Loop of Yesterdays

Azusa

10/04/2020

Indie Recordings

Après avoir secoué l’underground il y a deux ans avec Heavy Yoke, le complot international AZUSA n’avait pas la tâche facile. On pourrait croire que l’étape de prise de connaissance est la plus complexe, mais c’est certainement le processus de confirmation qui l’est. Séduire de son étrangeté au premier rendez-vous n’est pas chose ardue, mais persuader le public du bienfondé de votre excentrisme n’est pas donné à tout le monde, spécialement lorsque les fans conquis vous ont accordé leur confiance. Alors, deux ans après avoir encaissé cette claque initiale, deux ans après s’être perdu en conjectures, à se gratter la tête pour essayer de savoir quelle direction les musiciens allaient emprunter, la réponse est là, sous nos oreilles. Une fois de plus prodiguée par les norvégiens d’Indie Recordings, certainement trop heureux de s’y obliger. Retrouvons donc la bande au grand complet, qui après mure réflexion, dure composition et choix artistique nous en revient avec un questionnement à la Jour sans Fin, et une boucle du passé dont on souhaite ardemment s’extirper à certaines époques de notre vie. Loop of Yesterdays bien que lardé de similitudes, n’est pas Heavy Yoke, il n’en a pas le choc initial, il n’en a pas la surprise, et ne pouvait pas tabler sur l’effet d’étonnement, son prédécesseur ayant déjà trop balisé le terrain pour ça. Et la question était de savoir comment le collectif international allait s’y prendre sans pouvoir tabler sur cet effet de manche, ne pouvant se reposer que sur ses qualités propres pour séduire l’auditeur avide de sensations inédites. Et après quelques écoutes de ce sophomore, les inquiétudes laissent la place à une satisfaction dépassant le simple cadre du soulagement. Loop of Yesterdays est d’une qualité égale, parfois supérieure, plus varié, plus affirmé et plus posé à la fois, et se hisse au niveau d’un successeur/ascendant, résultat qu’il n’a pas atteint par hasard et sans réfléchir. Car aussi talentueux soient-ils, les musiciens qui composent le groupe n’en sont pas nés de la dernière pluie, et on bien relu leur copie.

L’équation du line-up étant la même (Liam Wilson des DILLINGER ESCAPE PLAN à la basse, mais aussi Christer Espevoll (guitare) et David Husvik (batterie) d'EXTOL, et Eleni Zafiriadou (chant), des SEA + AIR), la seule inconnue restait la direction artistique de l’album, qui se devait de proposer le même éclectisme extrême de son illustre aîné. Après écoute superficielle de quelques morceaux, la variable s’imposait d’elle-même, et évitait le piège en boucle de son titre. Avec des textes focalisés sur la prise d’âge et de maturité, le deuil, la perte, les souvenirs et tout autre thème lié à l’humain. Du baptême de ce second LP, Eleni nous avoue un rêve qu’elle a fait, lié à ce vers qu’elle utilise, « cannot lose myself in a loop of yesterdays ». Une Eleni qui s’est perdue elle-même, et qui pour revenir à la réalité du présent a dû se prendre en main. L’aide précieuse de ses collaborateurs lui a permis de puiser en elle-même les mots nécessaires pour expliquer sa démarche, et l’amplitude stylistique de Loop of Yesterdays prouve que la combinaison des quatre talents différents fonctionne toujours aussi bien. Techniquement, le disque a été une fois de plus élaboré par les deux frères siamois EXTOL, avec un enregistrement aux Hawk studios d’Oslo, fief de David Husvik, et un mastering peaufiné par les deux hommes. Les sessions se sont d’ailleurs étalées sur deux ans, commençant alors que le premier LP sortait à peine du pressage, et avec un coup de pouce de Nick Terry (SERENA MANEESH, KVELERTAK, TURBONEGRO) au mixage, et un mastering peaufiné par Jens Bogren (OPETH, AT THE GATES, BETWEEN THE BURIED AND ME), Loop of Yesterdays possède cette patine unique, un peu floue, un peu jaunie, un peu plurielle dans la cire qui permet aux morceaux les plus crus de sonner très sec, et aux titres les plus expérimentaux et évanescents de s’échapper d’un rêve.

Une fois encore, l’ambiance a donc été travaillée à l’extrême, ce qui a permis aux musiciens/artistes de taper tous azimuts. Entre les inserts éclair d’une violence inouïe, les titres atmosphériques plus élaborés, et les surprises en entre-deux, ce second chapitre surprend de sa lucidité et de son culot. Toujours aussi à cheval entre les genres qu’ils ont pratiqué/pratiquent, ces représentants de la première ligne extrême internationale ont eu un vaste choix pour que la magie opère encore, optant pour une attaque franche et massive. D’ailleurs, avec son titre en clin d ‘œil, « Memories of an Old Emotion » semble opter pour la double référence, avec en premier lieu un clin d’œil au premier album, et en second une allusion absolument pas déguisée à la thématique de cette fameuse boucle qu’évoque Eleni dans ses textes. D’ailleurs, le sentiment exposé par la chanteuse prend forme au travers d’un morceau en dualité, reposant d’un côté sur l’un des riffs les plus denses du répertoire du groupe, et de l’autre sur une mélodie désincarnée symptomatique de la scène Pop alternative des années 90. En gommant l’aspect le plus rude et en utilisant des ficelles Pop et Rock, « One Too Many Times » reprend peu ou prou le même schéma que Heavy Yoke exposait. On reconnaît évidemment la signature des membres d’EXTOL, et leur façon totalement nordique de traiter le Thrash non comme un simple exutoire, mais comme un art à part entière. Les instruments semblent tous en place, et s’imposent avec logique, pourtant le tout exhale d’un parfum irréel, comme une boite à musique étrange, ou une station de radio mal calée entre deux émissions contraires, et le particularisme du groupe n’a donc pas laissé la place à un consensus de surface, ce qui est extrêmement rassurant.  

Entre les deux chapitres n’existe pas une distance infranchissable. Ils semblent parfois reliés par une corde assez grossière (« Detach »), ou un thème conducteur remarquable (« Seven Demons Mary »). Mais ce qu’on apprécie surtout sur ce deuxième longue-durée, c’est cette capacité renouvelée à surprendre et mélanger les genres sans sonner « forcé », sans que l’originalité soit constamment convoquée, mais plus suggérée. Et si « Loop of Yesterdays » retrouve l’évanescence de la Folk nordique puriste des années 70, « Kill / Destroy » contrebalance avec son ambiance de Thrash/Hardcore, qui scelle l’union entre les EXTOL et l’ex-DILLINGER ESCAPE PLAN. Rien de foncièrement surprenant de la part de ces gars-là, mais toujours cette symbiose entre des artistes d’horizons différents, qui ne souhaitent pas plus aujourd’hui être classés qu’hier, et qui avancent, à leur rythme, pour peut-être accoucher d’un style unique (« Golden Words »), propre à leur démarche, en acceptant l’influence de décades s’étant écoulées avant leur existence. Ayant eu la chance de disséquer Heavy Yoke et d’interviewer les membres du groupe à l’occasion de sa sortie, je n’ai rien trouvé de fondamentalement surprenant sur Loop of Yesterdays. La qualité de l’album lui-même ne m’a guère déstabilisé, car j’avais totale confiance en ces musiciens toujours capables d’assurer même là où on les attend forcément. Ce second volet ne m’a donc ni rassuré (je n’étais pas inquiet), ni déséquilibré, mais j’en ai apprécié les nouvelles tendances (« Monument » et son PIXIES style revu et corrigé MY RUIN), et la densité générale. Un disque qui ne risque pas de vous piéger dans une boucle d’ennui, tant sa créativité évite toute redondance.       

                                                      

Titres de l’album :

                        01. Memories of an Old Emotion

                        02. One Too Many Times

                        03. Detach

                        04. Seven Demons Mary

                        05. Support Becomes Resistance

                        06. Monument

                        07. Loop of Yesterdays

                        08. Rapture Boy

                        09. Skull Chamber

                        10. Kill / Destroy

                        11. Golden Words

                        12. Ritual Aching

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 25/04/2020 à 14:48
88 %    588

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45