AmeriKKKant

Ministry

09/03/2018

Nuclear Blast

We’re going to make America great again  

Ça aurait pu marcher, ça aurait pu préfigurer d’un nouveau prophète apte à redonner à l’Amérique sa grandeur post WWII, mais émanant d’un crétin congénital comme Donald Trump, homme d’affaire à l’opposé du self-made-man érigé en tant que rêve absolu, tout ça sonnait comme l’hallali annoncé, comme la résignation crasse d’un pays qui ne sachant plus vers qui se tourner pour faire résonner son histoire, finissait par provoquer la catastrophe pour éviter le cataclysme. Et entre les aveux d’impuissance, les déclarations à l’emporte-pièce, les provocations de gamin avec son homologue coréen, et les saillies conseillant d’attraper les femmes par les couilles, il devenait de plus en plus flagrant que l’Amérique des natives était cette-fois bien morte et enterrée. Donnons alors des flingues aux profs, et laissons le massacre commencer. Peut-être que la renaissance viendra d’une mort annoncée, celle de la liberté, et de l’intelligence du vivre-ensemble. Tout ceci n’a pas échappé à l’artiste qui avait su conspuer en son temps le fléau Bush, lui consacrant même un album, et le parallèle est d’ailleurs troublant de bêtise. Même QI au ras des pâquerettes, même haine de « l’autre », ce mexicain tout juste bon à construire le mur le séparant de sa famille ou ce nègre tout juste bon à gonfler les statistiques de prisons nationales, et même folie ambulatoire, sans chirurgie compensatoire, pour un avenir aussi sombre qu’un album de…MINISTRY. On le sait, Al “Fucking” Jourgensen aime son pays, mais en déteste les aspects les plus conservateurs et belligérants. Il s’est toujours posé en observateur chafouin des mésaventures de sa nation, mais aussi plus simplement, en chantre d’un Metal à tendance industriel qu’il a pratiquement inventé à lui seul, si ce n’était pour Jaz Coleman. Alors, après l’annonce il y a plus de dix ans affirmant que The Last Sucker serait l’ultime projet de sa créature, et après avoir ingurgité deux pamphlets supplémentaires (Relapse et From Beer To Eternity, sympathiques, mais pas forcément essentiels), tout le monde savait très bien que l’élection d’Orange is the new Crack à la tête du pays allait faire réagir notre dreadlocké préféré. Et ça n’a pas traîné, oh non. La preuve.

Grab them by the pussy.

Sauf qu’Al a une fois encore décidé d’attraper les mentalités par les burnes et de secouer le temps de cerveau laissé disponible par les médias pour réveiller les consciences. Est-ce vraiment le monde dans lequel vous souhaitez vivre ? Telle est l’injonction en forme de fausse question posée par ce nouvel album, cet Amerikkkant aux trois lettres si symboliques faisant référence à cette congrégation nauséabonde qui semble connaître un réel regain d’intérêt. On savait l’homme désabusé, et peu enclin à continuer l’aventure sans son complice de toujours Mike Scaccia (ce qui ne l’a pas empêché de produire deux LP supplémentaires sans lui), à tel point qu’on le pensait plus intéressé par l’aventure SURGICAL METH MACHINE que par un quelconque avenir de sa machine ministérielle. Mais c’était sans compter sr sa légendaire colère qui lui fit arracher le combiné de son socle pour rappeler ses troupes au combat. Mais la colère n’étant pas toujours bonne conseillère, on se demandait clairement ce qu’il allait bien pouvoir hurler à travers le haut-parleur qui n’ait pas déjà été vociféré par des masses laborieuses, peu satisfaites de la tournure des choses. Attentats, inégalités, bêtise crasse, scandales répétés, affaire Weinstein, le terreau était fertile à l’explosion d’une vraie diatribe qu’on attendait depuis trop longtemps (le parcours de MINISTRY a été plus qu’erratique depuis les années 90), et qui finalement…n’en est pas vraiment une, ou peut-être la plus adaptée à une période trouble et mouvementée qui fait danser les pantins sur le mur de la honte. Et peu importe de savoir que la construction de ce mur remonte à des mandants antérieurs, il fallait à Al un exutoire, qui s’incarne aujourd’hui par une poignée de morceaux parfaitement en adéquation avec leur temps, et qui nous ramènent même aux plus grands éclairs de haine brute et blanche des années 80, comme l’incarnation d’un Post-Indus que peu pourraient prétendre égaler. Beaucoup se sont montré déçus de l’orientation prise, pointant du doigt le discours éclaireur maladroit « Antifa » pour étayer leurs thèses contradictoires. S’il est certain que ce titre est loin de l’acmé que nous étions en droit d’espérer, il n’est heureusement pas symptomatique d’un album qui se pose en bande-son d’une apocalypse programmée. On pourrait presque à la rigueur voir en Amerikkkant l’équivalent des sonnets énervés des PUBLIC ENEMY, transposés dans un vocable rêche et purement Metal, quoiqu’on en dise. En accordant de plus en plus de place aux samples, bruitages/témoignages et autres fragments de discours lénifiants et désespérants, Jourgensen s’est mis en phase avec les obsessions contemporaines, et nous brosse le tableau d’une Amérique perdue dans le bruit et la fureur, ne sachant plus vraiment dans quelle direction s’enfuir, évitant les tirs des snipers des fake news sans vraiment pouvoir se faire leur propre opinion. Et cette course effrénée vers un avenir peu éclairé est sans doute la force de ce nouvel album qui lui aussi part dans tous les sens, sans oser affirmer l’inévitable. L’Amérique est probablement foutue, et personne n’y peut rien.

I think if this country gets any kinder or gentler, it's literally going to cease to exist.

« Cease to Exist », ou comment apparenter la maison Blanche à une démarcation de la famille Manson, préfigurant un Armageddon racial et économique. Ce judgement day, MINISTRY l’anticipe, et en tire des conclusions tout sauf hâtives. Sans chercher à convertir les masses à son point de vue ferme et féministe (ou plus génériquement, humaniste, si tant est que le concept ait encore un sens), Jourgensen, tente de les ramener sur le chemin de la lucidité par des morceaux tortueux et violents, d’une violence sourde et larvée, jamais complètement avouée ou déclarée, mais plutôt insidieuse. Et ce sont sans doute ces interventions les moins prévisibles qui confèrent à ce nouvel essai ses injonctions les plus pertinentes. Oublions un peu le gimmick de transposer le myxomatosé Burton C Bell sur le plutôt prévisible « Wargasm », qui se contente d’une transposition un peu facile de l’usine à peur dans un contexte globalement Indus, mais maladroit et très naïf (d’autant que la performance du vocaliste erratique n’a rien de bien convaincant), et concentrons-nous plutôt sur le phénoménal et imposant « Twilight Zone » pour argumenter. En plongeant les idées les premières dans un marigot de répétitions concentriques sur fond de beat lourd de sens, Al nous offre un panorama de sa nation qui ne laisse que peu de place à l’interprétation. On y sent ses inclinaisons les plus formelles, et surtout, l’état dans lequel il s’est trouvé lorsque le visage orangé de cette starlette de télé-réalité affairiste est apparu sur son écran, accompagné d’un pourcentage beaucoup trop élevé. On y retrouve la lourdeur de « Scarecrow », accompagnée d’un choix de samples bien étudiés, pour nous immerger dans un passé où les choses n’allaient pas franchement mieux, mais pas pire pour autant. C’est en unissant son glorieux parcours et son LP le plus emblématique à la distorsion actuelle que Jourgensen tisse ses trames les plus attirantes, et nous détourne d’une trop longue attente. Et des morceaux de cette trempe, on en trouve trois sur cet Amerikkkant qui rendra son verdict dans plusieurs années.    

Please don't feel so stupid or insecure, it's not your fault.

Silence, puis le rideau tombe. Celui de « Victims of a Clown », au message clair comme une adaptation des standards groovy des nineties, via cette rythmique plombée mais chaloupée, et ce chant noyé dans les extraits sonores s’affrontant genre guerre des étoiles sans missiles ni Jedi, du moins pas encore. Une fois de plus, l’oppression, la confusion sont parfaitement incarnées par une bande son chargée, striée de scratches et de riffs purement métalliques, qui dépeignent cette fameuse Amérique blanche fascinée par cet entrepreneur de fortune qui n’a pas peur de dire les conneries qu’on est en droit d’attendre de lui. C’est un titre tendu, ondulant, aussi sexuel qu’impitoyable dans ses décibels, et une fois encore, la validation d’une réunion qui n’attendait qu’une simple étincelle électorale pour exploser. Cette explosion, on la retrouve faussée sur le final éponyme, qui ne fait pas grand cas de son écœurement spéciste et raciste, et qui se souvient dans ses derniers fragments évaporés du « bon vieux temps », ou les négros se retrouvaient suspendus à un arbre, une corde fermement attachée à leur cou. Le leader vomit sa bile, et traine son spleen le long d’un instrumental sans nuances, qui tient plus d’une résignation face à l’adversité que d’une révolte assumée. Mais comment en vouloir à un rebelle de se sentir fatigué de tant de stupidité, et écœuré de voir ses contemporains opter pour la solution en impasse de facilité, cette solution qui les emmène droit dans ce mur que leur dirigeant voit comme l’ultime rempart protégeant la pureté de SA race. Alors oui, Al Jourgensen via ce nouvel album ne vous caresse pas dans le sens du poil, mais là n’a jamais été son intention. Ce qui ne l’empêche absolument pas de signer une œuvre essentielle, qui pourra, avec un peu de patience, devenir aussi séminale que Psalm 69 et The Land of Rape and Honey. Pas par le biais le plus facile qui soit, mais qui a dit que la facilité était mère de créativité ? Vous pouvez détester Amerikkkant pour ce qu’il est, pour cette recherche d’absolu handicapée par des accès de facilité, mais vous ne pouvez pas le détester pour ce qu’il n’est pas. Une simple pierre de plus à l’édifice, et un rempart laissant la folie à l’extérieur. Car Al est tout sauf fou, il est même l’un des plus lucides d’entre nous. Et Amerikkkant n’est rien de moins que l’héritage de bruit et de fureur de la génération Punk, qui s’est tue depuis la mort des RAMONES.

We’re going to make America great again.

 Mais quelle Amérique ?


Titres de l'album:

  1. I Know Words
  2. Twilight Zone
  3. Victims Of A Clown
  4. TV 5-4 Chan
  5. We're Tired of It
  6. Wargasm
  7. Antifa
  8. Game Over
  9. AmeriKKKa

Site officiel


par mortne2001 le 18/03/2018 à 14:25
85 %    736

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


rasloik
@78.192.38.132
19/03/2018, 20:05:51
ultra daubesque tant sur la forme que sur le fond

Simony
membre enregistré
19/03/2018, 21:53:42
Je trouve malheureusement que le discours du Monsieur a perdu en crédibilité, je me retire, je reviens, je me retire, je reviens, je me retire, je reviens, on croirait une de mes soirées masquées !

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