Ultime Eclat

Glaciation

28/02/2020

Osmose Productions

Je suis désolé, mais je suis humain et j’ai des défauts. Mais j’ai une grande admiration pour Nicolas Saint-Morand, celui qui préfère être désigné sous le sobriquet de RMS Hreidmarr. Comme tous les artistes qui assument leurs positions et leur morgue, l’homme déclenche des réactions contradictoires. Il provoque autant la haine que l’amour, et ce depuis le début de sa longue carrière, et aujourd’hui, même si la plèbe s’est calmée à son propos (sans parvenir à un consensus), sa simple présence suffit à conférer à un projet une odeur de soufre. Et depuis que le chanteur/narrateur a rejoint les rangs de GLACIATION en 2014, le groupe n’a plus jamais été le même. Aujourd’hui d’ailleurs, avec beaucoup d’ironie, le chanteur est devenu le plus ancien membre d’un concept né bien avant qu’il n’en ait connaissance, apposant donc sa griffe encore plus profondément dans les œuvres d’un groupe qui n’en est pas un. A l’origine, en 2011, GLACIATION avait déjà tout du supergroupe des enfers, et fut formé par le triptyque historique Valnoir (THE CNK, SOMBRE CHEMIN), François Duguest (ODITEOHR), et Hugo Moerman (NECROBLASPHEME), auxquels s’étaient ajoutés pour l’enregistrement du premier EP Jean Deflandre (batterie – ALCEST), et l’incontournable Neige (guest chant).

Depuis, deux longue-durée sont venus alimenter la machine à fantasmes, les musiciens sont venus et partis, mais tous ceux ayant posé leurs oreilles sur 1994 ou Sur les Falaises de Marbre n’ont jamais oublié cette expérience unique. A l’origine, et les pedigrees le permettant, le groupe se voulait laboratoire de studio pour retrouver le son originel du BM des nineties, ce son si froid, cette ampleur unique, cette épaisseur conséquente de violence. Mais avec de tels musiciens aux commandes, l’objectif de départ a fini par dériver, pour représenter une sorte de transposition temporelle, une digression magnifique, une théâtralité obscure, et ainsi, traduire le vocable nordique dans un langage contemporain, sans perdre de son essence. Nous avions bien senti le glissement dès Sur les Falaises de Marbre, et l’arrivée de Hreidmarr au poste de vocaliste. Mais à l’époque, François Duguest et Hugo Moerman étaient encore là pour assurer la transition, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Et aujourd’hui, GLACIATION n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle créature aux ficelles manipulées par Hreidmarr qui transforme sa marionnette en goule diabolique, perdue dans un monde de glace et de sang, prête à nous raconter ses massacres dans un Ultime Eclat

Alors, certes, j’en conviens, j’admire Hreidmarr. Mais j’ai mes raisons, et ces raisons s’appellent ANOREXIA NERVOSA, The CNK ou BAISE MA HACHE, des groupes au sein duquel le chanteur peut exprimer tout son potentiel et laisser libre court à ses divagations dramatiques, avec toujours en exergue cette folie instrumentale qui le pousse à toucher à tout. Au sein de GLACIATION, il retrouve ses pulsions anciennes d’ANOREXIA NERVOSA, cette propension à tout exagérer, à transformer chaque vers en sentence qu’il déclame de sa voix toujours aussi rauque et stridente, à déguiser chaque couplet en poème de mort qui vous gèle sur place. Alors, beaucoup regretteront qu’il se soit approprié le leadership de GLACIATION, qu’ils auraient préféré plus underground, plus solidement professionnel, et certainement, plus neutre. Mais aussi intéressant fut en son temps 1994, il ne peut rivaliser avec Sur les Falaises de Marbre et encore moins avec Ultime Eclat, qui représente plus ou moins la quintessence de la démarche d’origine revue et corrigée par une nouvelle armée. On retrouve donc autour de Nicolas une nouvelle bardée de mercenaires aux parcours plus ou moins illustres, avec à la basse, au piano et mellotron Katia von Wasgau (LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL, VENT DEBOUT), à la batterie Grégoire Galichet (DEAD SEASON, DEATHCODE SOCIETY, DJABAH, ECCLESIA, WARKUN), L.X. Sethnacht à la guitare (ESCHATON), ainsi qu’Arnhwald (DEATHCODE SOCIETY, ECCLESIA), à la seconde guitare et au chant clair. Belle brochette donc, qui n’a peut-être pas la superbe des combinaisons antérieures, mais qui confère à ce troisième LP une aura très particulière, comme si le concept avait abandonné toute raison pour atteindre les cimes du BM autrefois plantées de leur drapeau par les héros norvégiens et suédois.

Musicalement, GLACIATION est toujours aussi difficile à cerner ; on sent bien évidemment en filigrane que le groupe souhaite toujours se rapprocher d’une époque où tout restait encore à définir, ou EMPEROR perfectionnait sa perfection, ou MAYHEM tentait de faire oublier sa triste légende en devenant trop technique sous l’impulsion d’Hellhammer, mais on comprend aussi que les musiciens sont très conscients que depuis, la scène française a comblé son pseudo retard de départ, et qu’une génération de musiciens extraordinaires a succédé aux légions noires. Au revoir l’underground donc, et un salut tendu à tous les acteurs de la scène, MALLEUS MALLEFICARUM, ALCEST, les Acteurs de l’Ombre, mais aussi évidemment, ANOREXIA NERVOSA. Et avec cinquante minutes pour sept pistes uniquement, ce troisième chapitre est un monstre de glace, un monument érigé au nom de la grandeur, et certainement le meilleur album de BM qu’il m’ait été donné d’entendre depuis très longtemps.

Sans gimmicks, sans trouvaille en astuce, le quintet renouvelé a continué le travail entrepris, en le portant à un degré de professionnalisme sidérant. Malgré une longue intro de rigueur, l’amplitude du travail surprend immédiatement via les premières secondes de « Ultime Eclat », le title-track d’un album en forme de film pour les tympans. Le chant, toujours aussi unique en son genre se plaque sur une bande instrumentale faite de guitares qui dévient sans cesse, d’une basse qui ondule en arrière-plan, et d’une rythmique qui s’adapte aux segments, osant la pesanteur lorsque la vélocité n’a pas lieu d’être. Aussi redondant que culotté, le BM de GLACIATION ne supporte toujours pas la demi-mesure, et n’accepte que l’exagération, avec des lignes de chant excessives, des plans trop majestueux, et lorsque résonne « Le Rivage », tout y est dit, ou presque. Ultime Eclat fait briller le passé pour rendre le présent moins terne, et se hisse au niveau des meilleurs travaux d’EMPEROR, sans avoir en copier l’unicité. On pense parfois à un mélange improbable entre WOLVES IN THE THRONE ROOM et PESTE NOIRE, mais Hreidmarr a cette personnalité unique qui lui permet de n’être que lui-même dans un monde de références trop faciles. Néanmoins, détailler ce troisième chapitre en le disséquant comme un cadavre encore chaud serait blasphème au regard de son organisme toujours plus complexe qui se doit d’être conservé en l’état. En optant pour une production compacte et massive, le quintet a choisi de renforcer la puissance de ses arrangements instrumentaux, toujours aussi circulaires et épileptiques. Mais loin de se contenter de figures imposées, Ultime Eclat sublime le formalisme, et étudie les possibilités de verser dans la nostalgie sans être passéiste. Ainsi, « Acta Est Fabula » réconcilie dans la haine la France et la Norvège, en associant la rigueur glaciale et la théâtralité excessive. « Ce Qu’Il y a de Chaos » à son tour, tente d’expliquer pourquoi le magma sonore sera toujours plus proche du chaos sans sombrer dans la parodie, avec son chant hurlé au-delà de toute humanité et son emphase tragique.

Et à contrario, « Les Grands Champs D’Hiver » nous ramène à une époque où les photos fanées et les bouquets de fleurs sauvages séchées n’étaient pas témoignages vains de l’amour d’un autre temps. GLACIATION, factuellement, porte les stigmates du passé et du présent de Hreidmarr. Et se veut preuve de plus que certains artistes, bien entourés, peuvent devenir des légendes sans avoir à provoquer l’histoire. Juste en la faisant.                          

                                                 

Titres de l’album :

                      01. Ultime Eclat

                      02. Le Rivage

                      03. Et Puis Le Soufre

                      04. Acta Est Fabula

                      05. Ce Qu’Il y a de Chaos

                      06. Glaciation

                      07. Les Grands Champs D’Hiver


par mortne2001 le 28/03/2020 à 18:20
95 %    813

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
28/03/2020, 19:20:45
Et bien... quelle chronique Mr Mortne une fois de plus !
Un album pas encore écouté pour ma part, mais j'ai limite l'impression pourtant, tellement on en entend parler partout. J'y jetterais une oreille certainement, en asseyant de faire fi des polémiques l'entourant.

myonle
@78.192.38.132
29/03/2020, 07:54:48
Seul le premier album était excellent, les 2 autres dont celui-ci de moins en moins bons.

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Test de nouvelle vidéo

grinder92 11/09/2020

Vidéos

From This Day Forward

mortne2001 10/09/2020

From the past

...And Justice For All

mortne2001 08/09/2020

From the past

Slayer + Megadeth 2011

RBD 05/09/2020

Live Report

Manifest Decimation

mortne2001 31/08/2020

From the past

Opeth 2006

RBD 29/08/2020

Live Report

Widespread Bloodshed/Love Runs Red

mortne2001 24/08/2020

From the past

PILORI / Interview

Baxter 18/08/2020

Interview

Dead can Dance 2013

RBD 15/08/2020

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
grinder92

Du texte en grasDu texte en italiqueDu texte soulignédu texte barrédu texte en vertune liste d'item numérotée(...)

16/09/2020, 22:12

grinder92

 

16/09/2020, 21:51

grinder92

16/09/2020, 21:49

grinder92

  Affichage des smileys

16/09/2020, 16:48

grinder92

 

16/09/2020, 15:51

grinder92

15/09/2020, 22:30

grinder92

15/09/2020, 22:06

grinder92

  

15/09/2020, 19:09

grinder92

 

15/09/2020, 18:39

grinder92

 

15/09/2020, 18:38

grinder92

Affichage de Smileys  

15/09/2020, 13:57

grinder92

test de fonctionnement

15/09/2020, 13:57

senior canardo

gros souvenirs, j'y avais emmené mon neveu de 7 ans et demi ! c'etait drole les regards partagés des gens entre "cool la relève" et "ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant " lol. ce qui etait drole aussi le nombre de gens qui se sont barrés après slayer ...comme nous ;)

11/09/2020, 12:32

Humungus

Novateur ? Je ne sais pas du tout ce que la "presse" en dit mais moi je le trouve très varié (y'a tout NAPALM là dedans !), pas mal de côtés GODFLESH aussi... Pis même un titre totalement KILLING JOKIEN ("Amoral"). Bref, j'adore !!! Album de l'année ???

11/09/2020, 10:59

Living Monstrosity

Barney, toujours aussi intéressant en interview. Bon sang j'adore ce type !!! J'adore l'écart qu'il y a (toujours eu) entre l'aspect brutal de leur musique et le fond, l'esprit derrière tout ça. Quant au dernier album, j'ai bien envie de craquer aussi... Il est aussi "novateur(...)

11/09/2020, 08:04

Humungus

Nubowsky + 1000000 !!! Le dernier album en date est juste EX-TRA-OR-DI-NAIRE !!! !!! !!! Il tourne en boucle chez moi en ce moment...

11/09/2020, 07:25

RBD

Bel effort qui illustre bien le retour en grâce dont bénéficie cet album depuis, disons, une douzaine d'années, et après être passé pour le plus faible dans l'opinion générale jusqu'à la sortie de "Load". Tout est dit ici dans les faits, qui sont au demeurant bien connus. Ce (...)

10/09/2020, 21:27

Arioch91

Sabaton, je n'y prête même plus attention. Pas ma came mais je respecte ceux qui aiment. Y a pas de mauvais Metal. - Le bon Metal, c'est quoi ? Bah tiens, tu prends ce disque là, tu le poses sur la platine, tu écoutes. Bah, c'est du bon Metal. Et le mauvais Metal ? Ah..(...)

10/09/2020, 11:22

Arioch91

J'ai bien aimé celle de David White (Heathen, chant). On sent que l'intérim des gratteux chez Exodus lui a bien cassé les couilles, tout comme le fait que Kragen Lum se soit pointé avec la totalité du nouvel album entièrement composé par lui et que White ne pouvait même pas y apporter ses te(...)

10/09/2020, 11:18

Nubowsky

L’interview de Napalm est toujours aussi intéressante.. quelle conviction et quelle carrière exemplaire.

10/09/2020, 09:45