Lugubre

Windhelm

03/01/2019

Autoproduction

Inutile de tourner autour du pot, on le sait d’avance, les one-man-band lo-fi dans le BM sont souvent le ver qui infeste le fruit. Véritable excuse à un manque d’autodiscipline, complaisance de fond qui peine à masquer une pauvreté d’inspiration au nom de « l’éthique », instrumentation pauvre, production inexistante, la pollution est telle qu’il devient difficile de trouver un concept qui vaille la peine d’être abordé. Mais heureusement, certains artistes, dans leur coin, travailleur leur sujet pour proposer autre chose que de pauvres démos destinées à flatter les bas instincts de réfractaires au solfège et à l’intelligence. Il est donc facile de ranger dans la catégorie des véritables créateurs le projet WINDHELM, mené de gant solitaire depuis 2016 par Aldric (évoluant aussi seul au sein de son autre groupe KALDT HELVETE), qui en une poignée d’années est parvenu à trouver assez d’inspiration pour signer trois longue-durée, dont ce petit dernier, peaufiné depuis l’année dernière, Lugubre. Et lugubre, cet album l’est, puisque outre un BM assez raw et lancinant, il propose un Ambient mélodique mais oppressant, collant parfaitement à la thématique choisie. Laquelle ? Celle du cycle de la vie, qu’il décline en trois chapitres, tous empreints d’une atmosphère différente. En premier lieu, la dégénérescence, et les ténèbres qui étalent leur emprise sur le monde, avec leur lot de fléaux, dont la pauvreté, le repli sur soi, le rejet des valeurs. Puis la nuit, ou plus exactement la fin de la civilisation telle que nous la connaissons, avec l’extinction de la race humaine, pour terminer sur la renaissance d’un autre monde, moins égoïste, et plus en phase avec la nature. Un concept humaniste, légèrement nihiliste sur les bords, mais qui a le mérite d’être concret et de nous éloigner des sempiternelles obsessions du style et autres manies sataniques pour public adolescent.

Musicalement, l’auteur ne s’éloigne pas de ses influences d’origine, et continue de proposer un BM âpre et poisseux, parfois mâtiné d’accalmies mélodiques, mais qui garde tout son potentiel de puissance. On reconnaît dès les premières notes le style de WINDHELM, souvent lent et oppressant, parfois rapide, très même, puisque les morceaux violents font partie des plus véhéments de son répertoire. Si la production, at home, est encore une fois fluctuante, avec des pertes de dynamique et une guitare qui semble geindre pour réclamer un meilleur mixage, le tout reste cohérent en diable, et oppose la violence la plus crue au fatalisme le plus avoué, et nous entraîne sur la piste d’un Black très influencé par l’ancienne génération nordique, MAYHEM (des débuts s’entend, et jusqu’à De Mysteriis) et DARKTHRONE en tête de liste. Mais les références aux scènes française et canadienne sont aussi patentes, spécialement sur les morceaux les plus nuancés, qui mettent en avant un chant terriblement rauque et sous-mixé, et des guitares dures comme un hiver glacial. Ce qui frappe au-delà de l’effort consenti au niveau créatif, c’est la pertinence du propos, et la solidité des morceaux, qui loin d’être de simples prétextes à la débauche et au minimalisme, sont ordonnés, agencés, tout en respectant une spontanéité que les riffs directs soulignent avec une morgue assez justifiée. Et de fait, l’auteur a de quoi être fier de ce troisième longue-durée, qui s’il ne fait que prolonger les idées déjà émises sur les deux premiers, explore d’autres pistes qui nous portent à croire qu’Aldric a encore pas mal de choses à dire et à proposer.

Et si ses morceaux sont toujours aussi longs, ça n’est pas une excuse pour proposer un unique plan ad nauseam ou pour broder sur du vide. Ainsi, l’impeccable « Les Funérailles D'un Chêne » nous offre une vision assez complète du BM de tradition, avec son mélange de distorsion excessive et d’arpèges acides, que le son densifie encore plus pour en accentuer la mélancolie. Cette mélancolie est tangible même sur les inserts les plus brutaux, avec toujours une harmonie même rachitique qui traîne en arrière-plan, comme le fantôme d’une humanité qui aimerait bien renaître. D’un autre côté, le premier véritable morceau de l’album, « Quand La Nuit Emporte La Vie » développe après une intro digne du grand MAYHEM un propos beaucoup plus brutal et viscéral, sans se montrer moins intéressant pour autant, et rappelant même la naissance de la scène extrême européenne des années 80, avec les éternels BATHORY et HELLHAMMER en tête de liste. En rebondissant constamment sur ses propres idées, Aldric propose un album qui certes porte encore des stigmates d’amateurisme, notamment au niveau de la mise en place rythmique, pas toujours carrée, mais qui se montre culotté et intrigant, et parfois même mystique, sur « L’éternité », qui jongle entre des arpèges en son clair et un tempo très relevé, pour mettre en avant un chant très étouffé à la limite du murmure. Et en parlant de BATHORY, « Une Ombre Dans Le Sanctuaire » assume justement son legs, avec son mid tempo pilonné, et son riff minimal mais dense, qu’une basse ludique vient troubler de ses rebonds ronds et de son jeu de croches assez décalé. Nous sommes donc loin d’une produit fabriqué au hasard d’une nuit d’insomnie, et plus proche d’un concept traité avec sérieux et concentration, qui se permet parfois des écarts mélodiques hypnotiques (« La Montagne Au Loin », ou comment souiller de jolies notes d’un chant saturé de réverb’), pour mieux se recentrer sur une violence assumée (« Là Ou L'aube Renaitra »)

Les plus hermétiques argueront d’un son très inégal, et d’un classicisme qu’ils se complairont à pointer du doigt, mais les fans les plus rompus à l’exercice sauront reconnaître une œuvre complète, ambitieuse, n’utilisant pas l’Ambient comme gimmick, mais bien comme composante à part entière. Les plus-values sont apportées par une théâtralité vocale qui permet de s’accrocher au propos, pas si pessimiste qu’il n’en a l’air, et par une variété de ton qui étonne dans ce genre de production. A tel point qu’on se demande même ce que le résultat eut donné doté de moyens plus conséquents, même si l’autoproduction d’Aldric n’a pas à rougir de sa modestie. Certes, au niveau des petites approximations, on aurait aimé un final moins prévisible sur fond de synthé un peu monolithique, mais le caractère épuré de cette conclusion colle finalement assez bien à la peau du concept, et achève de convaincre l’auditeur potentiel de la richesse d’un album qui ne doit rien à personne. WINDHELM confirme donc les bons avis émis par l’underground, et continue son bonhomme de chemin, toujours aussi productif, et toujours aussi réactif. Une excellente surprise de noirceur, qui laisse quand même filtrer les rais d’un espoir embryonnaire, mais bien concret.       

 

Titres de l’album :

                           1. Le Concile Des Spectres

                           2. Quand La Nuit Emporte La Vie

                           3. Des Etoiles Tristes

                           4. Les Funérailles D'un Chêne

                           5. L'éternité

                           6. Une Ombre Dans Le Sanctuaire

                           7. La Montagne Au Loin

                           8. Dépression D'ete

                           9. Là Ou L'aube Renaitra

                          10. Réminiscence D'un Autre Age

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par mortne2001 le 29/04/2019 à 17:39
80 %    625

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


KaneIsBack
membre enregistré
30/04/2019, 10:24:10
Theodor Kittelsen pour la pochette ?

NecroKosmos
@109.218.111.206
01/05/2019, 08:28:00
Oui, Kittelsen. Musicalement, c'est tout à fait honorable. Glacial, triste,...

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