Saint

Lynn

 

Musiko Eye

Une pochette terriblement séduisante, des photos promo ne l’étant pas moins, mais un étiquetage qui donne des sueurs froides. Dark Nu Metal ? Le genre de combinaison pas du tout ignifugée qui me donne envie de fuir à des lieues d’un incendie de modernité que je ne supporte plus depuis longtemps, et à vrai dire, que je n’ai jamais vraiment pu enfiler…Et puis d’abord, que veut dire cette association de termes ? Nu Metal ou Néo Metal déjà, quelle différence ? Et Dark…Ok, donc un truc sombre, qui joue sur de gros riffs épais, une rythmique massive, et un chant qui hésite entre caresses et griffures ? Mais finalement, peu importe, les labels étant comme les préjugés, faits pour être foulés au pied. Et dans le cas des LYNN, les préjugés n’ont pas la vie dure tant la qualité de leur musique explose aux oreilles dès les premières mesures. Venant de Paris, ce quatuor aux dents longues nous offre donc via MusikO Eye son premier longue-durée qui risque fort de faire parler de lui de par sa singularité, mais surtout, sa qualité. Existant depuis 2016, et articulé autour d’un trio instrumental (Guillaume - guitare, Dimitri - batterie et Ray - basse) sur lequel se greffe une chanteuse au coffre puissant (Anna), LYNN est fasciné par les histoires d’horreur, réelles ou non, et son premier album rendait hommage aux pauvres sorcières de Salem, brûlées sur le bûcher de la peur et de l’obscurantisme religieux. Un thème souvent abordé, mais d’une façon très personnelle, et qui laissait augurer d’une suite digne d’intérêt, ce que Saint confirme dès ses premiers instants. Et cette pochette au noir et blanc abscons en dit plus long qu’il n’y paraît au prime abord, nous révélant une partie des secrets d’un collectif qui ne fait pas grand-chose comme tout le monde.

Neuf morceaux, courts, concis, mais débordant d’idées, pour un album qui étonne, qui frappe fort, s’incruste dans les mémoires de ses mélodies amères et de ses coups de sang immédiats. En étant parfaitement honnête, je n’ai que trop rarement été le témoin d’un tel professionnalisme de la part d’un groupe qui n’a entamé sa carrière que trois ans auparavant, à tel point que l’auditeur aura souvent la sensation d’écouter l’œuvre d’un groupe confirmé au parcours remarqué. Son qui déchire la nuit de ses déflagrations en écho, interprétation habitée et convaincante, et ambiance prenante, à la lisière d’une nuit qui n’en finit plus et qui laisse les cendriers pleins et l’âme vide comme une gouve sans moineaux. Certes, les riffs taillés par Guillaume s’abreuvent à la fontaine du Metal le plus contemporain et populaire, mais il émerge une aura unique de ces chansons sombres et glauques, qui pourtant utilisent les mélodies comme nuances indispensables à une rage terrible et expressive. Je me refuserai d’ailleurs aux comparaisons qui n’auraient pour effet que de minimiser le talent des parisiens, leur musique tenant debout d’elle-même, et la voix d’Anna représentant un point d’ancrage dont peu de groupes peuvent se targuer. Anna ne chante pas, elle vit les morceaux, elle hurle, module, crie, tempête, mais donne corps à des histoires qu’on est ravi de ne pas avoir vécues, tandis qu’en arrière-plan, ses trois compères tissent un canevas de Néo Metal à tendance Metalcore inspiré, à défaut d’être totalement original. Mais l’association d’un formalisme instrumental et de cette interprétation vocale tragique et totalement théâtrale créé une atmosphère éprouvante en décalage, presque déliquescente, et nous entraîne dans les sous-sols d’une imagination vouée aux aspects les plus occultes et sombres de l’humanité, pour un résultat qui ne peut laisser indifférent.

Bien sûr, et en toute honnêteté, certains thèmes, quelques riffs, des plans rythmiques sont encore emprunts d’un classicisme de rigueur. Mais même en prêtant attention à ces quelques détails, on ne peut s’empêcher d’être fasciné par un groupe capable de s’extirper de la masse des suiveurs en transcendant ses influences pour tenter d’en devenir une. C’est patent dès le départ, mais encore plus sur le title-track « Saint », pour lequel Anna donne tout ce qu’elle a dans le cœur, l’âme et le corps, et nous bouscule de son chant complètement possédé, qui avouons-le fait un peu peur parfois. On l’imagine très bien en poupée désarticulée au fond d’une cave abandonnée, écoutant le grincement d’une porte qui s’ouvre pour la millième fois, mais qui aujourd’hui la laissera sortir pour exhorter sa douleur. D’abord plaintive et fragile, la chanteuse finit par se laisser aller et se sortir les tripes pour incarner un personnage tangible, développant des qualités incroyables pour permettre à ce morceau de devenir un futur hymne live terrassant. Si la guitare de Guillaume ne s’écarte que très peu des préceptes en vogue dans le Metalcore moderne, alternant les breakdowns et les saccades millimétrées, la lourdeur et la noirceur que le musicien insuffle à ses parties permet au groupe de se hisser hors du nuage toxique de la banalité Core moderne, soutenu dans cette tâche par une vocaliste capable de magnifier n’importe quelle partie convenue.

LYNN comme tous les groupes parfaitement à l’aise avec leur optique contemporaine, est tout à fait capable de varier les climats pour ne pas lasser, sans tomber dans la mièvrerie convenue. Ainsi, « Cannibal », après une longue intro évolutive et harmonieuse, titille le spectre de la scène Nu Metal de la fin des nineties, tout en lui transfusant une bonne dose de sang neuf, à base de riffs Dark n’Doom, immédiatement allégés par la voix enfantine d’Anna. Refusant les gimmicks de production et ayant pris le temps de composer de véritables morceaux, les parisiens insufflent à Saint un sang nouveau, et un son moins normatif, osant le décalage entre des arpèges acides et des lignes de chant épurées (« Sythius »), trouvant toujours un point de focalisation entre la violence la plus crue et la séduction la plus ouverte. Il reste encore quelques erreurs de jeunesse à gommer (systématisme de certaines idées, riffs parfois un peu trop faciles), mais leur marge de manœuvre et de progression est énorme, et considérant ceci comme un premier jet, nous sommes en droit d’attendre de ces quatre jeunes musiciens le meilleur et le moins prévisible pour l’avenir, pour peu qu’ils développent leurs traits de caractère les plus personnels en prenant leurs distances avec les quelques poncifs de genre qu’ils gardent encore sous le coude. Mais Saint n’en reste pas moins un premier chapitre d’importance, permettant au Nu Metal et au Metalcore de sonner autrement que comme la pseudo-rage bien inoffensive d’une génération en mal de slogans musicaux préfabriqués.     


Titres de l’album :

                          1. Auror

                          2. Lithian

                          3. Saint

                          4. Flesh

                          5. Cannibal

                          6. Nothingness

                          7. Sythius

                          8. Moonviola

                          9. Eroll

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par mortne2001 le 23/07/2019 à 16:46
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