Dirty Shirley

Dirty Shirley

24/01/2020

Frontiers Records

En jouant avec les codes et l’identité artistique, Dino Jelusick fait preuve d’un certain culot. Mais le fait d’avoir reproduit à sa sauce le célébrissime American Gothic de Grant Wood en dit long sur sa soif de reconnaissance hors de ses frontières et de son envie de mettre l’Amérique à genoux. Mais en lieu et place de la fameuse ferme, de l’air complètement neutre des personnages dépeints et de cette fourche si symbolique de l’Amérique rurale, le preux chanteur a choisi une ville à l’agonie, des regards défiants et une batte de base-ball pour bien indiquer qu’il ne compte pas adopter des bonnes manières pour se faire accepter. Mais après tout, depuis le début de sa jeune carrière, l’artiste n’a pas vraiment fait profil bas. Après l’Eurovision junior en 2003, des albums originaux et de reprises et des vidéos balancées sur Youtube avec son groupe ANIMAL DRIVE, des montées sur scène avec TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA, et une incursion sur les œuvres de RESTLESS SPIRITS, ce premier album est une suite tout ce qu’il y a de plus logique, et surtout, la preuve s’il en était besoin que le tempétueux vocaliste est bien l’une des têtes les plus recherchées des DRH musicaux. Il n’est donc guère surprenant de retrouver le bonhomme au catalogue déjà fourni de la turbine Frontiers, qui n’est jamais la dernière à chauffer pour les surprises bien préparées. Alors, si jusque-là le jeune Jelusick nous avait impressionnés de sa voix chaude et puissante, il lui manquait encore un écrin pour la mettre en valeur, et surtout, un orfèvre pour la tailler comme un diamant vingt-quatre carats, histoire de gommer les imperfections et trouver la forme pour qu’elle s’épanouisse pleinement. Et après de nombreux contacts avec des stars du Metal international, c’est aux côtés de l’hyper-productif George LYNCH que nous retrouvons notre nouveau héros du micro, par le truchement d’une association élaborée par ce bon vieux Serafino. Mais la combinaison de deux énormes talents suffit-elle à produire un grand album ? Non, et la simple évocation du naufrage Coverdale/Page suffirait à prouver cette assertion, sauf que les ego s’accordent parfois pour trouver le meilleur terrain d’entente.

Profondément attaché au patrimoine eighties (spécialement ses représentants les plus mélodiques, AEROSMITH, EUROPE, BON JOVI, etc…), Dino Jelusick s’est donc offert les services du meilleur sidekick qui soit sur le marché, sauf qu’il serait injuste d’ignorer la contribution 90’s de Lynch à notre musique préférée. Certes, c’est bien de DOKKEN dont on se souvient le plus facilement, eu égard au pedigree du groupe, mais en déduire que DIRTY SHIRLEY ne serait qu’une vaste affaire de nostalgie de plus serait une erreur impardonnable. Car le fantasque guitariste a prouvé depuis le premier split de son ancien groupe qu’il était largement capable d’adapter son jeu aux époques qu’il traverse, que ce soit au sein de LYNCH MOB, KXM, SWEET & LYNCH, THE END MACHINE ou en solo. Avec une discographie qui pourrait bien faire rougir bien des artistes plus capés que lui, George était donc le parfait parner in crime pour cette opération de survol d’un patrimoine qui ne s’est pas limité à une décade bien précise. Et la collaboration entre l’un des guitaristes les plus doués de sa génération et un chanteur dont la réputation commence largement à dépasser ses frontières a donné l’un des albums les plus excitants et frais de ce nouveau siècle, et au moins aussi probant que n’importe quel chapitre de la saga BLACK COUNTRY COMMUNION. L’entente musicale entre les deux hommes frappe d’ailleurs les sens dès l’ouverture flamboyante de « Here Comes The King ». Avec ce titre en forme d’aveu d’ambition démesurée, Dino Jelusick abandonne immédiatement toute mesure et toute tendance présumée à l’humilité pour s’affirmer comme le vocaliste d’exception qu’il est. Lourde batterie à la LED ZEP, riff qui rappelle les plus grandes heures rebelles des seventies, pour un démarcage de luxe de la vague Rock dru, avec des allusions multiples à Coverdale, à DEEP PURPLE, CACTUS, et tous les seigneurs passés. Certes, l’entrée en matière est classique, et joue sur du velours, mais la portée émotionnelle du titre est indéniable, profonde, et laisse des séquelles délicieuses dans la mémoire auditive. Avec son timbre chaud et lyrique qui rappelle les plus grands du micro, de David à Ian en passant par Ronnie James, Jelusick lâche la performance d’une vie, et nous convainc du bien-fondé des opinions dithyrambiques à son sujet. De son côté, Lynch fait du Lynch, assombrit ses riffs et peaufine ses soli, le duo de tête se sachant très bien épaulé par une section rythmique unique. Avec l’assise de Trevor Roxx à la basse et Will Hunt (EVANESCENCE) à la batterie, George et Dino peuvent se permettre toutes les audaces, et passer d’une décade à l’autre en bons caméléons qu’ils sont. Et si les seventies marquent de leur empreinte indélébile les deux premiers morceaux du disque, les arrangements modernes de « Dirty Blues » prouve que les musiciens n’ont pas l’intention de s’enfermer dans une période précise.

Chaloupé, œillades énamourées au WHITESNAKE des années 80, sans oublier quelques astuces électroniques des nineties, le cocktail est corsé, le ton donné, et l’ambiance plantée. Les deux alliés n’ont pas leur pareil pour tenter le Crossover global, et mixer les décades avec bonheur. C’est donc de cette façon qu’ils échappent à une étiquette encombrante de nostalgic band, avec en exergue des thèmes hérités de la scène alternative des années 90 (« I Disappear »), qui se retrouvent fondus dans une humeur bluesy, la marque de fabrique de Lynch depuis le premier au-revoir de DOKKEN. Onze morceaux pour une heure de musique, c’est assez long pour une introduction, et pourtant, rien ne vient gâcher la fête. Avec un peu de diversité et des digressions plus légères, DIRTY SHIRLEY se montre sous son véritable jour, celui d’un groupe uni et non d’un simple tremplin pour un chanteur en manque de reconnaissance, et les saillies moins emphatiques comme « The Dying », qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un inédit récent de EUROPE, ou l’épileptique « Siren Song », qui de son titre aiguille sur une fausse piste ZEP prouvent que le duo peut tout évoquer, tout aborder, se montrer à l’aise dans tous les registres comme si des années d’expérience reliaient les deux musiciens. On savait depuis longtemps Lynch capable du meilleur, mais ce premier album prouve qu’il est toujours capable de se remettre en question pour adapter son talent à son environnement. Sans abandonner ses propres références, le guitariste est toujours aussi prompt à s’approprier un matériau de légende pour le faire sien. C’est ainsi qu’il singe les meilleurs tics de WHITESNAKE pour un long shuffle suintant (« The Voice Of A Soul »), tout en retrouvant ses syncopes 90’s qui tranchent toujours autant (« Cold »).

Habitué des grands et fantasques chanteurs, Lynch n’a donc eu aucun problème pour offrir à Dino les décors dont il avait besoin pour s’imposer, et si chaque titre est une démonstration de force, ils n’en restent pas moins individuellement des moments de plaisir, comme le post-Grunge « Escalator », ou le final surprenant, acoustique et tribal « Grand Master ». Et entre un EUROPE moderne, un DOKKEN transcendé, un WHITESNAKE dopé et tout simplement un DIRTY SHIRLEY juste né, ce premier album est bien plus que la célébration de l’avènement d’un des meilleurs chanteurs de son temps. Il est une œuvre complète, témoignage d’un instant T où le talent de deux artistes n’en a plus formé qu’un seul.                                                       

Titres de l’album :

                            01. Here Comes The King

                            02. Dirty Blues

                            03. I Disappear

                            04. The Dying

                            05. Last Man Standing

                            06. Siren Song

                            07. The Voice Of A Soul

                            08. Cold

                            09. Escalator

                            10. Higher

                            11. Grand Master

Facebook officiel


par mortne2001 le 04/02/2020 à 18:35
90 %    725

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45