Rest In Violence

Bonded

17/01/2020

Century Media

Je vais être franc, j’ai un GROS problème avec le son des albums Thrash contemporains. L’explication en est très simple. En tant qu’enfant du Thrash boom des années 80, j’ai grandi avec les productions de Bill Metoyer, Alex Perialas, Rick Rubin, Harris Johns, ce son si sec et nerveux, qui à l’époque, permettait de différencier les groupes et de les regrouper par affinités. Attention, je ne parle pas ici de la recherche nostalgique de combos comme MUNICIPAL WASTE, POWER TRIP et tous les défenseurs de la cause passée. Je parle des groupes institutionnels, ceux existant depuis des décennies, qui adoptent tous la même posture. Les EXODUS, OVERKILL, DESTRUCTION, KREATOR, qui semblent avoir retenu la leçon du Thrash revival des années 2000, et qui finissent par tomber dans les mêmes travers. Ces travers s’expriment à travers un son bombastic, qui pousse tout à fond, qui démultiplie la puissance des graves et qui transforme les guitares en machines à riffer sans âme. De fait, ce qui devrait nous sauter aux oreilles comme la révélation d’un Armageddon à venir à tendance à devenir une norme de catastrophe, et à niveler les productions actuelles. Le projet BONDED pâtit de cette tendance et se veut aussi linéaire qu’un album de reprises de TOXIC WASTE ; c’est bien dommage, puisque cette normalisation handicape des morceaux qui avec une autre approche, auraient explosé comme les petites bombes à neutrons qu’ils sont. Une fois cet aparté refermé, traitons du cas de ce nouveau venu qui n’en est pas vraiment un, plutôt un supergroupe que personne n’a vu venir. Formé par deux SODOM, Bernd “Bernemann” Kost und Markus “Makka” Freiwald, BONDED est donc une association de bienfaiteurs Thrash qui ne souhaitent qu’une chose. Jouer le genre avec les tripes, et nous permettre de headbanguer sans avoir à penser à d’éventuelles conséquences conceptuelles. Une sorte de plaisir anecdotique mais d’importance, l’alliance de talents du cru, et surtout, un défouloir gigantesque qui unit pour le meilleur et pour le pire le passé et le présent.

Moteurs du gang, Bernd et Markus n’ont pas recruté les premiers venus pour les épauler. On retrouve donc à la basse Marc Hauschild, mais surtout Chris Tsitsis (ex-SUICIDAL ANGELS) à la seconde guitare, et Ingo Bajonczak (ASSASSIN) au chant. Et comme le disent tous les sites référentiels en s’appuyant sur des arguments promotionnels d’usage, This is fucking THRASH METAL !! Fucking Thrash yes, but modern Thrash, et pas le plus savoureux. En occultant les griefs exposés plus en amont, Rest In Violence est un modèle de Thrash cruel et moderne qui tient compte de l’héritage, mais qui se préoccupe plus de sa petite part. L’expérience des deux membres fondateurs au sein de SODOM est évidemment mise à profit, et les morceaux témoignent des longues années dévouées à la cause, mais quelque chose gêne dès les premières secondes d’écoute. Cette production justement, peaufinée par un habitué, Cornelius Rambadt, connu pour avoir mis son talent au service de SODOM. Et inévitablement, Cornelius a construit une cathédrale sonore de violence pour ses petits protégés, ce qui une fois encore a tendance à nuire à l’impact de morceaux qui se retrouvent noyés dans une masse de normalité contemporaine. Inutile pour constater ceci d’être un expert en enregistrement et mixage. On sent que tout est fait pour maximiser un effet déjà bien bœuf à la base, et si l’ensemble dégage une puissance indéniable, il entraîne de fait une accoutumance qui finit par glisser vers la torpeur, ce qui n’est jamais bon signe. Et sans vouloir tout mettre sur le dos du travail de captation, admettons quand même que les chansons de ce premier album auraient mérité un traitement moins générique et anonyme. On a même le sentiment d’écouter un nouveau KREATOR ou une surprise de TESTAMENT, ce qui achève de valider mon constat initial. Pourtant, le groupe avait mis toutes les armes de son côté pour conquérir les fans d’un Thrash de tradition ne crachant pas sur un minimum d’ambitions.

Avec le pedigree des musiciens, il était inutile de s’attendre à une musique jouant l’humilité, mais bien à une démonstration de force bombant le torse, ce que « Godgiven » confirme assez rapidement. Guitares qui fulminent au premier plan, rythmique tonitruante, couplets enragés pour refrain dégagé, le travail est peaufiné, mais restitué avec la sauvagerie nécessaire. Les nouveaux acolytes, pour mieux nous combler ne se sont pas contentés de leur petit cercle fermé, mais ont aussi convié aux agapes de la violence d’autres habitués des clubs VIP, dont Bobby “Blitz” Ellsworth au chant et Christian “Speesy” Giesler, ex-bassiste de Kreator sur le monstrueux et lapidaire title-track qui a de vrais airs de fête de famille et de célébration de la violence bon enfant. « Rest In Violence » est assurément l’un des hauts-faits de l’album, avec son tempo à la OVERKILL énervé, et sa dualité de chant très efficace. Le timbre du couineur Blitz s’accorde très bien de celui plus rauque d’Ingo Bajonczak, et les quatre minutes de massacre passent comme dans un rêve d’une Ruhr unie aux Etats-Unis pour célébrer quarante ans de domination mondiale. Mais même sans ces gimmicks, BONDED assure, et tire à vue, alternant les bourrasques bien velues et les aplatissements bien ténus, prônant une fausse simplicité de composition pour imposer une vraie vision. On prend évidemment beaucoup de plaisir à écouter ces vieux briscards faire ce qu’ils savent faire de mieux, mais autre écueil classique de ce genre de réalisation, sa durée, trop excessive et pointant du chrono des redites et des moments d’inspiration plus flottante. En survolant l’effort, on est bien sur conquis par l’implication ne se démentant pas, et par des riffs redondants, cycliques, saccadés, ces instants de solidité (« Je Suis Charlie »), ces étalages de puissance crue (« Galaxy M87 », au parfum très DESTRUCTION contemporain), mais une fois encore, avec un son trop proche de la standardisation, Rest In Violence finit par radoter, et proposer des plans un peu trop usités.

C’est évidemment très méchant dans le fond, parfois bénéficiaire de modulations (« To Each His Own », mélodique comme du KREATOR récent), mais on ne peut que regretter que le résultat ne soit pas différent. En expurgeant ce premier album des quelques scories évidentes, et en optant pour un son moins symptomatique de l’époque, le projet eut décollé à des hauteurs insoupçonnées, celles-là même que DESTRUCTION et OVERKILL n’atteignent plus depuis longtemps. Mais en l’état, et avec un minimum de complaisance, BONDED s’en tire largement avec les honneurs. Mais pas plus.                                 


Titres de l’album :

                        01. Godgiven

                        02. Suit Murderer

                        03. Rest In Violence

                        04. Je Suis Charlie

                        05. The Rattle & The Snake

                        06. No Cure For Life

                        07. Where Silence Reverberates

                        08. Galaxy M87

                        09. Arrival

                        10. The Beginning Of The End (Bonus Track)

                        11. To Each His Own (Bonus Track)

                        12. The Outer Rim

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par mortne2001 le 03/02/2020 à 18:15
75 %    712

Commentaires (6) | Ajouter un commentaire


NecroKosmos
@109.218.231.164
03/02/2020, 21:09:20
M'en fiche, je l'achèterai quand même !! Hâte !!

Arioch91
membre enregistré
04/02/2020, 08:11:40
"Je vais être franc, j’ai un GROS problème avec le son des albums Thrash contemporains. L’explication en est très simple. En tant qu’enfant du Thrash boom des années 80, j’ai grandi avec les productions de Bill Metoyer, Alex Perialas, Rick Rubin, Harris Johns, ce son si sec et nerveux, qui à l’époque, permettait de différencier les groupes et de les regrouper par affinités."

Totalement d'accord avec le début de la chronique.

Une seconde d'un Pleasure to Kill, Bonded by Blood, So Far so Good so What et des tonnes d'autres suffit à reconnaître, ET le groupe, ET l'album.

De nos jours, les prods ne filent plus de personnalité aux groupes et aux albums. Bien dommage.

Jus de cadavre
membre enregistré
04/02/2020, 11:09:21
"Une seconde d'un Pleasure to Kill, Bonded by Blood, So Far so Good so What et des tonnes d'autres suffit à reconnaître, ET le groupe, ET l'album."

Ça c'est tout à fait vrai. Quelles personnalités les groupes avaient à l'époque bordel ! En même temps c'étaient les pionniers donc tout était neuf et à inventer. Je n'ai pas connu cette époque bénie, mais bordel, ça devait être claques sur claques !
J'imagine la gueule des mecs en 86 (par exemple) en découvrant coup sur coup Master Of Puppets, Reign in Blood, Pleasure to Kill, Darkness Descends, Peace Sells... et tant d'autres (putain cette liste de fou cette année là xD) ! Le pied !

Arioch91
membre enregistré
04/02/2020, 19:49:26
Oui, c'était le pied, même si parfois à la première écoute, j'aimais pas forcément le son collé à ce que j'entendais.

Mais c'était LE son, UNE prod' pour UN disque, et pas un truc standardisé collé à tous les artistes passant dans un même studio.

Imagine Entombed qui se pointe avec une prod' à la Andy Sneap. L'impact n'aurait pas été le même.

RBD
membre enregistré
04/02/2020, 22:42:47
Cela me rappelle ce que je pensais à l'époque de Legion of the Damned : très gros son totalement impersonnel qui tue tout le reste. Sitôt le set fini, on s'en est pris plein la gueule mais on est incapable de se souvenir d'un seul riff.

jolk
@78.192.38.132
08/02/2020, 12:38:19
Le thrash est un genre mort depuis fort longtemps...

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