Eternity of Shaog

Esoctrilihum

22/05/2020

I, Voidhanger Records

Y a pas d'café, pas de coton, pas d'essence, en France, mais des idées, ça on en a nous on pense

J’espère que Michel Sardou ne m’en voudra pas d’avoir emprunté ces quelques lignes de texte à son séminal « Le Temps des Colonies », et bien que les dites colonies aient disparu depuis longtemps, l’esprit de débrouille est resté. C’est vrai, en France, nous n’avons pas grand-chose à part notre gastronomie et notre industrie de luxe, mais nous pouvons nous targuer d’avoir un réservoir de musiciens parmi les plus créatifs du monde. L’exemple d’aujourd’hui en est un fameux, qui plus est soutenu par la célèbre écurie italienne I, Voidhanger qui n’a pas l’habitude de signer le premier clampin venu.  Mais Asthâghul n’est justement pas le premier clampin venu, loin de là, et la tête pensante d’une des créatures les plus étranges de l’underground, mais aussi l’une des plus productives. Alors que le projet ESOCTRILIHUM n’a vu le jour qu’en 2017, nous fêtons déjà le cinquième album de la bête, qui pond avec une régularité effarante. Pas moins de deux longue-durée en 2018, ce qui en dit long sur la verve de cet auteur terriblement attachant, mais aussi méchamment mystérieux. Peu amène en biographie et déclarations tapageuses, ce compositeur de l’ombre affiche donc une belle santé en termes de créativité, et revient donc en 2020 avec un autre pamphlet. Et le terme est choisi à dessein, puisque sa nouvelle livraison dépasse encore l’heure de jeu, avec des morceaux complexes, riches, des intitulés cryptiques à rallonge, et des ambiances prenantes et délicatement embrumées. Mais au-delà de la productivité, c’est la constance qu’il faut noter concernant ESOCTRILIHUM, puisqu’en trois ans et cinq albums, le concept ne s’est jamais vraiment répété. Ayant débuté son parcours sous des auspices Black symphoniques, puis ayant tâté du Psychédélisme outrancier, Asthâghul propose aujourd’hui une sorte de melting-pot de sa propre carrière, un résumé presque exhaustif, mais qui ouvre aussi d’intéressantes perspectives sur l’avenir. A quel niveau ? Pour le savoir, il faudra pénétrer les arcanes obscurs d’Eternity of Shaog, qui ne se révèle pas à la première écoute comme n’importe quelle catin extrême aux cuisses prestes.

Avec pas moins de la moitié de l’album atteignant ou dépassant les sept minutes, ce cinquième volet nécessite une attention particulière, comme d’habitude. Reprenant les bases de ce qui a fait son art, Asthâghul continue son exploration des abysses du Black/Death le plus incorruptible, mais toujours perméable à une instrumentation hétéroclite. Outre cette infatigable batterie programmée, cette guitare qui tourne sans discontinuer, et ce chant lointain et strident, on retrouve au menu de cette réalisation du violon, du kantele, mais surtout, des arrangements biscornus, des tournures peu orthodoxes, et des cheminements légèrement tordus. En gardant cette optique progressive dans la violence, le compositeur s’offre donc une nouvelle preuve d’originalité qui pourtant ne nuit pas à la cohésion, bien au contraire. Toujours aussi particulier dans son approche, aussi grandiloquent qu’intimiste, le musicien tisse une toile d’émotions complémentaires et contraires, soufflant le chaud et le froid, et confrontant des passages d’une rare bestialité à des brisures extrêmement délicates. On apprécie toujours autant ces nuances et cette dualité qui s’incarne principalement sur les inserts les plus longs et ambiancés, à l’image de cet hypnotique « Thritônh (2nd Passage: The Colour of Death) » qui ne ressemble pas au tout venant de la production actuelle. Certes, une fois encore, ESOCTRILIHUM ne s’adresse pas à tout le monde. Avec son parti-pris à la croisée des chemins, ses blasts tempétueux, ses breaks oniriques, son instrumentation en décalage, et ses humeurs changeantes, l’album est encore un cas à part, qui rebutera sans doute les amateurs de classicisme, hermétiques à ces atmosphères étranges et délétères, mais fera le bonheur des passionnés de musique extrême osée et risquée. Car si « Orthal » joue la franchise d’un BM nineties à peine adapté de quelques gimmicks personnels, « Exh-Enî Söph (1st Passage: Exiled from Sanity) » entame le vrai voyage sans prendre de gants. Les comparaisons pourraient aller bon train, de DODECAHEDRON à BLUT AUS NORD, en passant par DEATHSPELL OMEGA ou ÆVANGELIST, mais elles ne serviraient que de balises génériques bien peu à même de décrire avec acuité le talent d’Asthâghul.

ESOCTRILIHUM, c’est à chaque fois le paquet surprise, la valise remplie de vieilles bobines huit millimètres qu’on installe avec appréhension sur le projecteur sans savoir ce qui nous attend. En l’occurrence, la séance de visionnage auditive 2020 nous réserve des moments de beauté trouble, à l’instar de ce « Shtg (4th Passage: Frozen Soul) » qui ressemble à s’y méprendre à des souvenirs familiaux enfouis dans le passé, et revenant à la vie en quelques notes d’un piano nostalgique. Toujours aussi doué pour naviguer à vue le long de sa propre inspiration, Asthâghul ne nous déçoit pas de sa vision, et prolonge celles déjà exposées par le passé. Certes, encore une fois, tout n’est pas pertinent, la production est un peu erratique avec des montées en puissance soudaines et quelques faiblesses de mixage, certains riffs sonnent légèrement formels, et un ou deux morceaux ne sont pas à la hauteur du reste du répertoire, mais globalement, et malgré plus d’une heure de musique, Eternity of Shaog tient largement la route, même lorsqu’il suit celle du BATHORY le plus emphatique (« Amenthlys (5th Passage: Through the Yth-Whtu Seal) » qui pendant quelques minutes se replonge dans le passé). L’orchestration iconoclaste n’est pas toujours heureuse non plus, à tel point qu’au casque, on a parfois le sentiment d’écouter deux titres différents joués simultanément (je me suis surpris à enlever mes écouteurs pour vérifier), mais elle apporte une réelle plus-value à des chansons épiques, terriblement sourdes et graves (« Shayr-Thàs (6th Passage: Walk the Oracular Way) », l’une des plus glauques de l’ensemble). En aménageant parfois des espaces de cruauté terrifiants (« Namhera (7th Passage: Blasphemy of Ephereàs) ») Asthâghul valide le label Death qui lui colle à la peau depuis ses débuts, et finalement, bien que clairement estampillé BM, ce nouvel épisode de la saga ESOCTRILIHUM échappe à bien des étiquettes.

Je ne saurais encore dire s’il s’agit du pic de créativité d’une carrière qui ne fait que commencer, ce qu’on oublie parfois au vu de sa productivité. Mais en gommant les quelques erreurs trop psychédéliques de ses efforts précédents, et en recentrant sa conception sur l’opposition entre la grandiloquence et la pudeur, ESOCTRILIHUM livre son album le plus personnel et le plus touchant. Ce qui est une performance rare dans ce genre de créneau d’ultraviolence.        

               

Titres de l'album :

01. Orthal

02. Exh-Enî Söph (1st Passage: Exiled from Sanity)

03. Thritônh (2nd Passage: The Colour of Death)

04. Aylowenn Aela (3rd Passage: The Undying Citadel)

05. Shtg (4th Passage: Frozen Soul)

06. Amenthlys (5th Passage: Through the Yth-Whtu Seal)

07. Shayr-Thàs (6th Passage: Walk the Oracular Way)

08. Namhera (7th Passage: Blasphemy of Ephereàs)

09. Eternity of Shaog (∞th Passage: Grave of Agony)

 10. Monotony of a Putrid Life in the Eternal Nothingness


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par mortne2001 le 20/11/2020 à 18:41
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