis Produktion

Suède, Black Metal. J’ai déjà utilisé cette accroche pour attirer votre attention, et m’en servir comme gage de paix, assurance de qualité. Et une fois encore j’y ai recours, mais de la façon la plus biaisée qui soit. Car si le groupe qui effectue son grand retour en 2019 a en effet admis des accointances avec le genre par le passé, et nous en vient effectivement de Suède, il est tout sauf un groupe de BM suédois. Il n’est à la rigueur qu’un groupe suédois, mais au jugé de la musique pratiquée, il aurait tout aussi bien pu venir de Norvège, d’Allemagne ou de Belgique, et personne n’aurait fait la différence, sauf au regard d’un tracklisting trahissant la langue natale. Mais il faut dire que l’histoire BERGRAVEN ne date pas d’hier, mais bien de l’orée des années 2000, et que le projet s’est déjà répandu en exactions longue-durée que les fans n’ont jamais oubliées. Et malgré les dix années de silence et de disette créative (du moins en partie, nous verrons pourquoi), BERGRAVEN n’étonnera pas grand monde avec cette quatrième tranche de vie, qui sans s’inscrire dans la logique directe de Till Makabert Väsen, publié en 2009, n’en trahit pas les codes, ni l’esprit aventureux et expérimental. Le mot est lâché, et à dessein, puisque les fondements de ce trio de Malmö semblent toujours aussi avides de sons étranges, de constructions bizarres et d’assemblages disparates, qui au final forment une symphonie logique dédiée au refus des conventions, et surtout, un défi lancé à la linéarité sans bousculer la logique, toujours aussi effective sous une épaisse couche d’étrangeté. La Montagne Noire n’est donc pas plus facile d’accès qu’avant, et ce quatrième versant n’est pas plus aisé à gravir, même avec un guide rompu à l’exercice, qui aura déjà atteint les sommets de Fördärv et Dödsvisioner. Alors, dix ans, pourquoi ? D’abord parce que le héros de l’affaire, Pär Stille est un homme très occupé, et qu’il s’est justement concentré sur son autre projet, STILLA, qui entre 2013 et 2018 nous aura livré quatre albums de Black plus formels à défaut d’être apprivoisables. Et ensuite, certainement pour de sombres affaires de droits et de label, puisque son ancienne maison de disques Hydra Head Records a fini par rendre les armes en 2012, et se trouvait donc déjà en plein marasme en 2010. La combinaison des deux facteurs, et l’envie de faire une pause auront donc eu raison de la créature BERGRAVEN, qui aura patienté dans l’ombre pour mieux préparer son grand retour…

Et ce grand retour se fête depuis le mois de mars, grâce aux bons soins de Nordvis Produktion, label national abritant aussi dans ses rangs BHLEG, ARMAGEDDA, GRIFT, LUSTRE, MURG et PANOPTICON, ce que les connaisseurs apprécieront. Pas étonnant dès lors de retrouver notre trio iconoclaste dans cette écurie de l’étrange, et après une courte intro en tour de chauffe, Det Framlidna Minnet nous prouve que la décennie d’attente n’aura pas été vaine, et que le groupe n’a pas oublié ses obsessions en route ni sa singularité au vestiaire. Avec comme seul membre originel Pär Stille, toujours accroché à sa guitare et à son micro depuis 2002, BERGRAVEN s’articule aujourd’hui autour de l’axe rythmique Andreas Johansson (basse, DERANGED, RESONANCE CASCADE)/ J.Marklund (batterie, DE ARMA, LIK, SORGELDOM), tous deux compagnons de route de Pär au sein de STILLA, et qui forment aujourd’hui le soutien dont le meneur avait besoin pour mener son opération à bien. Et si le passé montrait des signes ostentatoires de férocité justifiant l’affiliation au mouvement Black, d’une lointaine façon il est vrai, cette livraison 2019 s’en est tellement écartée qu’il devient difficile d’accoler cette étiquette autrement qu’avec des gants renforcés, tant l’orientation actuelle n’a pas grand-chose à voir avec la violence avouée du genre autrement que par ses déviances les plus obscures. Car la musique du trio, toujours aussi impénétrable et implacable, ne s’autorise que quelques poussées de fièvre sur lit de blasts modérés, pendant des instants fugaces qui ne cachent en rien de leur nihilisme créatif la richesse du répertoire nouveau. Si la personnalité du groupe est largement suffisante pour se cautionner d’elle-même, les comparaisons avec quelques ensembles extérieurs permettront aux néophytes de situer un peu les débats, rappelant que SHINING, STILLA évidemment, mais aussi VED BUENS ENDE, OPETH, ENSLAVED et/ou HADEAN sont des pistes éventuelles dont le puzzle formé pourra expliquer la pluralité de sons qui animent ces sept nouveaux morceaux (plus une intro, dispensable mais ludique). Toujours pas décidé à rentrer dans le rang, Stille continue d’explorer les textures, offre à sa guitare des overdoses d’écho, de flanger, d’arpèges biscornus aux harmonies presque chromatiques, mais impose aussi des cuivres, des vents, du saxo, se paie des tranches de slide, utilise un vibraphone, et construit ses imbrications avec une ouverture d’esprit que les plus aventureux pourront encore lui envier, malgré une cohérence de fond qui laisse toujours aussi admiratif. Autrement dit, le guitariste/chanteur laisse toujours libre cours à ses envies, mais a l’honnêteté de le faire avec application et intelligence, ce qui nous évite de nous fracasser sur les écueils du n’importe quoi à peine organisé.

De là, bonne chance pour catégoriser ces sept titres qui échappent à toute forme de facilité. A cheval entre le cosmique, le psychédélique, l’avant-gardiste, le Jazz progressif, le Doom mélodique et tortueux, le Black Death de l’au-delà ramené à la vie par je-ne-sais quelle magie, le Heavy bossu et mélancolique, la poésie triviale et macabre et les alternances soleil aveuglant/ténèbres glaçantes, BERGRAVEN n’est pas plus disposé qu’avant à se laisser amadouer par les sirènes de la facilité, ce qu’on note dès « Allt ». Morceau le plus bref de l’ensemble si l’on met de côté l’intro et l’outro, cette mise en garde sur fond d’arpèges oniriques troublés d’arrangements effrayants est une façon comme une autre de prévenir l’auditeur que tout ce qui l’attend n’est pas forcément ce qu’il attend, et entre des mélodies trifouillées numériquement et une guitare qui égrène ses arpèges 50’s style, le panorama est du genre surprenant, même lorsque intervient enfin la distorsion, qui impose une méchanceté n’étant pas plus claire dans son agressivité. Riffs qui tournent et virevoltent comme un acide sous la langue, et qui soudainement s’imposent dans une majesté Doom, soudaine cassure de sons incongrus, reprise à la volée sous perfusion psychédélique et Thrash, le vol est mouvementé, et en un seul morceau, Det Framlidna Minnet développe plus d’idées que des discographies intégrales d’artistes confirmés et supposés bizarres. De là, je pourrais utiliser tous les superlatifs de la création, rien ne saurait décrire avec acuité le contenant et le contenu, que le long et évolutif « Till Priset av Vårt Liv » épèle avec beaucoup d’acuité, et qui pourtant n’en dit rien de plus. On retrouve encore cette fascination pour les guitares vintage, au son pur et non altéré, ces soudains assombrissements qui ternissent l’âme, et en plus, des enchevêtrements de nappes vocales incantatoires en rupture de ban. Mélodique et oppressant, aéré et en pleine crise de claustrophobie, l’art de BERGRAVEN est de prendre le contrepied systématique des attentes, sans se montrer trop chafouin ou capricieux, et surtout, illogique dans la démence. Entre Post Black et Doom mélancolique, à cheval entre Metal extrême libre et contraintes de différenciation, Det Framlidna Minnet est une sorte de virus (et le parallèle avec le groupe du même nom n’est pas si incongru que ça, vous verrez par vous-même) qui s’insinue dans l’organisme, et vous oblige à revoir votre conception de la brutalité en acceptant des compromis harmoniques.  

Loin de moi l’idée de vous faciliter la tâche en décrivant les autres morceaux, puisque de toute façon, la démarche est toujours la même. Mais la linéarité n’ayant pas droit de cité ici, vous constaterez que « Leendet av Hans Verk » pourrait être la bande originale parfaite d’un film de Guillermo Del Toro qui louche sur un script de David Lynch, tandis que « Den Följsamma Plågan » se plaît à ridiculiser sans orgueil la carrière d’OPETH en travestissant leurs stances d’une touche de VOÏVOD. La conclusion ? Suède, Black Metal. Et ça ne veut strictement rien dire.   


Titres de l'album :

                        1.Minnesgåva

                        2.Allt

                        3.Den Följsamma Plågan

                        4.Minnets Melankoli

                        5.Leendet av Hans Verk

                        6.Den Dödes Stigar

                        7.Till Priset av Vårt Liv

                        8.Eftermäle

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par mortne2001 le 08/05/2019 à 17:40
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