Pax Moriendi

Antichrist

09/03/2018

Iron Bonehead

Jugez du peu, la bible Encyclopedia Metallum ne recense pas moins de huit combos répondant au nom d’ANTICHRIST. Avouez qu’entre les homonymes australiens, canadiens, allemands, hongrois, suédois et anglais, il y a largement de quoi se perdre…Mais cet ANTICHRIST là ne vient ni d’Europe, ni des Etats-Unis, mais bien de Lima, Pérou, et présente donc des caractéristiques légèrement différentes de ses homologues. Et nous le savons, le Metal sud-américain à ses propres codes, et cette entrée ne déroge pas à la règle, puisque si la quasi-totalité des ensembles ayant adopté ce doux patronyme se répandent en effluves Black ou Thrash, nos amis bestiaux du jour eux préfèrent les douces sonorités du Doom, qu’ils agrémentent d’une lourdeur Death à faire passer les DISEMBOWELMENT pour de joyeux drilles jamais avares d’une blague musicale…Fondé en 2004, ANTICHRIST a toujours plus ou moins suivi la même ligne de conduite, privilégiant la lourdeur au détriment de la vitesse, mais ne s’est jamais montré moins cruel pour autant. Après avoir préparé son grand soir pendant plus de dix ans, ne produisant aucun format, les péruviens se sont soudainement réveillés en 2014, estimant sans doute que dix ans était un laps de temps largement suffisant pour la réflexion et l’élaboration d’un répertoire conséquent. Dès lors, les démos se sont enchainées, entre 2014 et 2016, histoire de peaufiner une optique qui se satisfait pourtant très bien d’un gros œuvre de base…Mais il est dit que 2018 sera l’année de ce quatuor, puisqu’ils se lancent enfin dans le grand bain d’un longue-durée, via cet impitoyable Pax Moriendi qu’Iron Bonhead s’est empressé de distribuer. Et une fois encore, le label ne s’y est pas trompé, puisque cette musique sombre et glauque mérite en effet d’être exposée en pleine lumière après être restée dans l’ombre aussi longtemps. Sauf que même en plein soleil, les membres du groupes restent d’une pâleur blafarde, et que leurs morceaux ne bénéficient pas d’un regain d’énergie que l’astre solaire aurait pu leur conférer.

J’évoquais DISEMBOWELMENT à titre de comparaison, et même à plus de vingt ans d’intervalle, il est certain que les deux groupes partagent bien des points de vue. Même propension à vouer à la lourdeur obsessionnelle et maladive une fascination pathologique, et même désir de la confronter à l’épaisseur putride d’un Death formaliste et puriste histoire d’en accentuer les côtés les plus malsains. Il est logique aussi à l’écoute de ce premier LP de penser à des références comme WINTER, SKEPTICISM ou même THERGOTHON, sans que les options ne se resserrent trop pour ne pas considérer les péruviens comme leur propre source d’inspiration. D’aucuns y verraient même de solides traces putrides d’un ENCOFFINATION une fois de plus ralenti à l’extrême et aux lignes vocales encore plus graves que d’ordinaire, et le mélange de toutes ces allusions peut donner en effet un aperçu fidèle de la musique encombrant les sillons de Pax Moriendi, qui ne s’embarrasse pas de principes, mais qui prend quand même le temps de structurer ses chapitres et d’adjoindre à l’instrumental un synthé tout à fait à propos. En résulte une approche monolithique certes, mais aérée dans la forme, qui ose des breaks précis et des digressions assassines pour stimuler les tympans de ses auditeurs potentiels, et leur donner une possibilité d’entrevoir ce qui les attend une fois poussées les lourdes portes d’un purgatoire qui les attend forcément.  Doté d’un son gigantesque, le quatuor (Agalariept - chant,  Manolo Zaren - guitare/claviers, Gustavo Rodriguez - basse et Luis M.Guerra - batterie) peut donc laisser cours à sa funeste imagination pour tisser des trames gluantes nous empêtrant dans leurs filets, et ne relâchant leur emprise que lors d’intermèdes brefs sombrant dans l’acoustique ciselée. Mais avec cinq morceaux pour un timing de quarante-cinq minutes, autant dire que ces intermèdes sont rares et que la plupart du temps, les péruviens privilégient une lourdeur oppressante, transformant les épidémies de peste noire du moyen-âge en joyeuse distraction pour médecins chafouins.

Il convient de voir en ce premier album une procession ininterrompue, qui avance d’un pas lent et lourd, mais dont les échos de crainte se font ressentir jusque dans le cœur des plus intrépides. L’image sonore projetée par Pax Moriendi suggère une résignation à l’inévitable, et n’offre que peu de perspectives d’espoir, même lorsque la rythmique stoppe ses activités et qu’une guitare en son clair vient aérer. Un seul but les anime, compresser votre cage thoracique pour vous étouffer d’une lancinance impitoyable, qui parfois, se transforme en violence Death tout à fait symptomatique du courant sud-américain le plus historique (« Screams and Lamentations Drowned », intro surprenante se sevrant des influences scandinaves pour les rendre encore plus maladives, avant bien sûr de retomber dans les travers d’une lenteur cathartique). Mais ce « court » intermède nous permet de retomber plus ou moins sur nos pieds, entre les agressions ininterrompues de « In the Dark and Mournful Corner of Memory » (onze minutes à peine allégées de quelques arrangements de synthé épars) et du final « You Will Never See The Sun Light », qui du haut de ses douze minutes évoque le calvaire d’une mise en terre inopinée, ou d’une souffrance d’isolation dans la cave d’un psychopathe. Pourtant, malgré les longues litanies éprouvantes qui jonchent ce premier album, on note de çà et là un désir de ne pas rester accroché à un même thème, histoire d’en user la corde de pendaison jusqu’au dernier brin de chanvre. Même si les modulations sont plus que rares, elles ont le mérite d’exister, et il est certain que la grandiloquence morbide de ce clavier aux volutes évanescentes permet au projet d’acquérir une dimension différente, transformant la douleur et la mort en Catharsis poétique. Nous sommes certes constamment agressés par un duo rythmique qui ne fait aucun effort pour accélérer un peu le tempo, et par une guitare downtunée qui s’abreuve du désespoir de ses riffs pour se montrer franche dans ses désillusions, mais aussi par un chant abyssal, apte à faire passer le vomi des MORTICIAN pour un nectar succulent et chargé en sucre. Mais nonobstant ces remarques tout à fait justifiées, il se dégage de ce premier longue-durée une poésie funèbre à laquelle il est difficile de résister, et parfaitement incarnée par ce splendide final « You Will Never See The Sun Light ».     

Construit comme une descente aux enfers dont chaque étape est décrite avec force détails, cette homélie terminale ose le silence, les brisures, les intermèdes, les mélodies anémiées, et surtout, incarne avec acuité des murs suintants de peur, des escaliers sans fin, et des corridors empestant la pourriture. On y sent les dos brisés par le destin, et on y voit les visages à la blancheur morbide affrontant le jugement dernier, et surtout, la foi d’un groupe en son style propre, qui en transcende très subtilement les aspects les plus inamovibles, pour en oser une vision progressive. Le résultat est donc beaucoup plus riche qu’une simple addition de plans statiques, et de fait, Pax Moriendi incarne une acmé de Doom/Death qui pourrait à l’avenir devenir un jalon d’importance de la scène.


Titres de l'album:

  1. Forgotten in Nameless Suffering
  2. Obscurantism
  3. In the Dark and Mournful Corner of Memory
  4. Screams and Lamentations Drowned
  5. You Will Never See Sun Light

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par mortne2001 le 24/03/2018 à 18:41
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