And Now There's Only A River Left Behind

Nord

28/11/2018

Autoproduction

Perdu dans un mail promo, on se méprend parfois sur la nature intrinsèque d’un groupe qu’on associe inconsciemment à ceux juxtaposés dans les propositions de chroniques. Ainsi, aligné sur SKALD, j’avais sottement rangé les NORD dans la catégorie Pagan/Epic/Viking, et les genres n’étant pas dans mon champ de perception, j’étais prêt à faire l’impasse. Et c’est un rappel de la boite de management qui m’a mis la puce à l’oreille, et qui m’a poussé à m’intéresser à ces étranges musiciens pratiquant une étrange musique. Car non, les NORD ne se répandent pas en effluves de légendes nordiques et en nostalgie des drakkars et d’une certaine forme de virilité Folk, mais mettent leur créativité au service d’une musique plurielle, à la croisée des chemins Post, Alternative et Hardcore, pour le plus grand bonheur des fans d’originalité maîtrisée. Et si le groupe a patiemment attendu six années pour enfin proposer son premier longue-durée, il convient d’y voir une volonté d’offrir au public un produit fini et léché, à l’efficacité proportionnelle au désir de s’extirper des carcans et des querelles de style. Fondé en 2012 à Paris, NORD se veut donc le chantre d’une certaine évasion musicale, et d’une complétude dans l’hétérogénéité, mais surtout, une assemblée de musiciens à la culture variée et aux envies bien précises. Et And Now There's Only A River Left Behind, de son interminable intitulé de prôner des valeurs mélodiques et métalliques, dans une pulsion générique viscérale de piocher là où bon lui semble ses influences, rappelant tout autant le Post Hardcore que le Metal alternatif, sans se départir d’un sens harmonique très prononcé et d’une complexité de ton qui n’empêche nullement la percussion. Mais à vrai dire, un combo capable en quelques secondes de son morceau d’ouverture de rappeler THE OCEAN et les SMITHS est assurément digne d’intérêt, d’où cette prose pour vous les présenter.

Après avoir publié un premier EP en 2015 (Monsters), ce trio iconoclaste (Florent Gerbault - guitare/chant, Romain Duquesne - basse/samples et Thibault Faucher - batterie) a donc concentré ses meilleures idées en dix titres, qui nous proposent un voyage dans les méandres d’un Rock décomplexé, et affranchi de toute obligation, passant sans vergogne de longs passages contemplatifs Post à de soudaines crises de colère Rock, sans sonner hors-contexte ou opportuniste. Produit et réalisé par Clément Decrock au Boss Hog studio (FALL OF MESSIAH, THE PRESTIGE), And Now There's Only A River Left Behind est une sorte de jeu de piste avec petits cailloux semés pour trouver le chemin au travers d’une forêt censée vous ramener à la maison Metal, qui égrène ses psaumes avec une intelligence rare et une ouverture d’esprit manifeste. Si le son global semble trouver ses racines dans la vague Post-Néo des années 90, les arrangements, les structures adhèrent aux principes Post Rock des années 2010, et dès lors, pas étonnant de retrouver le nom de THE OCEAN dans le casting des références avouées. Mais bien que les deux groupes partagent bien des points communs, ils n’en sont pas moins différents pour autant, même si ces éclairs de guitare tournoyante rapprochent encore un peu plus les deux concepts, sans que l’on ne puisse parler de plagiat ou de copie un peu trop appliquée. Non, et en citant le Math Rock comme une source possible, les parisiens s’extirpent d’eux-mêmes de parallèles trop fermes, et nous permettent de ne pas juger sur pièce, mais réclament un effort d’écoute pour mieux appréhender leur musique si riche et émotionnelle. La technique instrumentale individuelle est prépondérante, mais pas suffisamment pour faire sombrer le projet dans une démonstration égocentrique de capacités admirables, et tous les titres possèdent une accroche particulière, détachant le détail de l’ensemble sans pour autant nuire à la cohésion. C’est donc bien à une alternance violence/quiétude à laquelle nous avons droit, et il n’est pas difficile de dégager une équation capable de résoudre les inconnues. Et en acceptant le petit jeu de l’alignement, j’ose pouvoir affirmer qu’en combinant dans une même énigme les interrogations mélodiques des DEFTONES dernière génération, les déambulations harmoniques contemplatives de THE OCEAN et les accès de déstructuration des CANDIRIA, on obtient la problématique NORD, qui échappe donc à toute étiquette un peu trop bien collée. N’importe quel morceau peut tenir le rôle de preuve patente, même si certains comme « Holy Mountain » ou « The Quiet Walker » semblent prédestinés à servir d’incarnations viables pour définir les frontières d’un monde où la beauté et la noirceur cohabitent, comme toute bonne digression Post qui se respecte.

De là à accepter la composante Mathcore comme partie intégrante d’une créativité revendiquée, il y a un pas que je ne franchirai pas. Certes, parfois le propos se densifie, les riffs deviennent plus épais et déconstruits (le final de « Holy Mountain »), mais des alternatives apaisées comme « The Only Light » penchent trop vers les SMASHING PUMPKINS pour que l’on puisse même partiellement affilier les parisiens à la mouvance des DILLINGER. De la simplicité donc dans les ambitions, de l’envie dans les constructions, mais surtout, la volonté de proposer une musique sans ornières, factuellement progressive (non dans la prétention de plans accumulés mais dans les digressions mélodiques étirées), qui n’éprouve aucune honte à intégrer des éléments synthétiques ou des arrangements de cordes (Violon par Hélène Brunel, Violoncelle par Anne Brunel), pour mieux les dissimuler sous une épaisse couche de guitares, empilées par un Florent Gerbault qui pioche dans tous les registres pour tisser une toile sonore gluante. Difficile de résister à ces pulsions passant allègrement du Metal le plus impitoyable au Post Rock le plus modelable (« Ektos/Plasma »), et ménageant le chou Rock pour caresser la chèvre Hardcore, tout en faisant de l’œil à une forme très personnelle de Post Pop profitant du chant très aérien et fluet de Florent pour s’imposer dans l’ombre et alléger des morceaux qui auraient pu sonner trop classique parfois (« Watch This Burn »). Certes, pour le moment, l’ombre de groupes témoin est encore un peu trop prononcée pour exposer les NORD en pleine lumière, mais avec quelques années de plus, il y a fort à parier que le trio parviendra à se dégager de ses références pour s’affirmer en tant que telle, en s’appuyant sur cette capacité à travailler ses transitions pour les rendre moins optionnelles que d’ordinaire (« Silent Shapes » et « Xibalba », qui malgré leur brièveté sonnent comme de véritables chansons, et non comme des interludes de facilité).

Et si en conclusion « And Now There's Only A River Left Behind » peut s’apparenter à un gigantesque melting-Pot évoquant une porte de sortie Post Progressive, les idées s’accumulant comme autant de pistes à suivre, ce premier album témoigne d’un talent indéniable, et d’une personnalité attachante et envoutante. Ce qui prouve qu’il faut faire très attention lorsque vous jetez un œil à tous ces mails promotionnels que vous pouvez recevoir. Parfois, un trésor enfoui s’y cache, et sans y faire attention, vous risquez de le laisser sous terre et de passer à côté d’une découverte assez estimable.


Titres de l’album :

                           1.The Quiet Walker

                           2.The Only Light

                           3.Ghost

                           4.Near Death Experience

                           5.Silent Shapes

                           6.Watch This Burn

                           7.Holy Mountain

                           8.Ektos/Plasma

                           9.Xibalba

                           10.And Now There's Only A River Left Behind

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par mortne2001 le 20/12/2018 à 16:27
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