Second album des portugais de GAEREA, qui en 2018 nous avaient secoués d’un premier jet de bile et d’acide, présentant une version lusophone d’un Black Metal aussi barbare que créatif et riche. Passant de
Transcending Obscurity Records à Season of Mist, les originaires de Porto franchissent donc un cap et s’apprêtent à jouer dans la cour des grands, et il est évident que les musiciens en étaient conscients au moment d’enregistrer ce Limbo qui ne laisse guère place au hasard ou aux approximations. Enregistré aux Demigod Recordings, mixé et masterisé par Miguel Tereso, ce second effort de la bande est d’une écrasante puissance, d’une lourde majesté, et ouvre les portes de l’enfer en grand, histoire de bien nous inonder de créatures infernales et autres goules malfaisantes. Il est assez incroyable de noter la puissance dont fait preuve le groupe au moment d’asseoir sa réputation, et si ce LP ne contient que six titres, ses cinquante minutes prouvent que l’optique choisie était la bonne. N’utiliser que les idées les plus pertinentes, et alterner entre vélocité féroce et apaisement mélodique trompeur, pour proposer une somme de plans conséquente, et surtout, des structures évolutives qui confèrent à cette œuvre une aura maléfique délicieuse. Les portugais nous avaient déjà fait le coup avec l’impitoyable Unsettling Whispers, qui avait reçu un excellent accueil de l’underground, mais gageons que les fans du groupe seront convaincus par cette amélioration des points forts. Sans révolutionner le genre, les musiciens y apportent leur touche, et surtout leur professionnalisme. Proposant une approche séductrice, sans renoncer à une certaine éthique, les GAEREA se rapprochent dangereusement des meilleurs albums du genre, de ceux que le temps transforme en pierres angulaires, et d’ailleurs, sûr de son fait, le quintet entame son entreprise de déconstruction par un long pavé de plus de onze minutes qui met les choses immédiatement au point.
Evacuons immédiatement les détails techniques, en précisant que le quintet masqué a peaufiné tous les aspects de son retour, à commencer par cette gigantesque production qui fait trembler les murs et résonner les chuchotements dans les cryptes. Le son est ample, écrasant mais pas étouffant, les guitares virevoltent comme des psaumes démoniaques dans une église de prêtre défroqué, et le chant, habilement mixé porte de toute sa force son message de catharsis. La rythmique, évidemment très volubile, oublie un peu la basse dans le mixage, mais l’abattage impressionnant de la batterie fait vite oublier ce manque qui n’en est pas un. Stylistiquement, le groupe reste fidèle à sa démarche, et mélange BM de tradition, efficace et terriblement violent, et passages en Mid Heavy qui relancent la machine et maintiennent la pression. D’où cette sensation de souffle terrible et chaud qui se dégage des compositions, qui ne ménagent pas leurs efforts pour nous bousculer. Avec « To Ain », GAEREA se dégage une voie royale vers le cœur des esthètes du BM le plus pertinent et intelligent, et utilise le temps à bon escient, en passant d’un thème à l’autre sans perdre son fil conducteur. Si l’intro est suffocante de majesté, avec ses dissonances et ses percussions incantatoires, la construction en crescendo ne tarde pas à se mettre en place, permettant à une pluie de blasts de nous inonder l’âme. Conscients qu’on ne place pas une composition de plus de dix minutes sans réfléchir à son impact, le groupe agence son avancée, impose des cassures pressantes, avant de céder au charme d’un break Ambient du plus bel effet, dont les murmures s’accommodent très bien de ces arpèges en son clair en background. En un seul titre, GAEREA valide son retour, et nous sidère de sa maîtrise, et si son label n’hésite pas à placer quelques comparaisons sur la route (UADA, NUMENOREAN, THE GREAT OLD ONES, SVARTIDAUDI), le groupe de Porto se dispense très bien de parallèles tant son identité est devenue forte et imprimée au filigrane sur ses morceaux.
D’ailleurs, un seul des segments s’autorise une durée inférieure à cinq minutes, ce qui en dit long sur l’inspiration. Car malgré un timing très étiré, les compositions ne marquent jamais le pas, et font montre d’une créativité étonnante dans la bestialité maîtrisée. Constatation immédiatement confirmée par le terrassant « Null », qui mélange la crudité de l’école norvégienne et l’efficacité de la méthode allemande, avec ce mélange constant des tempi qui se succèdent à une vitesse folle. Si les riffs donnent parfois le sentiment de servir de texture d’arrière-plan (il est assez rare de les percevoir de façon claire), les harmonies qu’ils dispensent sont les pivots de cette réalisation, hésitant entre saccades classiques et lourdes attaques de médiator. Le chant, évidemment cruel et rauque est assurément l’autre point fort de cette œuvre et rapproche le groupe d’une version possédée d’un Post Hardcore soudainement passé de l’autre côté de la barrière. Il est toutefois difficile de se concentrer sur chaque segment d’un album qui ne contient que des idées valides. Et si « Glare » rappelle les meilleurs moments de MARDUK et DARK FUNERAL, si « Urge » se montre implacable de sa violence ouverte et sans limites, ce sont évidemment les titres les plus développés qui attirent l’attention. Accordons toutefois une mention spéciale à « Urge » pour son feeling Punk, Heavy et Hardcore sur les bords, mais la fascination dégagée par « Conspiranoia » porte le travail à une hauteur bien plus ambitieuse. Les portugais ont bien compris que le BM noble des années 2020 se doit d’exploiter des pistes un peu différentes que celles empruntées par ses aînés, et en acceptant cet héritage progressif, GAEREA se montre hypnotique lorsqu’il accepte d’aérer ses évolutions par des moments de faux calme plus inquiétant qu’autre chose.
Et comme pour mieux assommer définitivement l’auditeur et lui faire comprendre qu’il a affaire à un groupe à part, Limbo se termine sur un interminable pamphlet de plus de treize minutes, lui aussi rempli à ras bords d’harmonies acides, d’accélérations dantesques, de harangues vocales impitoyables, à la manière d’un MAIDEN complètement dévoué au malin. Et de fait, Limbo de ses limbes impénétrables et envoutants est plus qu’un simple album de Black Metal réussi. Il est un disque de musique extrême riche et précieux, un disque qui joue avec les limites et les possibilités, et l’œuvre d’un grand groupe qui en deux albums à peine se place déjà comme l’un des grands espoirs non de demain, mais d’aujourd’hui.
Titres de l’album:
01. To Ain
02. Null
03. Glare
04. Conspiranoia
05. Urge
06. Mare
Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)
16/09/2020, 22:12
16/09/2020, 21:49
15/09/2020, 22:30
15/09/2020, 22:06
gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)
11/09/2020, 12:32
Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???
11/09/2020, 10:59
Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)
11/09/2020, 08:04
Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...
11/09/2020, 07:25
Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)
10/09/2020, 21:27
Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)
10/09/2020, 11:22
J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)
10/09/2020, 11:18
L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.
10/09/2020, 09:45