Oblivion

Digression Assassins

03/02/2019

Autoproduction

Tu écoutes un groupe, tu peines à le classifier, il utilise des structures de composition alambiquées, il use et abuse de longues digressions, il place la technique au-dessus de la moyenne globale, alors, par facilité, deux appellations vont frapper ton coin de table du bon sens. Ne le nie pas, tu es comme tout le monde, et toi, chroniqueur, tu dégaines du « Metal Progressif » et du « Post Metal » aussi facilement que notre chef de l’état distribue des « fichtre », des « diantre » ou des « Peu me chaud ». Après tout, c’est rudement pratique ce genre d’étiquettes suffisamment vagues pour y coincer tous ceux qui ne rentrent pas dans une norme. Et si jamais les deux prises séparément ne suffisent pas à baliser le terrain, tu les combines, histoire de passer pour un lettré pointu. Et justement, en sombrant dans la facilité, je pourrais affirmer que mes suédois du jour s’inscrivent dans une ligne de Post-Metal progressif, puisque justement, leur musique est inclassable, pointue, élaborée, précieuse, sauvage, complexe et pourtant très émotionnelle et concrète dans les faits. Avec ce genre de glissade, je me tire d’un mauvais pas qui m’obligerait à analyser plus en profondeur leur art, mais qui au final, serait d’une condescendance rare eut égard à ces musiciens…rares. Et après écoute de cet Oblivion dont justement le but est de nous éloigner de notre zone de confort et nous forcer à réfléchir un peu sur l’impact qu’une musique plus riche que d’ordinaire peut avoir sur notre organisme, je me vois dans l’obligation de remiser mes formules toutes faites et autres amalgames de principe, puisque les neuf morceaux de ce nouvel album sont d’une importance conséquente, unissant dans un même désir le Rock, le Metal, le Progressif, le Post, et tout simplement des tendances presque élitistes dans les faits, mais terriblement humbles dans le fond.

Le projet DIGRESSION ASSASSINS est un peu comme la dernière pluie, il n’est pas né d’hier. Mais de 2005 plus précisément, et peut aujourd’hui se targuer d’une discographie fournie et conséquente. Avec pas moins de six longue-durée à leur actif, dont ce dernier né, ces originaires de Stockholm marquent un désir franc de s’éloigner des standard de production nationaux, en évitant la Pop racée, le Metal brossé, le vintage fardé ou l’extrême un peu trop connoté. Et si d’aventure vous n’aviez pas encore écouté les œuvres de ce quatuor, je vous engage immédiatement à réparer votre erreur en prêtant attention à Next Stop Can Only Be Supposed (2006), Omega (2008) Alpha (2011), Heavy Waters (2013) et Merkaba (2015), avant de vous immerger dans la découverte d’Oblivion, qui à n’en point douter vous plongera dans un oubli total du reste de la concurrence. Ce sixième chapitre fait partie des travaux qu’il est relativement difficile de décrire avec acuité, et qui se verra autant loué par ses admirateurs que critiqué par ses détracteurs. Conjuguant la préciosité du Progressif moderne, avec cette habileté instrumentale qui profite aux meilleurs élèves et ces signatures rythmiques multiples et abstraites, la puissance du Metal le plus acéré qui griffe de ses riffs et qui concasse de ses accélérations, et les mélodies évanescentes et pures du Post Metal, Oblivion est en quelque sorte un point de convergence très habile, d’une portée majeure, mais d’une approche assez difficile ne le nions pas. Semblant se complaire dans tout ce qui peut caresser dans le sens inverse du poil, les suédois se rappellent des méthodes d’EXTOL, celles prônées par Synergy, mais aussi des us et coutumes de VIRUS, plaçant les dissonances et l’étrangeté au-dessus de toute autre composante en tant que cheval de bataille. C’est d’ailleurs pour ça qu’on peut sans paraître incongru parler de Post Thrash lorsque le magique et impénétrable « Slave » vous heurte les oreilles après une courte intro, et la superposition des deux références utilisées précédemment prend alors tout son sens. Mais en bons scandinaves qu’ils sont, et à l’image de leurs confrères norvégiens signés sur Indie Recordings, les DIGRESSION ASSASSINS nagent beaucoup plus profond que la surface des choses, et aiment à brouiller les pistes, à tel point que les créneaux temporels deviennent obsolètes dans leur univers.

Ainsi, les plus anciens ne manqueront pas d’évoquer le CYNIC le plus puriste, tandis que les plus jeunes argueront d’une ressemblance assez frappante avec le(s) monde(s) de notre cher Devin TOWNSEND, même si les deux allusions peinent à servir de repère. Mais en découvrant les textures superposées de « The Velveteen Heroine », impossible de ne pas penser à ces deux icones, auxquelles on pourrait associer la figure paternaliste de DREAM THEATER (via son inspiration RUSH), perdues dans un rêve à la WATCHTOWER moderne, sans l’imbrication un peu superficielle de plans qui se chevauchent inutilement. En gros et en détail, la quintessence d’un art qui refuse la facilité et les idées convenues, mais qui ne sombre pas dans le piège grossier de l’avant-garde stérile et uniquement destinée à flatter les égos. En prenant soin de ne jamais déborder du cadre en laissant les bavardages s’éterniser au-delà d’une durée raisonnable, les quatre instrumentistes (Andrés Breuer Torres - batterie, Zoran Bronco - guitare, David Catala - guitare/chant et Alex Teklemariam - basse) ne jouent pas avec nos nerfs et n’usent pas notre patience, préférant s’en remettre à des jeux de percussions et à des harmonies lancinantes pour nous extirper de notre routine usante (« Oblivion », sorte de NEUROSIS enfin apaisé et débarrassé de ses démons qui se réconcilie soudainement avec MORDRED et LIFE OF AGONY). Et à force de se perdre dans le dédale de leur imagination, on se croit enfermé dans les cauchemars communs de RUSH et YES, mis en scène par un Michel Gondry pas encore remis de sa dernière insomnie, quand tout à coup, un excès de brutalité vient nous extirper de notre déviance via le percutant « The Devils Pit ». Transposition d’un classique du Thrash des 80’s dans une époque troublée par l’innovation, ce morceau en césure à l’hémistiche est un modèle du genre, et la preuve que les suédois sont capables d’à peu près tout en moins de cinq minutes, passant sans vergogne et avec une aisance incroyable de la puissance ciselée à la contemplation acide. On commence donc sans ceinture, et on finit allongé sous une nuit d’étoiles, avant de reprendre notre route sans être vraiment sûr du chemin à suivre.

Progressif, Oblivion l’est donc par essence et par définition. Metal, par défi, et presque par procuration. Aussi créatif que libre et fou, mais surtout, exempt de toute figure imposée, pour nous obliger à supporter les effluves d’un saxo qui s’époumone sur un instrumental psychédélique, pachydermique et dissonant, comme une marche funèbre célébrée par les CULT OF LUNA en hommage à Kenny G. PRIMUS, les RESIDENTS, DIABLO SWING ORCHESTRA, RUSH, les MOVING GELATINE PLATES, tous ceux-là et encore plein d’autres, qui marchent de guingois, qui louchent mais dont la vue perçante leur a toujours permis de trouver des échappatoires. VOÏVOD aussi, mais pourquoi pas DEATHSPELL OMEGA et EXTOL (« Cult of Grief »), et surtout, une intense satisfaction, qui vous fait réaliser qu’un ailleurs est toujours accessible, celui qui nous mène dans l’hyperespace de la finesse technique mise au service d’une créativité audacieuse (« Southern Metaphysical »). Et histoire de nous la jouer à l’envers jusqu’au bout, les quatre venus du froid terminent leur odyssée en laissant la mesure de côté, pour nous saluer d’un « True Mockery » de plus de sept minutes résumant les propos précédents…Production clean mais un peu abrasive, vocaux versatiles quoi qu’un peu trop linéaires, osmose générale patente, et sixième album quasi parfait pour les DIGRESSION ASSASSINS, qui continuent leurs expérimentations tout en ayant déjà peaufiné leur style. Loin des formulations faciles et restrictives, mais hors de portée d’un élitisme qui n’a pas lieu d’être et qu’ils conchient de leur talent.    


Titres de l'album :

                          1.Prepatory transition

                          2.Slave

                          3.The Velveteen Heroine

                          4.Oblivion

                          5.The Devils Pit

                          6.Psychosis

                          7.Cult of Grief

                          8.Southern Metaphysical

                          9.True Mockery

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par mortne2001 le 30/03/2019 à 18:52
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